Mercredi 15 juin, le débat entre les deux candidats qualifiés pour le second tour dans la première circonscription de Mayotte a débuté sur le thème de la sécurité. D’un côté, Estelle Youssoufa, ancienne journaliste qui a mis la lutte contre l’immigration clandestine au centre de son programme, propose, si elle est élue, de poursuivre l’État "pour carence fautive", ainsi que les ministères de l’Intérieur et des Affaires Étrangères pour leur incapacité à assurer l’ordre public dans le 101e département. Son adversaire, Théophane Narayanin, entrepreneur originaire de La Réunion, demande, lui, de la clémence : "Les primo-délinquants se retrouvent en prison pour la première fois. On connait la suite, ils deviennent de grands délinquants (…) Je demande que les entreprises puissent encadrer les primo-délinquants. Un primo-délinquant, ça peut être mon fils, ça peut être le vôtre, ça peut être le fils de n’importe qui, il ne mérite pas la prison."
Casier judiciaire et vie privée
Rapidement, les désaccords entre ces deux candidats sans étiquette dévient sur des accusations plus personnelles. Estelle Youssoufa questionne les motivations derrière le programme de son adversaire : "Je pense que M. Narayanin parle en toute connaissance de cause de la prison. Vous avez un casier judiciaire long comme le bras. Parlons-en ! Vous êtes actuellement mis en examen pour association de malfaiteurs…" La candidate - qui évoque également un meurtre commis dans les années 1980 - est interrompue par l’homme d’affaire qui la juge "insolente" : "Je ne suis pas venu pour que vous fassiez mon procès, occupez-vous de ce qui vous regarde ! Ma vie privée, je vous interdis d’en parler !"
Je rappelle que sa vision de la lutte contre la criminalité est fortement influencée par son propre casier judiciaire et que monsieur vise l’immunité parlementaire pour échapper aux juges.
Estelle Youssoufa, candidate dans la première circonscription de MayotteMayotte la 1ère
Regardez l'extrait du débat diffusé sur Mayotte la 1ère mercredi 15 juin 2022 :
Peut-on être candidat quand on a été condamné ou quand on est poursuivi ?
Le code électoral est clair : tous les Français de 18 ans et plus peuvent être candidats aux élections législatives dans une circonscription, s’ils disposent de leurs droits civiques et politiques. Il s'agit de droits fondamentaux obtenus avec l'acquisition de la citoyenneté française, comme par exemple le droit de se marier, de voter ou encore de faire grève. Les préfectures demandent, d’ailleurs, aux futurs candidats de fournir "un bulletin nº 3 du casier judiciaire délivré depuis moins de trois mois pour établir qu’ils disposent bien de leurs droits civils et politiques." En d’autres termes, seule une condamnation à une peine d’inéligibilité peut empêcher la candidature.
Lois de moralisation de la vie politique
Il n’est donc pas requis d’avoir un casier judiciaire vierge pour se présenter à une élection - ni pour voter d'ailleurs -, contrairement à des dizaines de professions comme les éducateurs, les pompiers ou les ambulanciers. En 2017, dans le cadre de sa promesse de moralisation de la vie politique, Emmanuel Macron prévoyait de conditionner les candidatures électorales à la présentation d’un casier judiciaire B2 vierge. Un casier judiciaire est composé de trois bulletins : le B1 – réservé aux services judiciaires - recense toutes les sanctions prononcées par la justice ou par les autorités administratives, le B2 contient seulement une partie de ces décisions et est délivré aux administrations et à certains employeurs, tandis que le B3 liste les condamnations les plus graves.
La mesure avait finalement été retoquée lors de l'examen de la loi pour la confiance dans la vie politique, au nom d'un risque d'inconstitutionnalité. Elle a tout de même mené à une petite évolution de la loi : un article du Code pénal prévoit désormais une peine d'inéligibilité pour les crimes et certains délits, mais seulement si le juge l’estime nécessaire. Le site Vie publique liste quelques-unes des condamnations visées : "Les délits visés par cette nouvelle peine obligatoire sont les atteintes à la probité au sens large (soustraction et détournement de biens, faux administratifs, fraudes électorales, fraudes au financement des partis politiques, fraude fiscale aggravée, délit d’initié, escroquerie, etc.). Sont également concernés certaines violences, les agressions sexuelles, le harcèlement moral ou sexuel et les discriminations."