À Mayotte, le nombre d’enfants étrangers placés en rétention est plus de 40 fois supérieur à celui de l’Hexagone. En 2021, 3.211 enfants étrangers étaient en rétention en France. 3.135 l’étaient au centre de rétention administrative de Mayotte. Plus de la moitié avaient moins de 6 ans.
En théorie, un enfant ne peut pas être en situation irrégulière : les mineurs ne sont pas obligés d’avoir un titre de séjour et ils n’ont pas à présenter une pièce d’identité en cas de contrôle. Mais la loi autorise leur rétention administrative en vue de leur expulsion s’ils accompagnent un adulte étranger, lui-même placé en rétention parce qu’il n’a pas respecté une mesure d’assignation à résidence ou parce qu’il a refusé une décision d’éloignement.
L’UNICEF estime qu’entre 2012 et 2021, au moins 33.786 enfants ont été placés en rétention en France, dont "plus de 1.460" dans l’Hexagone et "l’immense majorité à Mayotte". Sur l’île de l’Océan Indien, qui fait face à une très forte pression migratoire et où près d’un habitant sur deux est étranger, s’applique "un droit dérogatoire qui contrevient largement à l’intérêt supérieur de l’enfant", selon les mots de Jodie Soret, responsable du service des programmes et du plaidoyer à l’UNICEF France. Ce "droit d’exception" ne concerne pas que les mineurs : en matière de droit des étrangers, à Mayotte, les dérogations sont légion.
Une dizaine de condamnations par la CEDH
La situation pourrait changer prochainement. Dans la version de la loi immigration votée par le Sénat le 14 novembre dernier et transmise à l’Assemblée nationale, les sénateurs ont ajouté un amendement qui limite fortement la possibilité de placer les mineurs étrangers en centre de rétention. Si cette version est adoptée, il ne sera plus possible de placer un enfant en rétention s’il a moins de 16 ans. La possibilité resterait ouverte pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans. La mesure entrerait en vigueur en 2025, mais ne serait étendue à Mayotte qu’à partir de 2027.
"On se prononce pour l’interdiction de l’enfermement sur l’ensemble du territoire et sans aucune dérogation", commente Mathilde Delez, coordinatrice d’un rapport de l’UNICEF consacré aux droits de l’enfant en Outre-mer, qui espère que la mesure sera adoptée par les députés et qui milite pour une application dès 2025 y compris à Mayotte.
La France a été condamnée plus d’une dizaine de fois sur le sujet de l’enfermement des enfants par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui considère que priver un mineur étranger de liberté est un traitement "inhumain et dégradant".