"La situation est grave" : en Nouvelle-Calédonie, la Société Le Nickel (Eramet) vacille

La SLN, usine de nickel de Doniambo en Nouvelle-Calédonie
La Société Le Nickel (SLN), filiale du groupe Eramet, vacille, au risque d'entraîner avec elle la Nouvelle-Calédonie, tant l'exploitation de ce métal est importante sur le territoire.

Arrivée ce lundi 21 novembre en Nouvelle-Calédonie, la PDG d'Eramet Christel Bories s'est déclarée "inquiète" pour l'avenir de la SLN, spécialisée dans l'extraction et le traitement du nickel, en grande difficulté, malgré l'envolée des cours du métal.

Avec une production de nickel métal de seulement 40.000 tonnes et des exportations également revues à la baisse de 3 millions de tonnes de minerai, la Société Le Nickel devrait terminer l'année dans le rouge.

Une nouvelle année déficitaire, la 11e exactement, qui pourrait mener l'entreprise à la cessation de paiement dès le mois de mars prochain, selon les syndicats.

10.000 emplois concernés

Une défaillance du premier employeur privé du territoire, avec près de 2.000 salariés et 8.000 emplois indirects, serait catastrophique pour la Nouvelle-Calédonie, à commencer par la Cafat, la caisse de sécurité sociale locale, qui se retrouverait elle-même en incapacité de payer les prestations.

La SLN avait annoncé fin septembre 53 licenciements dans le cadre d'un plan de sauvegarde dans le centre minier de Kouaoua, fortement déficitaire.

Lundi matin, le Syndicat général des travailleurs de l'industrie de Nouvelle-Calédonie (SGTINC), majoritaire au sein de l'entreprise, ainsi que plusieurs sociétés sous-traitantes, se sont mobilisés devant l'usine métallurgique de Nouméa dans l'attente de l'arrivée de Christel Bories, qui doit rencontrer les partenaires locaux avant un conseil d'administration prévu jeudi. 

"La situation est grave"

"Moi aussi je suis inquiète, je suis venue voir quelles sont les solutions et elles sont urgentes, car la situation est grave", a déclaré la PDG d'Eramet lors d'une rencontre informelle avec les salariés.

Eramet a publié un chiffre d'affaires en hausse de 34% au troisième trimestre 2022, avec des indicateurs de production en augmentation pour l'ensemble de ses branches, à l'exception du nickel calédonien.

Pourtant, depuis 2016, la SLN a bénéficié d'un soutien massif pour améliorer sa productivité : 200 millions d'euros prêtés par l'État et 350 millions d'euros par Eramet. Le tirage de la dernière tranche disponible, 74 millions d'euros, a été déclenché en septembre.

Des sommes colossales sans effet sur la productivité de l'entreprise, bien que les cours du nickel soient au plus haut.

Des coûts faramineux

Outre un outil industriel vieillissant - l'usine est centenaire -, la SLN rencontre d'importants problèmes de production : malgré une capacité de 60.000 tonnes de métal par an, elle peine aujourd'hui à fournir 40.000 tonnes.

L'entreprise, qui exploite des mines disséminées sur l'ensemble du territoire, fait également face à des coûts d'extraction et de transport faramineux.

Surtout, la SLN produit aujourd'hui uniquement du ferronickel et ne bénéficie donc pas de l'engouement actuel autour du nickel qui est utilisé sous forme de sulfate dans la fabrication des batteries pour voitures électriques.

Utilisé dans la production d'acier inoxydable, le ferronickel, coûteux à produire car gourmand en charbon et fioul, pâtit en plus depuis plusieurs années de la concurrence du NPI (Nickel Pig Iron), de moins bonne qualité, mais moins onéreux.

Des mauvais choix stratégiques ?

Or, jusqu'en 2016, la SLN produisait également des mattes de nickel (produits tirés de la première fusion du minerai) qui, elles, peuvent être transformées en sulfate de nickel, le produit utilisé dans les batteries. 

"On a demandé pourquoi on ne pouvait pas reprendre cette production, note Glen Delathière, délégué syndical du STGINC. On nous a répondu que ça coûterait trop cher. Nous on se demande si les bons choix stratégiques ont été faits".

Car si à Nouméa, la SLN n'a pas pris le train du marché des batteries électriques, elle vient en revanche de signer un contrat avec Queensland Nickel, pour lui vendre du minerai, qui sera transformé en nickel pour les batteries du groupe Général Motors, mais en Australie.