Cette rencontre avec Total a été utile, intéressante mais sans surprise. Le PDG a défendu ses choix stratégiques et renvoie la responsabilité du réchauffement climatique sur les entreprises automobiles.
- Jean-Christophe Espérance, adjoint à la mairie de La Possession
Selon les défenseurs de la nature, cette entreprise française spécialisée dans l’exploitation pétrolière et gazière serait responsable de 0,9 % des émissions de Gaz à effet de serre, soit autant que la France tout entière. C'est l’une des six plus grosses sociétés du secteur à l’échelle mondiale.
Lors de la Cop 21, Total s’était engagée à respecter les recommandations du GIEC, le Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'évolution du Climat, pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C maximum. Toutefois, depuis 2015, selon les experts de l'association Notre affaire à tous, les engagements de l'entreprise française ne respecteraient pas les indications du GIEC et s'appuierait sur un scénario qui prévoit entre 2,7°C et 3,3°C de réchauffement climatique.
Quand vous faites des efforts au niveau local pour remettre de la nature en ville mais qu'en même temps, vous percevez les effets de la montée des eaux et de la montée des températures, on est obligé d'imaginer d'autres actions.
C'est pourquoi, nous avons accepté de rejoindre un petit groupe de communes métropolitaines qui elles aussi sont victimes du réchauffement climatique pour interpeller les responsables. Aujourd'hui, il est temps d'agir.
- Jean-Christophe Espérance, adjoint à la mairie de la ville de La Possession
"Notre affaire à tous", à l’initiative de l’Affaire du siècle, "350.org", "Les amis de la terre", "Sherpa", une association des victimes de crimes économiques ainsi que treize communes de l’association Les Eco Maires qui regroupe plus de 2000 collectivités en France engagées dans le développement durable, dénoncent un engagement de façade du groupe pétrolier.
Un engagement de façade
En mars 2017, l'adoption de la loi sur le devoir de vigilance exige des entreprises de plus de 5000 salariés d'identifier les risques aux droits humains et à l'environnement de leurs activités et d'adopter des mesures de prévention. En octobre dernier, les quatorze associations et les treize communes ont commencé leur action en interpellant le PDG de Total, Patrick Pouyanné sur le contenu du tout premier plan de vigilance de son entreprise. Total n'y faisait aucune référence au changement climatique.Depuis, Total a intégré sa stratégie climat dans son plan de vigilance mais, selon les défenseurs de la nature, ses engagements de réduction de ces émissions des gaz à effet de serre (GES) de ses produits sont insuffisants. Total s'engage sur une réduction de l'intensité carbone de ses produits de seulement 15 % d'ici à 2030 alors que pour ne pas dépasser le réchauffement climatique de 1,5 °C, le GIEC recommande de diminuer de 45 % les GES d'ici à 2030 et de viser la neutralité carbone à l'horizon 2050.
La neutralité carbone est désormais inscrite dans la loi en France. Les investissements du groupe dans les énergies renouvelables restent insuffisants. Au contraire, Total place chaque année plusieurs milliards dans la recherche de pétrole et de gaz alors que ce sont des énergies fossiles fortement émettrices de GES. Des gisements qui ont vocation à être exploités au-delà de 2050 alors que nous sommes censés atteindre la neutralité carbone.
- Sébastien Mabile, avocat au barreau de Paris
Une action qui s'inscrit dans un contexte international
Cette mise en demeure de Total sur la base du devoir de vigilance est la première application de cette nouvelle loi. L'entreprise française a trois mois pour modifier son plan de vigilance et adopter des mesures pour respecter les droits humains et les accords environnementaux.
Si elle décide de ne rien faire, les associations et les communes qui le souhaitent pourront saisir la justice pour exiger que Total se conforme à la loi. L'association Les Eco Maires a lancé un appel citoyen pour que les villes qui le souhaitent viennent s'associer à leur action contre Total.
Avec cette loi sur le devoir de vigilance , l'objectif désigné par l'article 2 de l'Accord de Paris est désormais opposable aux entreprises. Il stipule qu'elles doivent respecter les recommandations du GIEC pour éviter un dépassement du réchauffement climatique à plus de 1,5°C
- Lucie Chatelain de l'association Sherpa
L'action française n'est pas unique. En 2017, un rapport de Carbon Major, établit que 100 entreprises sont responsables de plus de 70 % des émissions de GES depuis 1988. Face à ce constats, les plaintes se multiplient. Aux Etats-Unis, plusieurs collectivités territoriales et grandes villes, dont New York, San Francisco, Oakland et d’autres ont déjà entrepris de poursuivre certaines Carbon Majors, dont Total.
Les Amis de la Terre Pays-Bas (MilieuDefensie) et des citoyens ont décidé de poursuivre en justice la compagnie pétrolière Shell. Au Pakistan, un fils d'agriculteur a fait reconnaître le droit à la vie.