En 2009, elle évoluait encore à l'Olympique lyonnais, devenant trois fois championne de France. Océane Caïraty, footballeuse reconvertie sur les planches, n'aurait jamais cru qu'elle allait se retrouver un jour dans la cour des grands au Festival d'Avignon. La comédienne de 32 ans vient de jouer dans "La Cerisaie" dans la cour d'honneur du Palais des Papes, aux côtés d'Isabelle Huppert, après avoir été repérée par Tiago Rodrigues, metteur en scène en vue et futur directeur du festival. En 2019, elle emmène sa mère dans la cour. "Elle m'a dit "tu y joueras un jour". Et voilà, deux ans plus tard, je suis là, je n'ai pas eu le temps d'y rêver", raconte-t-elle à nos confrère de l'AFP.
Une Cerisaie qui entre dans la légende du @FestivalAvignon , emplie de toute l’électricité du ciel ! #TiagoRodrigues #IsabelleHuppert #AdamaDiop #IsabelAbreu #OceaneCairaty #AlexDescas #MarcelBozonnet #SuzanneAubert #AntonTchekhov pic.twitter.com/COuGQo3TvM
— Arnaud Laporte (@Arnaud_Laporte) July 13, 2021
Adolescente, elle avait été repérée mais dans un tout autre milieu: lors un tournoi de foot en France, par Farid Benstiti, alors entraîneur de l'équipe féminine de l'OL. Le foot est sa passion depuis toute petite à La Réunion où elle est née d'une mère professeur dans une école professionnelle et d'un père jardinier.
J'étais la seule fille qui jouait au foot mais j'avais deux grands frères avec qui je m'exerçais.
Le déclic est venu devant "le film 'Joue-la comme Beckham'", où l'héroïne cache à ses parents qu'elle joue dans une équipe féminine de foot. Puis, tout s'enchaîne: à 13 ans, elle rejoint une équipe à La Réunion puis s'installe à 15 ans à Lyon où elle jouera pour l'OL pendant cinq ans comme défenseure centrale.
"C'est ici la maison"
"Je ne savais pas trop ce que c'était le théâtre, il y avait une graine qui s'était plantée quand je regardais des films de Bollywood... J'étais amoureuse de l'acteur Shahrukh Khan!", sourit-elle. Bien que trois fois championne de France, "la flamme" abandonne la jeune femme et elle s'inscrit dans un cours d'improvisation à Lyon, avant de rejoindre à 21 ans l'école Acting International à Paris. "La première fois, j'ai senti que c'était ici la maison", se rappelle-t-elle. Elle dévore les ouvrages de formation d'acteur avant même de poser un pied dans un théâtre.
Elle intègre l'école du Théâtre National de Strasbourg (TNS) en 2016 puis joue sa première pièce: "Soudain l'été dernier" de Tennessee Williams, mise en scène par Stéphane Braunschweig, directeur du Théâtre de l'Odéon. "J'étais chaque soir dans un état d'excitation extrême", se souvient l'ex-sportive qui enchaîne ensuite des pièces mises en scène par Arthur Nauzyciel, Pascal Rambert ou Jean-Pierre Vincent.
Les convergences avec le foot? "L'esprit d'équipe, de collectif. Au foot, on se passe le ballon, au théâtre on se passe des mots". "Il y a aussi le même mental". La comparaison s'arrête là. "Il n'y a pas sur scène les moments d'éclats quand on marque un but ou on gagne une finale", rit-elle. "Au théâtre, il y a jubilation par les mots". A la deuxième représentation de "La Cerisaie", la pièce s'est arrêtée avant la fin, en raison d'un orage. "D'un coup, le public s'est levé et il y a un tonnerre d'applaudissements, je me suis crue dans un stade de foot!".
"Bouger les imaginaires"
Océane Caïraty fait également partie d'une génération d'acteurs noirs ou métisses qui gagnent en visibilité. "Je ne me définis pas comme une actrice noire et en même temps, c'est important d'en parler", assure la comédienne, qui dit "ne pas être dans une position de revanche". Pour elle comme pour beaucoup d'autres, le levier a été un atelier organisé en 2016 par Stéphane Braunschweig et Stanislas Nordey au Théâtre de la Colline. "Ca m'a ouvert les portes du théâtre public (...) il n'y avait aucun accès et eux nous l'ont donné", se rappelle-t-elle.
Parmi les participants, figurent Séphora Pondi qui vient d'être engagée comme pensionnaire de la Comédie-Française, Alison Valence qui joue également dans "La Cerisaie", Lyna Khoudri ("Papicha", "The French Dispatch") ou encore Dali Benssalah (qui sera dans le prochain James Bond). Pour elle, "il faut bouger les imaginaires, même chez nous qui avons intégré ces blocages. Ca prend du temps".