L'Antillaise Audrey Themista, une artiste aux 1000 visages

Audrey Themista, une artiste au 1000 visages, ici sur scène avec des musiciens du collectif Miss Ginger
En 2015, c’est le "Molière" du Meilleur Spectacle Musical qui est décerné à la troupe des "Franglaises" dont fait partie la comédienne, chanteuse et saxophoniste Audrey Themista, d’origine antillaise. Sur les planches, ils mettent en scène de façon, disons-le, presque burlesque, les plus grandes chansons anglophones, traduites en français.

Dans les couloirs du théâtre Bobino à Paris, Audrey Themista est comme à la maison. Dans ce labyrinthe qui ferait tourner la tête du premier venu, pour elle, ce sont des sourires, des discussions, des bons moments. Avec Audrey, qu’ils soient agents d’accueil, costumiers, régisseurs, comédiens ou camarades de scène, ils font tous partie de la "famille". Chaque porte s’ouvre sur un souvenir, chaque pièce lui rappelle combien elle a travaillé pour en arriver là, et combien elle est heureuse d’avoir fait de la scène son métier.

Il faut dire que le spectacle "Les Franglaises", une comédie mêlant théâtre, musique et chant, y est joué pour la 8ᵉ saison. Pour l’artiste, c’est "une véritable 'success story', comme dans les films, pas plus, pas moins". C’est sur les bancs de l’école, au collège de Saint-Maur-Des-Fossés, qu’une bande de copains a eu l’idée de ce spectacle déjanté. Né d’un jeu – "et si on traduisait en français les paroles des plus gros succès anglophones ?" – l’idée est payante et le concept tordant. "Forcément, alors que le mot 'shoes' groove facilement en langue anglaise, traduit en français, avec le mot 'chaussures', c’est tout de suite plus compliqué ! ".

La troupe des "Franglaises" sur scène au théâtre Bobino à Paris

De fil en aiguille, le spectacle prend vie. Les succès de Michael Jackson (Michel, fils de Jacques), de Queen (Reine) ou des Beatles (les coccinelles), et tant d’autres grands noms de la scène internationale, se révèlent dans une traduction littérale, même exagérée, le but étant de faire rire. Les personnages sont créés, "comme une véritable extension de nous-même" nous confie Audrey.

On libère en quelque sorte le clown qui est en nous. En même temps, c’est assez dingue de réaliser que les chansons qui ont fait danser tant de générations, soient si … ridicules, finalement, quand on les traduit en français.

Audrey Themista

Jouer la comédie, mais jamais sans musique

La scène, Audrey Themista la partage avec des amis. "Certains se connaissent depuis la maternelle, d’autres le collège ou le lycée, c’est une famille." Et parler de famille avec Audrey, c’est faire remonter les vieux souvenirs. Très vite, la jeune femme nous parle de son enfance, bercée par des origines kabyles, bretonne et martiniquaise. Son père est Martiniquais justement. Il a grandi au Morne des Olives, un quartier de Saint-Joseph, où les grands-parents d’Audrey tenaient une exploitation agricole. "Toute mon enfance, on allait en vacances là-bas. J’en garde des souvenirs merveilleux. La nature, les plages, le soleil et la mer, oui, mais surtout ma famille." Des travailleurs de la terre, avec le sens du travail, mais aussi celui de la fête : "Il y avait de la musique tout le temps, des fêtes de quartier, des soirées... La musique à tout de suite fait partie de ma vie et c’est là que c’est devenu essentiel pour moi."

Depuis petite, Audrey chantait, elle a également appris à jouer des instruments, comme le saxophone. Mais plus jeune, elle ne se destinait pas à la musique. "J’ai toujours chanté, mais j’étais aussi très timide. Devenir chanteuse ? C’était un vieux rêve, qui, pour moi, ne se réaliserait jamais." Adolescente, sa vie future, c’est le sport. Elle joue au handball à un bon niveau, mais très vite une blessure brise ses rêves de carrière sportive. Pour s’en remettre, elle se tourne vers la musique : "Je me projetais complètement sportive, et la musique, c'est ce qui m’a sauvé, la musique ça vous porte, pour moi, c'est vital, complètement vital ! "

Tailleur le jour, robe à paillettes la nuit

Elle prend alors des cours avec Marie-Laure Wertheimer, une chanteuse lyrique, qui lui apprend la technique vocale. Elle chante des airs d’opéra, de la chanson française, de la soul, du rock et en parallèle devient formatrice professionnelle dans un cabinet d’avocat d’affaires. Et elle se met à y croire. "Pendant douze ans, j’ai mené une double carrière, mais être formatrice, ça ne m’a jamais empêché de faire de la scène ! C’est vrai que j’étais très fatiguée. La journée, j'étais au bureau, le soir, j'enfilais ma robe à paillettes et je partais en concert."

Audrey Themista (à droite) et le quartet "Les Demoiselles Flo(w)"

Cela fait maintenant quatre années qu’Audrey Themista a fait de la scène son unique métier. Avec le spectacle "Les Franglaises" elle a déjà un agenda bien rempli. Mais la jeune femme ne s’arrête pas là pour autant. Depuis qu’elle s’est mise à chanter, les rencontres l’ont amenée à créer un collectif d’artiste, sous le nom de Miss Ginger, avec lequel elle se produit régulièrement en France comme à l’international.

Depuis un an, elle a intégré le quartet "Les Demoiselles Flo(w)" actuellement en pleine création. Et puis, le hasard faisant, un nouveau challenge s’annonce. Elle a été contactée par une vieille connaissance, un musicien avec qui elle avait commencé à écrire quelques chansons il y a 20 ans. "C’est un projet fou que je ne pensais pas voir ressortir, mais là, il semblerait que ce soit le bon moment", lance-t-elle en souriant. Et ce qui ravit encore plus l’artiste, c’est que le musicien en question, il est actuellement en Martinique. "Ça fait tellement longtemps que je rêve d’y retourner, c’est l’occasion !"

Audrey Themista est pour le moment sur les planches du théâtre Bobino avec "Les Franglaises" jusqu’au 11 février, avant de partir en tournée dans tout le pays. Lorsqu’on lui demande si un jour "Les Franglaises" se produiront dans les Outre-mer, sa réponse est sans appel : "Cela serait tellement merveilleux !"