[La 1ère à Bordeaux] Bordeaux Mayotte 101, un club de volley (presque) 100 % mahorais

L'équipe de volley Bordeaux Mayotte 101 s'entraîne à l'espace sportif Pierre Trébod, à Bordeaux.
Créée en 2011 par un groupe d'amis, l’association sportive permet à ses membres, principalement originaires de Mayotte, de se retrouver en communauté. Mais depuis le Covid, l'équipe accuse une perte de souffle. Outre-mer La 1ère a passé une soirée d’entraînement avec elle.

Un homme en débardeur bleu et en tongs attend les bras croisés devant le gymnase Grand Parc III, situé dans le nord de la métropole girondine. L’équipe de badminton est en train de replier ses filets, pour laisser place à celle de volley. L’homme, qui n’a pas donné son prénom, est originaire de M’tsamboro, à Mayotte. En temps normal, on ne le croise pas à Bordeaux un vendredi soir, car le week-end, il rentre chez lui, à Angoulême, pour retrouver sa famille. Ici, en Gironde, il travaille dans l’armée. Mais ce jour-là, le président du club a demandé aux troupes d’être au rendez-vous pour la venue de La 1ère. Donc il est là. Les bras croisés, le regard sévère.

Comme tous les vendredis, l’équipe de volley Bordeaux Mayotte 101 prend possession des lieux pour une soirée d’entraînement qui commence à 21h. D’abord censée être un rendez-vous sportif, la soirée se transforme vite en retrouvailles de communauté. Lancée en 2011 par un groupe d’amis, tous originaires de Mayotte et venus dans l’Hexagone pour les études, l’association est devenue un repère pour les Mahorais de Gironde. Une deuxième famille, quand la première est loin, dans l’océan Indien. "On a créé ce club pour se retrouver entre nous, explique Hitami Maoulana, un des fondateurs du club et actuel président de l'association. Les étudiants, les travailleurs [venus de Mayotte] ne savent pas quoi faire sinon."

Mais l’affaire n’était pas simple pour commencer. Le club voulait s’implanter à Pessac, ville voisine de Bordeaux. Mais impossible de trouver une salle où s’entraîner, car Bordeaux Mayotte 101 n’avait pas d’équipe junior ou féminine, les effectifs étant très limités. "Au début, c’était très compliqué, admet Hitami. Des fois, on s’entraînait dehors, près du lac." Engagés en compétition départementale, ils réclament donc à leurs adversaires de toujours jouer en extérieur, eux n’ayant nulle part où les accueillir. Bordeaux Mayotte 101 se démène donc et obtient l'autorisation de s'entraîner à Bordeaux.

Hitami Maoulana, président du club de volley Bordeaux Mayotte 101.

Retrouver la communauté en famille

Beaucoup de membres de l’association jouaient déjà au volley dans leur territoire, avant de rejoindre l’équipe bordelaise. Hitami Maoulana, originaire d’Acoua, était plus branché football que volleyball. Mais lorsqu’il était jeune, ses cousins l’ont sollicité pour venir compléter une équipe. Depuis, il n’a plus lâché le ballon de volley. Il assure avoir même été présélectionné pour participer aux Jeux des îles de l’océan Indien à Madagascar en 2001.

En arrivant à Bordeaux, en 2009, il a bien tenté d’intégrer des clubs déjà existants. Mais il y avait trop de monde. Avec ses amis, eux aussi volleyeurs, ils se disent alors : "Pourquoi pas créer une équipe de Mayotte pour montrer qu’il y a des gens de Mayotte qui jouent au volley ?" Dès la deuxième année, ils ouvrent le club à tout le monde. C’est ainsi que les Mahorais ont été rejoints par des Malgaches, des Français de l’Hexagone… David a 19 ans. Il vient de Madagascar et est actuellement étudiant en management à Bordeaux. Il a rejoint le club parce que son frère l’y a poussé. Lui est là pour s’amuser, pas pour la compétition. Les deux frères malgaches s’amusent en attendant le début de l’entrainement. Le plus grand, près du filet, jette la balle en l’air pour que son frère vienne la frapper de toutes ses forces. Parfois, la balle vient claquer le sol. D’autrefois, elle vient se perdre dans le filet. Les deux en rigolent.

Entraînement du club de volley Bordeaux Mayotte 101.

Pendant ce temps, les joueurs arrivent dans le gymnase au compte-goutte. Pour certains, ils viennent même en famille. Comme Soifa Boinoinariziki. Sa fille, à peine 2 ans, s’amuse avec une balle, presque aussi grosse qu’elle. Sa femme, elle, est tranquillement assise sur un banc. Vêtue d’un salouva, habit traditionnel mahorais, elle jette des coups d’œil à sa fille. À côté, d’autres femmes ont rejoint le groupe des supportrices. Elles ont ramené une enceinte. L’entraînement ne peut pas commencer sans un peu de musique mahoraise. 

La perte de souffle liée au Covid

Pas assez nombreuses pour avoir leur propre équipe de volley, les femmes participent de temps en temps aux matchs d’entraînements. Mais seuls les hommes font les compétitions. Ce vendredi soir, ils jouent comme s’ils affrontaient leur pire rival – qui est l'équipe de Bruges, glisse le président de Bordeaux Mayotte 101. Un des joueurs fait le service, l’autre équipe réceptionne, renvoie la balle avec force et vigueur. On entend le bruit du ballon se cogner contre les poignets et les mains des Mahorais, et leurs chaussures grincer sur le sol en caoutchouc du gymnase. La balle est contrée puis tombe au sol. Le point va à l’équipe de droite. Les filles tiennent le décompte.

Entraînement du club de volley Bordeaux Mayotte 101.

Exceptionnellement plein ce jour-là, le gymnase est généralement quasi vide, déplore le président de l’association. Parfois, ils ne sont que quatre pour jouer. "Le Covid a cassé quelque chose, explique Hitami Maoulana, agent de sûreté à l'aéroport de Mérignac. Avant, on faisait les compétitions départementales. Après le Covid, il y a eu une année sans rien. Puis, il y a beaucoup de gens qui sont partis."

Bordeaux Mayotte 101, avide de défis, a néanmoins repris les Challenges Open, une compétition régionale. Lors de la phase 1 du Challenge 2022, qui s'est terminé en janvier de cette année, ils ont fini 4ᵉ, sur neuf équipes participantes. Un rang honorable, même s'ils ont conclu sur une défaite face à Eysines Volley-ball. Le problème, c'est que la petite structure de l’association ne leur permet pas de viser de plus grosses compétitions. "Plus tu montes en niveau, plus c’est coûteux", regrette Hitami. Mais il l’assure : Bordeaux Mayotte 101, c’est avant tout "le plaisir de se retrouver entre nous", sourit-il.