Il n’est même pas 11h du matin, et Jordan est déjà au rhum. "C’est le petit déj'", s’amuse le jeune homme, venu avec des amis au Salon de l’Agriculture qui se tient jusqu’au 2 mars à la Porte de Versailles, à Paris. "C’est une tradition entre potes : on arrive, on va direct au stand créole et après on se laisse vivre, on va manger, on va boire", complète son amie Yohanna. "Le but c’est pas non plus de finir à quatre pattes, de temps en temps on va peut-être boire un petit verre d’eau, pas sûr, mais on va essayer", assure-t-elle, amusée.
Chaque année, les visiteurs éméchés arpentent les allées du Salon, notamment au sein du pavillon des Outre-mer où ils peuvent déguster différents types de rhums. Matthieu Sylvestre est originaire de la Guadeloupe. Sur son stand, le gérant de Banm’Bokit propose des bokits, des accras, mais aussi du planteur et du punch. "On fait un briefing à nos équipes. Quand on voit que la personne a trop bu, on refuse de la servir, affirme-t-il. C’est une foire où il y a beaucoup de monde, ça nous arrive de refouler des personnes, mais en général ça se passe bien."
Brigade de "désoiffeurs"
Cette année, le rhum AOC Martinique présente au Salon un espace où les visiteurs peuvent en apprendre plus sur la collecte du jus de canne et un espace dégustation. Bruno Priouzeau, chargé de mission pour le rhum AOC Martinique, assure qu’aucune mesure particulière n’a été mise en place pour réfréner les buveurs les plus motivés. "Il n’y a pas de vrai processus, le tout c’est de respecter la réglementation, explique-t-il. On est régis par une licence IV, cette licence IV nous dit que nous n’avons pas le droit de servir les mineurs et nous n’avons pas le droit de servir des gens qui sont déjà alcoolisés lourdement."
On est là pour faire découvrir le rhum, on n’est pas là pour enivrer les gens et les saouler.
Bruno Priouzeau
Gilda Monerville travaille pour la région Guadeloupe. Ce n’est pas sa première fois au Salon et elle a pu voir les choses déraper un peu lors de précédentes éditions. "On voyait bien qu’il y avait des jeunes qui restaient traîner parce qu’il y a du rhum et on n’hésitait pas à remplir leurs verres d’eau", se souvient-elle. Depuis, "on a compris, donc on a modifié les stands, on a modifié les réserves pour s’assurer que quand c’est plus l’heure, c’est plus l’heure", assure-t-elle.
Pour l’édition 2025 du Salon, les organisateurs ont mis en place une brigade de l’eau chargée d’hydrater les visiteurs assoiffés. Bonbonne de 18 litres sur le dos, les "désoiffeurs", une quinzaine en tout, arpentent les allées de la foire pour proposer des verres d’eau. "Les gens demandent ‘Est-ce que vous avez de l’alcool ?’ On dit ‘Non, c’est de l’eau’. Ils sont très déçus. Les gens viennent un peu pour faire la fête, donc forcément…", explique l’un des désoiffeurs, Idriss, 20 ans. Même si tous les visiteurs ne sont pas intéressés, la demande est là. "Hier, on a fait plus de 10 recharges", commente son collègue Patrick. Soit près de 2.700 litres d’eau écoulés en une journée.