Maxime Chazal a l'élégance tranquille. Facile. Naturelle. Une élégance qui trouve peut-être sa source du côté de la Suisse. Où un joueur a su transformer le tennis en un art subtil. "Quand j'ai quitté la Nouvelle-Calédonie, Roger Federer commençait à prendre les rênes du circuit. Si vous saviez le temps que j'ai passé à décortiquer sa technique via des vidéos sur YouTube..." Sauf que la légende de Bâle vient de tirer sa révérence. Officiellement. À 41 ans. Laissant Maxime quelque peu dévasté. "Je suis défait. Il n'y a pas d'autre mot. Federer a une aura incroyable. J'ai l'impression qu'il a toujours été là. Et j'ai peur que les tournois n'aient plus le même goût sans lui."
Champion de France 2022
En 2021, le tennis français a failli perdre Maxime Chazal. Perdre le joueur pour gagner un entraîneur. Tout juste diplômé, coach Maxime a pourtant voulu laisser une chance au joueur Chazal. En 2022. Histoire de voir ? Bien vu alors. En août, le Calédonien a réalisé un retour gagnant à… Roland-Garros. "Les championnats de France, voilà un tournoi que j'aime vraiment disputer. Ça se passe à Roland, un lieu magique. Et si en plus, vous gagnez..." Victoire finale effectivement face au Francilien Denolly 6/3 6/2. Troisième succès à la porte d'Auteuil pour Maxime (après 2015 et 2018). Beau retour. Belle constance. "Ce nouveau titre national 2e série me permet surtout de repasser en 1e série. Donc, parmi les 30 meilleurs joueurs français. Et je compte bien rester à ce niveau désormais."
Pour Maxime Chazal, le titre de champion de France 2022 a eu l'effet d'une rampe de lancement. Car avant cela, la belle machine était comme grippée. "Entre la pandémie mondiale de Covid en 2020 et le passage de mon diplôme d'entraîneur en 2021, je n'ai presque pas joué pendant dix-huit mois. La reprise en janvier 2022 a donc été compliquée." Ajoutez une blessure à l'épaule au printemps. Ça fait beaucoup. Le Calédonien a dû se montrer patient. Jusqu'au déclic de Roland-Garros. "À partir du mois de septembre, j'ai enchaîné les bons résultats. Des demis et une finale dans les tournois du circuit des Futures, la troisième division mondiale. La quête de précieux points ATP passe par de longs parcours dans ces tournois."
La dure réalité du tennis mondial
En ce début décembre, le Calédonien pointe à la 572e place mondiale du classement ATP. Maxime Chazal a retrouvé un rang. Mais toujours pas de quoi vivre. "Un membre du Top 100 gagne très bien sa vie. Entre la 100e et la 200e, tu t'en sors. Au-delà, c'est le système D." Le budget moyen pour voyager toute l'année sur le circuit, tourne autour des 50 000 euros. Sans folie aucune. Quant aux partenaires, ils se font de plus en plus rares. "La crise n'arrange rien. J'ai la chance de ne pas payer mes vêtements. Mais pour les raquettes, je n'ai plus de sponsor. Peut-être que mon titre à Roland-Garros va donner des idées à Babolat, mon ancien partenaire ? Si au moins ils acceptaient de me fournir le matériel…"
Décembre rime généralement avec repos pour les professionnels du tennis. Maxime Chazal va donc souffler. Un peu. "Je rentre à Nouméa mi-décembre pour les fêtes." Des fêtes studieuses et sans excès. Car la rentrée 2023 est déjà bien chargée. "Je profite de ma présence sur place pour disputer le Challenger de Nouméa, tout début janvier. Après quoi, je ne sais pas encore si je reste dans la zone Pacifique ou si je repars en Europe. Le calendrier me le dira." Mais l'objectif est affiché. "Vite marquer des points pour intégrer directement les tournois Challenger, la deuxième division mondiale. Puis, enchaîner les perfs pour me retrouver dans le Top 200."
Quand les aînés s'en vont
2022 conservera un goût particulier pour le tennis français. Les icônes se retirent une à une : Jo-Wilfried Tsonga, Gilles Simon,… Et ce n'est qu'un début. "Richard Gasquet joue encore très bien mais il a du mal à enchaîner les matchs. Gaël Monfils est toujours là mais malheureusement pour lui, il est souvent blessé. Toute une génération hyperdouée est en train de s'en aller. Ça fait bizarre."
Bizarre. Vous avez dit bizarre ? Pour le moins. Maxime Chazal se veut admiratif des parcours de Jo-Wilfried, Gilles, Richard et Gaël. "Ce qu'ils ont réalisé est juste monstrueux. Tous les quatre ont fait des carrières incroyables." D'où son incompréhension face aux commentaires de certains observateurs éclairés. "Tous les quatre ont été critiqués comme jamais. À chaque Roland-Garros, ils subissaient une pression de dingue. Alors que la réalité est simple : ils se trouvaient juste derrière trois ou quatre extra-terrestres intouchables !" Federer, Nadal, Djokovic, Wawrinka, Murray. Rarement blessés et surtout, jamais en même temps. Un vrai cauchemar existentiel… pour tous les autres.