L’urgence tranquille de Yannick Jadot

Portraits de campagne
Portraits de campagne : le regard forcément subjectif de notre journaliste Serge Massau, sur la campagne électorale. Les candidats à l’élection présidentielle sous le prisme des Outre-mer. Une plongée en coulisses qui éclaire les dessous de la campagne et la personnalité des candidats. Rencontre avec Yannick Jadot, candidat Europe Écologie Les Verts.

Yannick Jadot, le 8 mars sur le plateau de Outre-mer 2022

Le temps presse. La planète est en danger. D’ailleurs, le récent rapport du GIEC nous rappelle une nouvelle fois l’urgence d’agir. Car le compte à rebours est lancé. Les écologistes ne cessent de le répéter, il ne reste plus qu’une dizaine d’années avant que le changement climatique ne soit réellement irréversible. Pourtant, leur candidat à l’élection présidentielle ne reflète pas cette angoisse qui monte face aux dérèglements du climat. Bien au contraire.

Les cheveux bien peignés, le costume impeccable, Yannick Jadot a remisé les habits de l’activiste, et même du député européen tonnant contre le bilan écologique du président français. Après réflexion, il s’est décidé à porter une cravate. Pour faire président. Et inscrire le projet écologiste dans un imaginaire sérieux et crédible. Au cours de ces dernières semaines, Yannick Jadot a été contraint d’annuler à trois reprises un déplacement dans les Outre-mer. Tant pis pour la "frustration" de n’avoir pu rendre visite à des citoyens qui se sentent souvent oubliés par Paris. L’essentiel, dans ce contexte d’état d’urgence sanitaire, "c’était d’être exemplaires", et de faire preuve de "responsabilité".

"Réparer le passé"

Il pourrait s’emporter, feindre l’exaspération. D’autant que le quinquennat a été marqué par plusieurs crises sociales en Outre-mer, la dernière en date étant la contestation du passe sanitaire aux Antilles, conclue par l’envoi des gendarmes spécialisés du Raid. Il ajoute seulement, sur le même ton calme et posé, que "le président, il y a trois ans, contestait le caractère cancérogène du chlordécone. Comment voulez-vous qu’après, les politiques de santé venues de Paris soient crédibles ?"

Le candidat Jadot ne se positionne plus sur le terrain de la critique. Il veut "construire". Il ne veut pas non plus s’appesantir sur les blessures de l’Histoire. Même s’il dresse le tableau d’un système "aberrant", fait de monoculture, d’extractivisme, de sous-investissements publics et de dépendance envers l’Hexagone. "On ne va pas réécrire le passé. Ce qu’on peut faire, c’est réparer le passé", dit-il. Il ajoute, sans un mot plus haut que l’autre : "On a fait des choses abominables, en toute connaissance de cause, parfois. Et ne pas réparer, c’est là qu’est la faute politique, morale et sanitaire."

Permettre à chacun de "retrouver la maitrise de sa vie et de son destin"

L’ampleur de la tâche à accomplir peut sembler écrasante et démoralisante. Lui préfère s’enthousiasmer, raisonnablement, face à la montagne du défi à relever : "Ce sont des perspectives totalement passionnantes pour les jeunes." Yannick Jadot sait ce qu’il faut faire pour les Outre-mer : tendre le plus possible vers l’autonomie alimentaire et énergétique. Au risque de passer pour l’homme occidental qui, une nouvelle fois, viendra porter la bonne parole, écologique cette fois-ci ? Tout au contraire. Yannick Jadot, le Picard jacobin, veut "donner le pouvoir aux territoires » et permettre à chacun de "retrouver la maitrise de sa vie et de son destin, y compris collectif."

Le candidat Vert s’est d’abord forgé sa conscience écologique "à la campagne, avec des parents qui adoraient la nature et qui nous ont fait aimer la nature." Puis à la lecture des Racines du ciel de Romain Gary, le Goncourt 1956 qui mêle le combat d’un homme contre l’extermination des éléphants d’Afrique dans un contexte de lutte pour l’indépendance, il a appris "à quel point l’écologie est un humanisme". Il s’est ensuite engagé contre les OGM, puis plus tard dans le combat anti-nucléaire. Désormais, il ne cesse de répéter (un peu moins depuis quelques semaines) qu’il est "le seul à pouvoir faire gagner l’écologie ". Mais il reste englué dans les profondeurs des sondages d’opinion et l’Élysée semble hors de portée. Alors, à partir de quel score considèrera-t-il l’objectif comme atteint ? "À partir du moment où on gagnera l’élection présidentielle", insiste-t-il. Il reste un mois. Et là aussi, le temps presse.