Peut-on élire un fantôme à l'Assemblée nationale ? Si cette question peut prêter à sourire alors qu'approche le second tour des élections législatives, scrutin qui s'annonce historique, la non-campagne de certains candidats soulève de réelles interrogations. Dans le Centre-Val-de-Loire, par exemple, les médias se sont emparés du cas d'Élodie Babin, surnommée depuis quelques jours la "candidate fantôme" du Rassemblement national (RN).
Dimanche dernier, à l'issue du premier tour, la conseillère régionale, par ailleurs originaire de la Martinique, a créé la surprise en arrivant en tête dans la 2ᵉ circonscription du Loiret, avec 32,91 % des suffrages. Problème : personne ne l'a vue tracter dans les marchés, coller des affiches ou débattre avec ses adversaires sur France 3 ou France Bleu...
L'impossible débat
Dans le journal local La République du Centre, le maire de Patay, une petite commune près d'Orléans, se désole à l'issue du premier tour : "C’est un vote sanction, exprimant un ras-le-bol. Sauf qu’il est en faveur d’une inconnue."
Au premier tour, Élodie Babin a devancé le candidat du Nouveau Front Populaire, Emmanuel Duplessy (28 %) et la députée Renaissance sortante Caroline Janvier (23 %). Pour faire barrage à l'extrême droite, cette dernière s'est désistée pour favoriser le candidat de gauche.
Mais difficile de faire campagne face à une mystérieuse candidate. Emmanuel Duplessy est agacé. "Ça pose clairement la question de comment on permet aux citoyens de faire leur choix. Et puis, moi, clairement, ça me retire des moyens d'expressions puisque les médias me disent que, sans Mme Babin, c'est impossible de me laisser la parole dans un souci d'équité", se plaignait-il à France 3 Centre-Val-de-Loire.
Complètement disparue des radars depuis le début de la polémique, Élodie Babin n'a jamais commenté les critiques qui lui sont faites. Contactée par Outre-mer la 1ère, la Martiniquaise n'a pas, non plus, répondu. Seul son mari, référent du RN dans la région Centre-Val-de-Loire, est monté au créneau pour justifier le manque d'engagement de la prétendante au poste de députée. Selon lui, elle souffre du Covid-19, et ne peut donc pas faire campagne, rapporte France Bleu Orléans.
Même pas 2 % en Martinique
Âgée d'une trentaine d'années, Élodie Babin est une militante du Front national (ancien nom du Rassemblement national) depuis le début des années 2010. À l'époque, elle n'était pas convaincue par le parti lepéniste. Jusqu'à sa participation à une réunion publique qui lui fait changer d'avis. "J'ai pas ressenti le fait d'être noire. J'étais juste Française", confiait-elle à Outre-mer La 1ère en 2017, qui l'avait rencontrée alors qu'elle tractait en faveur de Marine Le Pen avant l'élection présidentielle.
Référente jeune du mouvement d'extrême droite, elle est parachutée sur son île d'origine, la Martinique, pour les élections législatives, dans la 4ᵉ circonscription. Mais, à l'époque, un cordon sanitaire existait toujours entre le FN et les Outre-mer. Elle ne reçoit qu'1,73 % des suffrages.
En 2021, elle est élue conseillère régionale, tout comme son conjoint. L'année suivante, elle retente sa chance aux élections législatives. Mais dans le Loiret cette fois-ci. Elle améliore sensiblement son score, avec 19,22 % des suffrages, mais ne parvient pas à se qualifier pour le second tour. Jusqu'à cette année. Au premier tour des élections anticipées, elle gagne 10.000 voix de plus comparé à 2022. Et son ticket pour le second tour.
Dimanche prochain, Élodie Babin essaiera de réussir l'exploit de se faire élire à l'Assemblée nationale sans avoir fait campagne. Car, alors que l'extrême droite n'a jamais été aussi forte en France, l'étiquette suffit. "Il faut voter pour elle, assure une passante de sa circonscription interrogée par BFMTV. Puisque c'est le Rassemblement national."