"Avenue du Maréchal Lyautey", "Rue de l'Armée d'Afrique" : le camp militaire de Port-Bouët, en banlieue sud d'Abidjan, est une véritable petite ville. On y circule beaucoup à vélo autour des installations sportives (piscine, dojo, salle de musculation, terrain de volley...), des food trucks et de la pizzeria, du coiffeur, de la supérette et du maraîcher : de quoi améliorer l'ordinaire pour les hommes et femmes qui y vivent. La plupart sont là pour quatre mois, quand d'autres y séjournent deux ou trois ans.
Ils viennent de régiments situés dans l'Hexagone et constituent une des quatre forces de présence françaises en dehors du territoire national, comme au Gabon, à Djibouti et aux Emirats Arabes Unis. Leur métier ? S'entraîner, pour être en mesure d'intervenir sur les opérations (opex) menées par la France à l'étranger. Des dizaines d'ultramarins grossissent les effectifs des Forces françaises en Côte d'Ivoire (FFCI) : ils nous racontent leur Noël expatrié.
Le caporal guyanais Kyle
Originaire du bourg de Patience à Apatou, le caporal Kyle a 27 ans. Il appartient au 17e régiment du génie parachutiste de Montauban. C'est sa troisième mission, après le Mali et la Guyane. L'an dernier à la même époque, il assurait une opération sentinelle à Toulouse. "Je passe Noël ici avec les camarades. J'espère pouvoir le passer en famille l'année prochaine, ça serait bien. Peut-être pas rentrer en Guyane, mais qu'ils viennent découvrir l'Hexagone. Je me contente de ce que j'ai aujourd'hui, et on verra ce que l'avenir nous réserve."
Kyle, le Guyanais du Génie
Le commandant martiniquais Sébastien
Né dans l'Hexagone d'une famille toujours installée à Schœlcher, le commandant Sébastien a grandi et fait ses études à la Martinique. Après cette mission, il retrouvera son poste de RH au 3e régiment du matériel de Toulouse. Devenu officier au début des années 2000, ce parachutiste a participé à des opérations extérieures en Côte d’Ivoire, au Liban et en Centrafrique.
Marié et père de quatre enfants, le Martiniquais passe Noël loin de sa famille pour la première fois de sa carrière. "Ça n'est pas forcément évident pour tout le monde, parce que généralement les enfants reviennent à la maison et je suis là. C'est difficile pour moi, et pas que pour moi : pour tous ceux qui le vivent. Je pense parfois que c'est plus difficle pour les enfants que pour celui qui est dans l'action. On ne voit pas le temps passer parce que les horaires sont élargis, mais eux ressentent bien l'absence."
Sébastien, le Martiniquais adjoint de maintenance
Le caporal-chef mahorais Abdulkarim
Enfant à Sada, le caporal-chef Abdulkarim rêvait de devenir militaire. Rattaché au 7e régiment du matériel de Lyon, il s'occupe des expéditions et des réceptions des véhicules et des pièces détachées, par voie aérienne et maritime. Le Mahorais a participé au challenge de water-polo organisé traditionnellement en fin d'année. "L'intensité baisse un peu en cette période, mais on reste dans l'aspect du travail. Dans notre cursus on est amenés à servir partout. Il y avait une opportunité, et je suis là, content d'être là ! On passe les fêtes ici. J'ai déjà fêté Noël en dehors de la France. C'est pas le premier... et ça ne sera pas le dernier !"
Abdukarim, le Mahorais magasinier
Le brigadier-chef calédonien Ogun
Ce métis originaire de Lifou rentre d'une campagne de tir à plusieurs kilomètres d'Abidjan. Il est adjoint d'escouade sur des véhicules de reconnaissance. Chef de bord, son rôle est d'éclairer, en avant du dispositif de patrouille, le char qui suit. Le brigadier-chef Ogun apprécie de partir en mission régulièrement : il a passé "quatre mois de bonheur" sur le Caillou, et a été mobilisé deux fois au Mali. Le Calédonien passe ses premières fêtes sans sa femme et ses enfants. "La famille suit (Ndlr : s'organise sans lui), c'est un gros avantage. Ça fait toujours un pincement au cœur de partir un peu longtemps de la maison, mais on rattrapera en début d'année ! On va laisser le sapin de Noël un peu plus longtemps (rire) !"
Ogun, le Calédonien agent d'escouade
Le brigadier-chef polynésien Mutuhiti
Engagé depuis 2015, le brigadier-chef Mutuhiti, 30 ans, boucle bientôt sa troisième mission sur le continent Africain. Originaire de Moorea, il officie au 1er régiment de hussards parachutistes de Tarbes et compte une quarantaine de sauts à son actif. "Mécanicien sur engins blindés c'est la deuxième fonction. Avant tout on est un soldat", explique le Polynésien. Passer Noël loin des siens est devenu une habitude : "Vu que je n'ai pas de famille dans l'Hexagone, pour les fêtes on est tout le temps loin. Mais ici en mission c'est différent, on se rassemble avec tous les "cousins" venus de Wallis et Futuna, de Nouvelle Calédonie, des Marquises et des Tuamotu. Chez nous on est très famille, le Fenua me manque beaucoup."
Mutuhiti, le Polynésien mécanicien sur engins blindés
Le sergent réunionnais Rogeric
Le sergent Rogeric apprécie la compagnie des civils ivoiriens avec qui il travaille au quotidien. Chef d'atelier adjoint, le Panonnais assure la maintenance des véhicules légers et poids lourds. Lors de ces missions courtes en Côte d'Ivoire et à Djibouti, le Réunionnais retrouve un peu de son île. Les fêtes seront partagées avec un dalon arrivé juste avant les célébrations du 20 décembre. "Je suis habitué, ça fait presque neuf ans que j'ai quitté La Réunion. Quand je peux, je rentre à cette occasion, mais j'ai choisi l'armée pour voyager et découvrir le monde ! Pour l'instant je commence bien."
Rogeric, le Réunionnais chef d'atelier adjoint
Gianny et Sina, le couple de Wallis et Futuna
Monsieur est militaire, madame s'est installée avec lui à Abidjan il y a trois ans. Ils font partie de ceux qui restent sur place et voient se succéder des milliers de soldats chaque année. Ils ont installé une tradition : la chorale de la messe de Noël, à laquelle ils invitent des Ultramarins à participer. Cette année ils étaient nombreux, venus principalement du Pacifique, autour de l'aumônier. Un véritable moment de générosité et de partage, en Wallisien, Tahitien et Français.
La chorale des Wallisiens Gianny et Sina
Ndlr : Pour des raisons de confidentialité, l'armée demande de ne pas communiquer les noms de famille des militaires