"Ma vie aujourd'hui ? Un sprint long !" Fanny Quenot plante le décor. D'entrée. À 32 ans, la Guadeloupéenne court toujours. Jusque-là, rien d'anormal. Sauf qu'elle court après le temps. Tout le temps. Depuis sept mois. Depuis son accouchement. Ce jour-là, la championne du 100 mètres haies avait déjà commencé à goûter au marathon. "Mon accouchement ? Une épreuve d'endurance ! 28 heures de travail. Heureusement que le papa était là pour m'accompagner. Il a été génial. Très patient."
Juste un grand bonheur
Fanny Quenot a déserté les pistes d'athlétisme depuis près de deux ans. Est-ce que son sport lui a manqué ? "Oui, un petit peu. Surtout quand je suivais les grandes compétitions à la télévision." Il y a de la franchise dans sa voix. Une maturité nouvelle également. La maternité de Fanny a tout chamboulé. "Je me sens tellement comblée depuis la naissance de ma fille. On ne peut imaginer ce bonheur tant qu'on ne l'a pas connu."
Maman comblée mais athlète embêtée. Car le statut de la hurdleuse a changé. "Je ne suis plus sur liste ministérielle, ce qui veut dire que je dois aménager mes horaires d'entraînement." Dans ces conditions, le retour à l'entraînement a des allures compliquées. "Je dois être rentrée tous les soirs pour m'occuper de Tays."
Fanny, maman multitâches
Afin d'éviter la sortie de piste forcée, la Guadeloupéenne a trouvé des astuces. Une forme de système D.. "Nous avons déménagé afin de me rapprocher du CREPS et de Pôle Emploi. Et comme la nounou de ma fille habite aussi dans le coin, j'ai réduit les temps de déplacement." Fanny Quenot n'est pas Wonder Woman pour autant. "Les jours où les entraînements au CREPS commencent à 16h00 et que je finis le boulot à 17h15, je ne peux pas remonter le temps. Malheureusement."
Sur le plan purement sportif, la reprise a été plutôt facile. "Comme j'avais continué à courir jusqu'au septième mois de ma grossesse, je n'avais pas trop perdu. Je me sens bien." Fanny a retrouvé sa coach Ketty Cham. Quatre entraînements par semaine. Et sous peu, une vraie délivrance : "Je n'ai plus passé une haie depuis deux ans. J'ai hâte que Ketty me donne le feu vert. Que je puisse me lancer dans une préparation complète et intensive. Retrouver des sensations."
Objectifs et réalité
Durant la pause bébé de Fanny Quenot, la planète athlétisme a continué à tourner. Plutôt vite. Sur le 100 mètres haies, les Françaises sont devenues incontournables. "Quand je vois Laëticia Bapté qui s'entraîne aussi au CREPS de Guadeloupe, c'est juste impressionnant. Elle a changé de dimension." Le retour aux affaires n'en est que plus compliqué. "Même si c'est motivant, le niveau a tellement augmenté durant mon absence. Pour faire partie des meilleures tricolores désormais, c'est chaud !"
Pas question donc de se mettre une pression inutile. Dans l'immédiat, la Guadeloupéenne veut juste recourir. "Avant tout, j'ai envie de me faire plaisir. Cet été, je compte faire deux ou trois compétitions. Plutôt dans la zone Caraïbes. Et pourquoi pas dans l'Hexagone si les chronos sont bons." Reste la question du moyen terme. Paris 2024. Dans un peu plus d'un an. Rêve brisé ? "Je savais dans quoi je me lançais en décidant de faire un enfant. Même si la réalité m'a encore plus rattrapée. Aujourd'hui, retrouver la compétition est un challenge personnel. Pourquoi pas viser des compétitions européennes ? Je verrai par la suite où le vent me mène."