Un collège à son nom, des prix et décorations à foison, et, dans quelques heures, un Oscar d’honneur. La réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy sera récompensée par l’Académie des Oscars samedi 19 novembre à Los Angeles. Un prix de plus pour couronner la carrière exceptionnelle de cette pionnière du 7e art.
Euzhan Palcy nait en 1958 au Gros-Morne, en Martinique. Passionnée de cinéma, elle s’offusque de la place des Noirs à l’écran, toujours cantonnés à des seconds rôles parfois dégradants. À 14 ans, elle découvre La Rue Cases-Nègres, le livre de Joseph Zobel. Un véritable choc pour l’adolescente : l’œuvre, qui plonge le lecteur dans la Martinique des années 1930, la marque durablement. Elle décide d’adapter au cinéma l’histoire de ce petit garçon que sa grand-mère pousse à étudier pour échapper au travail dans les champs de cannes.
Des années plus tard, après sa rencontre avec François Truffaut, qui l’aide et la guide sur le tournage, le film voit le jour. On est en 1983, et le succès est immédiat. Rue Cases-Nègres remporte une quinzaine de prix, dont le César du meilleur premier film. À 26 ans, Euzhan Palcy devient la première réalisatrice à remporter un César.
Caméra militante
Le succès du film traverse l’Atlantique et lui ouvre les portes d’Hollywood. En 1989, elle réalise Une Saison blanche et sèche, un film sur l’apartheid en Afrique du Sud qui dénonce la ségrégation. Là encore, Euzhan Palcy est pionnière. Non seulement elle devient la première réalisatrice noire à être produite par un grand studio hollywoodien (la Metro Goldwyn Maye), mais elle est également la première femme à diriger la légende du cinéma Marlon Brando sur un tournage.
Après la parenthèse américaine, Euzhan Palcy retourne à son île, la Martinique. Elle réalise Siméon, un conte inspiré des cultures antillaises. Puis, dans les années 1990, tourne une série de documentaires consacrés à Aimé Césaire. L’hommage est très personnel : si le premier succès d’Euzhan Palcy, Rue Cases-Nègres, a pu voir le jour, c’est aussi grâce à lui. Alors que la jeune réalisatrice peine à boucler le budget de son film, Aimé Césaire, alors maire de Fort-de-France, parvient à convaincre le conseil municipal de lui accorder des fonds.
Un documentaire sur les résistants Antillais de la Seconde Guerre mondiale, un téléfilm sur la période coloniale à La Réunion, un drame politique sur une mutinerie de prisonniers après l’assassinat d’un militant des Black Panthers… Entre la France et les États-Unis, fictions ou documentaires, les œuvres engagées d’Euzhan Palcy interrogent le racisme et les injustices. Un combat que résume la réalisatrice en quelques mots sur son site internet : "Avec ma caméra, je cherche à panser les plaies de l’histoire".