"On a besoin de vous !", lance Maher Beauroy au public du Théâtre Antique, l'incitant à taper dans les mains. Bras en l'air, la foule clape en rythme. Le bruit résonne dans l'arène. Les huit musiciens entament leur version jazz de La Chandelle, chanson signée Eugène Mona, artiste considéré comme un pilier de la musique martiniquaise. Les trompettes fanfaronnent. D'un coup, la Martinique débarque dans l'Hexagone, dans la petite ville de Vienne, en Isère. Le public a attrapé la fièvre antillaise.
Les huit membres du Big In Jazz Collective avait une mission pour leur passage au festival Jazz à Vienne lundi 4 juillet : faire découvrir à un public peu familier leur jazz funk et rock inspiré par la biguine, musique traditionnelle des Antilles. "C'est du jazz avec une teinte caribéenne, explique Yann Négrit, guitariste guadeloupéen du groupe. Mais ce qui rend ce projet singulier, c'est que, même si la souche [de notre musique] est antillaise, on prend des inspirations du monde entier."
Le Big In Jazz Collective est un ensemble d'artistes antillais né de la pandémie. En 2020, le programmateur du Big In Jazz Festival - un festival de jazz martiniquais - décide de réunir un petit groupe de jeunes musiciens pour produire un album, revisitant des standards antillais, et présentant un titre original et une reprise du titre Come Together des Beatles. Le collectif est né. Depuis la levée des restrictions sanitaires, le groupe est lancé dans une tournée de concerts et de festivals pour présenter sa biguine.
Jazz à Vienne, une vitrine pour le collectif
[Jazz à Vienne], c'est une des plus belles scènes de jazz au monde. Tous les plus grands sont passés. C'est un honneur d'être là.
Ludovic Louis, trompettiste du Big In Jazz Collective
Ce festival - qui a accueilli les plus grandes voix du jazz, comme Ella Fitzgerald, Miles Davis ou encore Ray Charles - représente une vitrine de taille pour le tout jeune groupe. Chaque année, Jazz à Vienne accueille près de 200 000 festivaliers venus de toute la France.
Benjamin Tanguy, qui gère la programmation artistique du festival, avait à cœur de donner un coup de pouce à ces musiciens au style atypique "qui ont parfois du mal à trouver leur place dans les festivals de jazz". "Ça fait un moment déjà que Jazz à Vienne défend les musiciens caribéens", se félicite le directeur artistique.
Ça fait partie de notre projet artistique de mettre en avant cette scène jazz qui est tellement intéressante, riche et diversifiée, qui raconte beaucoup de choses, qui prend aussi dans son histoire, dans son héritage pour raconter leur vision du jazz.
Benjamin Tanguy, directeur artistique de Jazz à Vienne
Benjamin Tanguy a voulu programmer le Big In Jazz Collective à un moment où il savait que le public allait être au rendez-vous. Car après les Antillais, c'est l'Américain Gregory Porter qui était prévu à l'affiche. Un bon appât pour attirer les fans de jazz. Une stratégie payante pour faire connaître les huit musiciens. "Plein de gens sont venus pour l'écouter lui, concède Ludovic Louis. Mais de ce fait, ils vont être attentifs à notre musique. Si on arrive à conquérir des nouveaux supporters, ce sera avec grand plaisir", souriait-il juste avant le concert.
"Quand ils sont ensemble, c'est la fête"
Le public a en effet été conquis. Le Théâtre s'est enflammé. Jowee Omicil, Haïtien, saute de la scène, saxophone à la bouche, pour aller danser avec ses nouveaux fans. "Le message que le collectif veut faire passer, c'est que la musique, c'est quelque chose d'universel. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on a appelé notre premier album Global", dit Ralph Lavital, guitariste originaire des Antilles.
Au pied de la scène, Jean-Marc Jacquemont est surpris par ce groupe qu'il ne connaissait pas. Mais conquis, il assure vouloir découvrir un peu plus le collectif, même s'il n'a pas retenu son nom. Christian Ferreboeuf, un Lyonnais habitué du festival, a, lui aussi, découvert l'ensemble alors qu'il connaissait déjà chaque musicien individuellement.
Je venais pour écouter Gregory Porter que je connais par cœur, et j'ai découvert toute la bande de musiciens. Et là, j'ai vu que, quand ils sont ensemble, c'est la fête !
Christian Ferreboeuf, festivalier
Dans le public, une Martiniquaise s'ambiance. Elle ne souhaite pas qu'on l'interroge. "C'est parce que je ne suis pas neutre", justifie-t-elle en rigolant. En effet, un des membres du collectif est son fils. Elle a fait huit heures d'avion pour venir voir le Big In Jazz Collective prendre son envol et conquérir le public hexagonal.