L’habitat indigne et les difficultés d’accès au logement en Outre-mer

La fondation Abbé-Pierre a présenté ce 1er février son rapport annuel sur le mal-logement en France. Elle pointe deux spécificités dans les Outre-mer : les difficultés d’accès au logement qui sont plus fortes que dans l’Hexagone, et les défauts graves de confort.

Des mal-logés plus nombreux et vulnérables face à l'inflation, c’est ce que signale la fondation Abbé-Pierre dans son rapport 2023 sur le mal-logement, en taclant notamment le gouvernement et "l'insuffisance" de ses efforts pour y remédier.

Elle alerte par ailleurs sur deux spécificités des Outre-mer. La première concerne les difficultés d’accès au logement qui "sont accentuées en Outre-mer, du fait de revenus inférieurs, d’aides sociales moins solvabilisatrices qu’en métropole et d’un habitat privé fortement dégradé".

Baisse des logements sociaux financés

Comme le montre le diagramme ci-dessous, le nombre de HLM financés en Outre-mer stagne depuis 2018 et est même à la baisse depuis 2012 : "En 2021, 5.267 logements sociaux ont été financés dans les DOM, loin du record de 2012 (7.643)", est-il écrit dans le rapport.

La fondation Abbé-Pierre pointe du doigt "l’écart entre les ambitions affichées et les moyens alloués". "Alors que le PLOM [Plan logement Outre-mer, NDLR] affichait un objectif de production ou amélioration de 150.000 logements en 10 ans (15.000 par an), celui-ci n’a jamais été traduit dans les budgets", dénonce le rapport.

La ligne budgétaire unique, destinée notamment au locatif social et à la résorption de l’habitat insalubre dans les Outre-mer, n’a en effet pas augmenté proportionnellement aux objectifs mais est restée "stable[s] au cours des dernières années" : 225 millions d’euros en 2018, 222 millions d’euros en 2019, 208 millions d’euros en 2020…

Un plan d’1,5 milliard d’euros

"La loi de finances a prévu pour les politiques du logement une enveloppe de 234 millions d’euros en 2022, avant une hausse prévue en 2023 (239 millions d’euros)", est-il cependant précisé.

D’autres nuances sont également apportées, à savoir que "le Plan logement Outre-mer 2019-2022 du gouvernement, plutôt qu’un objectif de production, met l’accent sur l’adaptation des objectifs aux besoins de chaque territoire".

"De plus, un Plan d’investissement volontaire a été signé avec Action Logement, d’un montant d’1,5 milliard d’euros pour réhabiliter les parcs social et privé et développer le logement intermédiaire", stipule le rapport.

110.000 logements insalubres

L’autre aspect du mal-logement en Outre-mer concerne l’habitat indigne, qui regroupe :  

  • L’habitat indigne en soi, c’est-à-dire un lieu qui n’est pas destiné à loger des personnes ou qui expose ses occupants à des risques : pour la fondation, on en trouve par exemple à La Réunion ou en Guyane à cause de marchands de sommeil qui louent des logements indignes.
  • L’habitat informel, c’est-à-dire des installations qui peuvent être "édifiés majoritairement sans droit ni titre", "dénués d’alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales" et qui peuvent donc s'avérer insalubres ou dangereux ; la fondation en recense dans les centres-villes de Fort-de-France et Pointe-à-Pitre, dans les Hauts à La Réunion, mais aussi et surtout en Guyane ou à Mayotte sous forme de bidonvilles.
  • L’habitat traditionnel "jamais réhabilité" : le rapport donne l’exemple des cases en bois et/ou tôle en Guadeloupe ou à La Réunion, des carbets en Guyane.

La fondation Abbé-Pierre précise que ces formes de logements sont "difficiles à définir", "à repérer" et "à quantifier" : "D’après le ministère des Outre-mer, l’habitat insalubre concernerait près de 110.000 logements sur un parc total de près de 900 000 logements (soit 12 %)."

47% des logements guyanais ont un défaut grave

Le rapport reconnaît cependant qu’aux "Antilles comme à La Réunion, les grosses poches d’habitat insalubre ont été traitées et la problématique de l’habitat indigne renvoie aujourd’hui davantage à des logements en diffus, souvent occupés par des personnes âgées".

Mais il pointe cependant que "les habitants en Outre-mer sont particulièrement touchés par les défauts graves de confort" et donne plusieurs exemples :

  • en Guadeloupe, 31 % des logements comptent un défaut grave de confort et 10 % en cumulent au moins deux, comme en Martinique ;
  • en Guyane, 47 % des ménages sont confrontés à au moins un défaut grave de leur logement.

La fondation a recensé dans le tableau ci-dessous les problèmes de logement indigne et d’habitat informel dans huit territoires.

Le rapport 2023 de la fondation Abbé-Pierre recense les logements indignes dans huit territoires d'Outre-mer.