De bonnes joues. Bien rebondies. L'image saute aux yeux. Depuis sa retraite sportive, Ronald Pognon semble profiter de la vie. Un peu trop peut-être. Le cardiologue du Martiniquais a tiré la sonnette d'alarme en juillet dernier. "Il m'a simplement mis en garde, tempère Ronald. Je commençais à faire de l'hypertension. Il valait mieux réagir. J'ai donc repris le sport. Durant tout le mois d'août passé en Martinique, j'ai déjà perdu plus de dix kilos. Ça va mieux."
Une forme physique meilleure. Et un mental toujours au top. Les dix-huit mois de pandémie planétaire n'ont pas affecté le champion. "Comme je sors peu, les différentes contraintes ne m'ont pas vraiment gêné. Ça m'a surtout permis de me reposer. J'ai juste eu peur pour mon père et ma sœur qui vivent toujours en Martinique. Heureusement, comme moi, ils ont pu se faire vacciner. Ça m'a rassuré, car la situation sur place est devenue critique à certains moments. Et comme il y a tellement de fake news aux Antilles… "
Un dieu du sprint devenu roi du recrutement
L'été dernier, le marché des transferts a longtemps bruissé de l'arrivée probable de Kylian Mbappé au Real Madrid. Le célèbre attaquant est finalement resté au PSG. En revanche, Ronald Pognon a bien changé d'employeur. Après huit ans dans le groupe informatique Alten, le Martiniquais a été débauché par Manpower, le géant américain du recrutement. "Je dirige Manpower Digital Ile-de-France. C'est une filiale dédiée aux cadres qui travaillent dans l'informatique. Le recrutement est une guerre. Surtout dans le digital. Manpower recherchait un profil de compétiteur, un manager passionné. Je remplissais tous les critères."
Un Ronald Pognon devenu expert dans son domaine… alors qu'il n'y connaissait rien du tout à l'origine. "Au début, quand on évoquait le langage Java, j'imaginais qu'il s'agissait de la langue parlée sur l'île indonésienne ! Si on m'avait dit que je m'épanouirais dans le monde de l'informatique, je ne l'aurais pas cru. Mais je me suis adapté. J'ai beaucoup bossé pour combler mes lacunes. Aujourd'hui, j'adore échanger avec les ingénieurs, les comprendre, les aider… "
Ronald s'éclate dans ses nouvelles fonctions. D'autant que le marché du travail semble plus favorable en cette fin d'année. "Surtout dans l'informatique. On reçoit beaucoup d'offres. En face, nous avons presque une pénurie de candidats. C'est pour cela que j'aime ce métier. Je dois arriver à séduire le bon candidat. Je rappelle qu'on ne recrute que des cadres. Le plus souvent en CDI. Et pour des profils de salaire annuel allant quand même de 40 000 à 150 000 euros."
Le regard du champion
Même s'il a quitté le monde de l'athlétisme en 2015, Ronald Pognon suit toujours avec intérêt les différentes compétitions. Celui qui a disputé trois Olympiades successives (Athènes 2004, Pékin 2008 et Londres 2012) a donc forcément suivi le rendez-vous japonais. "Bien sûr ! Pour un athlète, les JO restent le must. À Tokyo, j'ai particulièrement aimé la finale du 100 mètres féminin. Le triplé jamaïcain a été impressionnant."
Réalité bien plus compliquée pour les athlètes français. Une seule médaille (Kevin Mayer) et de nombreux regrets. "Si la Fédération ne va pas bien, l'athlé français ne peut pas aller bien. Beaucoup d'anciens athlètes ont réalisé de belles choses après leur carrière sportive. Pourquoi ne pas faire appel à tous ces talents ? Quel gâchis… Je l'ai déjà dit, mais je me répète : en ce qui me concerne, je suis prêt à aider."
Le regard est amer. Un brin désabusé. Ronald Pognon cependant n'est pas trop inquiet à moins de trois ans des JO de Paris 2024. "La génération qui arrive, a faim. Un peu comme à mon époque. Un athlète comme Sasha Zhoya devrait faire de grandes choses." Ceci étant, le Martiniquais se montre plus sévère avec la génération actuelle. "Certains passent trop de temps sur Instagram à faire des stories. Ils feraient mieux de s'entraîner."
Pognon passion culinaire
Tous les samedis matin, le Martiniquais retrouve son petit plaisir : le marché. "J'aime bien cuisiner les fruits de mer. Et il se trouve que j'ai un super poissonnier… " Comment expliquer cette passion de Ronald Pognon pour la cuisine ? La faute à maman. Tout simplement. "Elle m'a inspiré, m'a donné envie. Je cuisine depuis l'âge de 10 ou 11 ans." À tel point qu'il est aussi en train de devenir expert dans ce domaine. "Au début, je faisais des gros plats. Traditionnels. Puis je me suis tourné vers le stylisme culinaire. Ou comment savoir marier le goût avec les couleurs, le croquant… "
Le stylisme culinaire de Ronald Pognon s'explique aussi par ses rencontres. Avec le chef étoilé martiniquais Marcel Ravin par exemple. Grand respect du champion pour le maître du Blue Bay à Monaco. "C'est sûrement le chef qui m'a le plus marqué. Il parvient à mélanger gastronomie antillaise et cuisine méditerranéenne. Lorsque j'ai pu manger à sa table et découvrir son univers, c'était juste magique !"
La table de Marcel Ravin à Monaco. Une référence pour le champion martiniquais. Mais pourquoi ne pas imaginer un jour, la table de… Ronald Pognon à Paris ? "Ah, sourit-il, mon propre restaurant ? C'est un rêve pour l'instant. Je pense que je me lancerai un jour. Mais pas quelque chose d'imposant. Juste une dizaine de tables. Un lieu où l'on viendrait déguster un menu découverte différent tous les jours. Ceci étant dit… je dois encore travailler. Le chef Ravin a placé la barre très très haut !"