La chorégraphe guyanaise Lasseindra Ninja présente un spectacle queer à Paris

Le Théâtre du Châtelet accueillait le spectacle "Childs-Carvalho-Lasseindra-Doherty" du 16 au 19 juillet. Lasseindra Ninja composait le tableau "MOOD", sur les thèmes de la transition et de l'identité queer (LGBTI+).

Du vendredi 16 au lundi 19 juillet, le Théâtre du Châtelet a accueilli le spectacle "Childs-Carvalho-Lasseindra-Doherty", mis en place par le collectif (LA)HORDE en collaboration avec les danseurs du Ballet national de Marseille. Cette représentation est divisée en quatre tableaux, chacun imaginé par une chorégraphe différente. Le troisième, "MOOD", est composé par Lasseindra Ninja, danseuse et chorégraphe guyanaise.

Le rideau se lève et le projecteur se rive sur trois figures scintillantes, habillées de combinaisons pailletées, acclamées d'entrée par le public. C'est avec cette séquence emprise d'une sensualité hésitante que Lasseindra Ninja nous introduit à "MOOD".

Une figure éminemment politique

Lasseindra Ninja

Lasseindra Ninja se considère comme une figure intrinsèquement politique. Elle affirme qu'en tant que femme noire transgenre, elle aura toujours "un message politique qui cassera quelques codes".

La chorégraphe qualifie son parcours "d'éclectique et chaotique". Formée notamment en danse classique, moderne et jazz, c'est pourtant le voguing qui caractérise sa carrière. Elle l'introduit en France dans les années 2000 et est même considérée comme une "pionnière" sur la scène parisienne, rappelle le Théâtre du Châtelet.

"Vogue", une danse queer et noire

Le voguing est une danse créée par la communauté LGBT+ afro-américaine au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Elle tire son nom du magazine de mode "Vogue" et se caractérise par des poses imitant les mannequins, des mouvements saccadés et des passages au sol physiques et rythmés. Les danseurs s'affrontent entre "houses", des équipes, lors de compétitions de danse, les "balls".

Dans la culture "ball", ces "houses" deviennent parfois de véritables foyers, de nouvelles familles pour les participants. Lasseindra Ninja est d'ailleurs la mère de la Ninja House.

Une transition qui va au-delà du genre

Avec "MOOD", Lasseindra Ninja raconte l’histoire d’une "transition qui peut s’adapter à tout le monde". Cela trouve écho dans la transidentité de la chorégraphe, qu’elle décrit comme le fait d’avoir "un esprit différent". Selon elle, "la danse, c’est vraiment l’esprit". C’est bien là l’essence de sa représentation : "lâcher prise, se mettre en transe". C’est dans cette même transe que "MOOD" s’achève, lorsque les danseurs et danseuses, tous vêtus des mêmes combinaisons et accessoires de bondage roses, posent avec des expressions de jouissance. Une ôde à une féminité inclusive et libérée, très vite contrastée par le tableau suivant, "Lazarus", tourné autour de la masculinité dite "toxique".

Là, la chorégraphie d'Oona Doherty met littéralement les danseurs et danseuses à nu sur scène. Ils enlèvent lentement leurs tenues roses pour se vêtir de vêtements informes et masculins. Lasseindra Ninja confie que cette transition lui rappelle le moment où les jeunes qui se "travestissent" doivent se rhabiller, "redevenir cette personne qu’on n’aime pas" et rentrer.

Lors de la première, le spectacle se clôt avec une standing ovation de plusieurs minutes, pendant que les danseurs, danseuses et chorégraphes saluent le public.

Le Ballet national de Marseille se reproduira cet été à Aix-en-Provence, en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas, pour la tournée du spectacle "Childs-Carvalho-Lasseindra-Doherty".

Écoutez l'entretien de Lasseindra Ninja avec Kenza Cissé :

Interview de Lasseindra Ninja sur "MOOD"