"L'impossible procès" gagné aux Zébrures de Limoges

"L'impossible procès" de Guy Lafages, mise en scène de Luc Saint-Eloy
Le public limousin des Zébrures d'Automne a rendu son verdict hier : au terme des deux heures et demie du spectacle proposé par Luc Saint-Eloy, les spectateurs ont applaudi cette reconstitution du procès qui a suivi les émeutes de mai 1967 en Guadeloupe et sa quinzaine de comédiens sur scène... 
  
Nous arrivons au théâtre de l’Union de Limoges un peu plus d’une heure avant la première représentation de L'impossible procès. Le metteur en scène Luc Saint-Éloy nous a en effet invité à filmer au préalable un extrait de la pièce pour éviter d’avoir à gêner pendant la représentation la quinzaine de comédiens qui évolueront sur scène pendant plus de deux heures. Non seulement soucieux du bien-être de ses interprètes, c’est aussi toute une mécanique qui ne doit pas être perturbée par quoi que ce soit pendant la représentation, nous assure-t-il. Qu'à cela ne tienne... Les exigences artistiques de Luc Saint-Eloy peuvent paraître excessives par les temps qui courent, elles se veulent la garantie pour le metteur en scène que son spectacle se déroulera au plus près de la façon dont il l’a désiré. Ce dernier vit un peu l’angoisse du gardien de but avant le penalty :

 

Une pièce et un procès pour l'Histoire ?

Nous filmons donc l’extrait que Luc Saint-Eloy demande à ses comédiens de nous interpréter ex abrupto. Cinq minutes au cœur de ce récit qui reprend les interrogatoires des prévenus de cet impossible procès dont la pièce elle-même paraissait impossible à monter tant le texte de Guy Lafages semblait inadaptable. Car pour raconter cet épisode qui suivit les terribles faits des 26 et 27 mai 1967 en Guadeloupe, il fallait coller aux minutes de ce procès contenant les déclarations des dix-huit prévenus et des témoins passés à la barre, lors des comparutions qui se sont déroulées à Paris en 1968. Accusés de séparatisme et d’atteinte à la sûreté de l’Etat, ces prévenus qui appartenaient au G.O.N.G. (Groupement d’Organisation Nationale de la Guadeloupe), ont du plaider leur cause pour tenter d’échapper à la prison. Ces hommes - et leurs avocats - ont dû chèrement défendre leur intégrité et leur liberté contre un État et ses représentants prompts sans doute à faire un exemple et faire oublier la répression sanglante des grèves qui s’étaient déroulées l'année précédente et pour lesquelles les accusés avaient apporté leur soutien. D’où les oppositions politiques flagrantes reflétées dans les échanges entre la Procureure et certains des accusés :


Une histoire pas assez connue 

Nul doute que le public de Limoges qui avait investi le théâtre de l’Union devait connaître peu voire pas du tout ce pan d’Histoire pourtant française. Il n’empêche : le message est passé, avec son lot de connaissances et de reconnaissance de ce que signifiait appartenir à la République quand on était territoire d’outre-mer dans ces années-là... Mais malgré la densité et la complexité de cette Histoire et malgré la durée du spectacle (près de deux heures et demie), les spectateurs des Zébrures ont visiblement pour la plupart apprécié :
Une deuxième représentation au théâtre de l’Union viendra confirmer ou non l’adhésion du public à la proposition de Luc Saint-Eloy. Cet impossible procès doit se tenir également très bientôt à Paris du 5 au 28 octobre au Théâtre de l’Epée de bois, à la Cartoucherie de Vincennes. Un beau rendez-vous mais compliqué, avoue Saint-Eloy : faire le plein dans les salles de théâtre dans la capitale n’est pas chose facile en temps normal mais en ces temps de COVID-19, ce n'est pas "l'impossible pari" mais quand même... Reste que tout cela en vaut la peine, se motive Luc Saint-Eloy qui veut avant tout "rendre hommage à ces Guadeloupéens mis sur le banc des accusés ainsi qu'aux victimes des émeutes de 1967".

L'impossible procès, texte de Guy Lafages, mise en scène Luc Saint-Eloy. Ce soir, mardi 28 septembre aux "Zébrures d'Automne" de Limoges et du 5 au 28 octobre 2020 à Paris, au Théâtre de l’Epée de Bois à la Cartoucherie.
 

Bonus 

Et à chaud, à peine le rideau de cette première représentation tombé, Luc saint-Eloy est soumis au feu de nos questions/réponses. C'est l'After Express :