"Notre pirogue est arrivée sur la plage de Cannes depuis Mayotte" lance Germain Le Carpentier. Une aubaine pour le cinéma mahorais. Le court-métrage Laka est sélectionné pour le 22ᵉ prix du court métrage Unifrance dont les lauréats seront annoncés lors d'une soirée au Festival de Cannes. Laka a été tourné à Mayotte, produit par des Mahorais et représente toute une filière en développement dans l'Océan Indien.
Une histoire universelle
C'est au Pavillon Afrique sur le port de Cannes que Germain Le Carpentier, le réalisateur du film et son producteur mahorais Daniel Chebani Chamssoudine ont retrouvé un groupe d'étudiants mahorais ayant fait le déplacement. Comme dans leur élément, la bande fait ses débuts sur les tapis rouges avec Laka, signifiant pirogue en shimaoré, le court métrage du "mahorais d'adoption" Germain Le Carpentier. "C'est d'abord la relation d'une fille de 20 ans à Mayotte et de son père, pécheur traditionnel à pirogue, explique le réalisateur. Ils partent comme tous les matins pêcher sauf que ce jour-là, on leur a volé leur pirogue. Donc un ami leur prête une pirogue pour aller pêcher et retrouver celle qu'on leur a volée. Au loin, il y a un volcan qui gronde qui annonce que quelque chose va arriver : un changement climatique certain."
Le film est une ode à Mayotte et à son lagon, grand de 1500 mètres carrés. "Le lagon, c'est le lieu des histoires à Mayotte, expose Germain le Carpentier. C'est le lieu des contes et légendes, des croyances ancestrales, des djinns (créatures surnaturelles mythologiques, ndlr). Avec mon co-auteur qui est fils de pêcheur mahorais, on avait envie de raconter une histoire dans ce territoire particulièrement marin." L'occasion d'apporter un nouveau regard sur Mayotte. "C'est exceptionnel, on a fait Laka dans le but de développer la filière court-métrage cinéma pour Mayotte, renchérit Daniel Chebani Chamssoudine. On avait à cœur d'avoir un film qui pourrait être représentatif de Mayotte, mais sous un autre angle, avec une image et une histoire qui peut être universelle pour faire voyager Mayotte autrement. "
Cinéma embryonnaire
L'occasion aussi de faire briller à un niveau international ce petit caillou de l'océan Indien. "On arrive dans le plus gros festival du monde, et on emmène une toute petite histoire très simple, mais hyper importante pour notre territoire", revendique le réalisateur. Si la filière réunionnaise du cinéma est en pleine expansion, c'est tout doucement que Mayotte suit la même voie. "On a un cinéma embryonnaire en ce moment à Mayotte", explique le producteur mahorais Daniel Chebani Chamssoudine.
Cette sélection à un prix international et leur présence à Cannes sont l'opportunité de valoriser aussi auprès des mahorais l'importance du développement de la filière. "C'est une porte ouverte pour les générations suivantes, ceux qui ont envie de faire du cinéma et qui rêvent ", espère le producteur mahorais. Et la première initiative semble fonctionner. Parmi les quelques étudiants mahorais à avoir fait le déplacement, Maria Abdou Kalame, 17 ans, est étudiante en droit option cinéma à Mayotte. "En juillet, je pars au Canada pour mes études, dans lesquelles je vais étudier le cinéma, raconte fièrement la jeune femme. C'est super d'être ici, on croise pleins de gens formidables, des acteurs, des réalisateurs. Ça me donne vraiment envie de créer encore plus de films, de réaliser même des courts-métrages. Je me rends compte que c'est possible, si j'ai envie de le faire, je pourrai le faire."
Si Laka est une première étape pour le cinéma mahorais, l'équipe du film présentera également le mois prochain un nouveau film. Haraka Haraka est un court-métrage hybride, mi-documentaire, mi-fiction, sur l'histoire de la course de pneu à Mayotte. Il sera même diffusé à Paris en juin, à l'occasion du Champs Élysées Film Festival, pour sa première mondiale.