Dans l’ambiance tamisée du Quai Branly, le parcours du poète et homme d’Etat sénégalais Léopold Sédar Senghor est présenté à travers une série de ses textes, illustrés par des tableaux et des calligraphies, des objets d’art, des photos emblématiques de son itinéraire, des planches explicatives, des vidéos et des lectures sonores de lui-même ainsi que de ses contemporains et amis que furent les Martiniquais Aimé Césaire et le Guyanais Léon-Gontran Damas.
L’exposition est divisée en six chapitres qui reviennent à la fois sur sa biographie mais aussi sur la diplomatie culturelle qu’il avait instaurée à la suite de l’indépendance de son pays en août 1960. En effet, Senghor fut l’instigateur d’une politique culturelle intense, rare dans les pays africains nouvellement indépendants. Au Sénégal, plus d’un quart du budget de l’Etat était par exemple alloué à l’éducation et à la culture. Des institutions avait été mises en place pour dynamiser la création, comme l’Ecole des arts de Dakar et le Théâtre national.
Durant ses études, la pensée de Senghor s’était enrichie des connaissances qu’il avait faites à Paris. Aimé Césaire bien sûr, qui deviendra l’un de ses meilleurs amis, mais également Suzanne Césaire, les sœurs Nardal, son compatriote Alioune Diop, fondateur de la revue Présence africaine en 1947, des intellectuels afro-américains comme Alain Locke, et le Guyanais Léon-Gontran Damas. Le bouillonnement intellectuel de l'époque aboutira notamment au premier Congrès des écrivains et artistes noirs à la Sorbonne à Paris en 1956, puis, dix ans plus tard alors que Léopold Sédar Senghor est devenu président du Sénégal, au premier Festival mondial des arts nègres.
La pensée de Senghor était basée sur l’universalisme, le dialogue des cultures, "le rendez-vous du donner et du recevoir", et le métissage culturel. L'écrivain souhaitait aussi revaloriser et réaffirmer l’importance de l’Afrique et de sa diaspora dans le concert mondial des civilisations. De même, il dénonçait bien évidemment la colonisation ainsi que toute forme de racisme et de ségrégation. "Il s’agit que tous ensemble - tous les continents, races et nations -, nous construisions la Civilisation de l’Universel, où chaque civilisation différente apportera ses valeurs les plus créatrices parce que les plus complémentaires", disait le poète sénégalais.
Ses perspectives lui valurent de nombreuses critiques, certains intellectuels africains trouvant l’agrégé de grammaire française trop occidentalisé et trop timide relativement à l'exploitation et aux exactions entreprises en contexte colonial. Après l’indépendance, des artistes sénégalais refusaient également que leur art serve de caution à l’idéologie d’une négritude politique et institutionnelle. Qu’à cela ne tienne, Léopold Sédar Senghor restera l’un des écrivains les plus humanistes et attachés à la reconnaissance pleine et entière de toute culture, quelle que soit son origine.
Léopold Sédar Senghor en bref
Né à Joal, au Sénégal, en 1906, Léopold Sédar Senghor étudie à Dakar, puis à Paris où il arrive en 1928 et où il obtient, en 1935, l’agrégation de grammaire. Dans les années 1930, il contribue à populariser le concept de négritude, inventé par le Martiniquais Aimé Césaire. Professeur de lettres au lycée Descartes à Tours (1935-1938), puis à Saint-Maur-des-Fossés, il est mobilisé en 1939, fait prisonnier en juin 1940, puis il participe à la Résistance. Il débute sa carrière politique au Sénégal en 1945. Élu député de l'Afrique occidentale française, Senghor devient en 1960 le premier président de la République du Sénégal et est réélu successivement en 1963, 1968, 1973 et 1978. Il quitte le pouvoir en 1980 et se retire en France pour se consacrer à son œuvre littéraire. En 1983, il est élu à l’Académie française. Il décède en décembre 2001, à Verson, en Normandie. (Principaux ouvrages : Chants d’ombre (poèmes), éditions du Seuil, 1945 ; Hosties noires (poèmes), Le Seuil, 1948 ; Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, précédée de Orphée noir par Jean-Paul Sartre, PUF, 1948 ; Liberté 1 : Négritude et humanisme (discours, conférences) Le Seuil, 1964).