La violence s’invite au Congrès des maires d’Outre-mer

Les maires des collectivités ultramarines se sont réunis le 21 novembre 2022 autour de deux thème : le logement et la sécurité.
Les élus ultramarins se sont rencontrés ce lundi 21 novembre à Issy-les-Moulineaux, près de Paris, pour échanger autour de la sécurité et du logement. Les élus, venus s'inspirer les uns des autres, regrettent pour certains un manque d'implication de l'État.

Des fêtes visées par des tirs en Martinique, les violences conjugales qui explosent en Nouvelle-Calédonie, des saisies de cocaïne record en Guyane, des phénomènes de bandes, voir de gangs, un peu partout Outre-mer, et même des bus scolaires attaqués à la machette à Mayotte. Ce lundi 21 novembre, les élus d’Outre-mer étaient réunis à Issy-les-Moulineaux, en région parisienne, à la veille du Congrès des maires de France, pour discuter de la sécurité dans leurs territoires. 

Toute la matinée, maires, conseillers municipaux ou représentants des forces de l'ordre ont dressé un bilan de l’insécurité en Outre-mer. Une intervention a été particulièrement remarquée, celle d’Estelle Youssouffa, députée de la première circonscription de Mayotte, venue crier la violence qui gangrène son île. 

Je suis en colère parce que Mayotte appelle à l’aide depuis des années. On a l’impression d’être punis et laissés face à nous même dans un bain de sang qui fait tout reculer. Les investisseurs fuient, les familles fuient.

Estelle Youssouffa, députée de la 1ère circonscription de Mayotte

"On a passé 10 jours d’enfer à Mayotte, où on a vu nos enfants attaqués dans les bus à la machette, dans l’indifférence générale. Cette terreur dure depuis des années. Quand on découpe des gens en morceaux et qu’on laisse les morceaux sur la route, c'est du terrorisme !", a asséné l’élue, sous un tonnerre d’applaudissement, en référence au bus scolaire attaqué la semaine dernière dans le nord-est de l'île.

Un constat, mais peu de solutions

L'un des objectifs de la rencontre est de permettre aux maires et aux élus municipaux de s'inspirer les uns les autres. Jean-Henry Joseph est élu à la mairie de Saint-Laurent du Maroni, en Guyane. "Le cas de Mayotte, c’est la catastrophe, à nous de faire attention pour ne pas en arriver là. Pour anticiper, explique-t-il. On est là pour comprendre comment les autres font face à des problèmes bien souvent similaires, comme la circulation des armes, la drogue, l’immigration..."

L'un des objectifs de la manifestation est de se faire rencontrer les élus pour qu'ils puissent échanger sur leurs difficultés et leurs idées.

"L’objectif, c'est d’entendre les autres territoires pour mettre en place les choses qui ont fonctionné ailleurs. On discute, on se rencontre, abonde Judith Laborieux, adjointe en charge de la sécurité à la mairie du Lamentin, en Martinique. Élue locale depuis une trentaine d’années, elle constate une explosion des violences. "Il y a 20 ans, ce n’était pas comme ça. Il y a le feu dans la maison, la violence est passée à une vitesse supérieure", estime Judith Laborieux, qui, comme beaucoup d'autres participants, regrette que l’État n’intervienne pas de manière durable pour lutter contre l'insécurité dans les Outre-mer. "Aux Antilles, à la moindre grève dure, on voit débarquer des contingents de gendarmes, les militaires sont dans les rues. Mais là, alors qu’il y a des jeunes qui tuent, pourquoi on n’arrive pas à envoyer les forces de l’ordre sur le territoire ?", s'interroge-t-elle. 

Malgré un constat partagé, peu de propositions concrètes ont été avancées par les élus. Quelques idées ont émergé, comme une amélioration de la concertation entre les élus et les douanes, un focus sur la prévention, ou une meilleure répartition des fonds de lutte contre la délinquance.

Effectifs supplémentaires 

Un préfet supplémentaire va très prochainement être envoyé en renfort en Martinique. À Mayotte, l'État va faire intervenir le RAID, une unité d'élite de la police, pour lutter contre les violences. Quatre escadrons de gendarmerie ont été renvoyés à Mayotte, sept en Guyane. Mais l'augmentation des effectifs ne peut être une solution en soi. "Le sujet des effectifs, ce n'est pas la seule réponse, reconnait le général André Pétillot, commandant de la gendarmerie d'Outre-mer. Il y a aussi la prévention de la délinquance. Comment on traite les toxicomanes ?  Quelles structures on met à leur disposition ? Nous, on traite les symptômes, mais pour le fond de la maladie, on n'a pas toutes les clefs." Il estime qu'il faut lutter contre la délinquance sur deux fronts : en combinant "une gestion de l'urgence" et "un travail de fond".

Beaucoup d’élus déplorent un manque d’implication de l’État. Et un manque d’écoute aussi. "Aujourd’hui, il n’y avait personne de l’État. C’est une compétence régalienne, et ils sont aux abonnés absents", regrettait la députée Estelle Youssouffa peu après son intervention. S’il a tenu un discours d'une trentaine de minutes, le ministre délégué aux Outre-mer, Jean François Canrenco, n'est arrivé qu’en fin de matinée au Palais des Congrès. Trop tard pour entendre les revendications des maires sur l'insécurité dans leurs territoires.