Selon les derniers chiffres de l’USHOM, l’Union sociale pour l’habitat Outre-mer, organisateur de ce colloque annuel sur le logement social en Outre-mer, 80% des ultra-marins sont éligibles à un logement social alors que seulement 18% en occupent un. Pour tenter d’endiguer une crise du logement vieille de 30 ans, il faudrait plus qu’une après-midi de colloque, les élus le savent bien, mais veulent y croire : "Ce colloque a le mérite d’être, insiste Eugène Larcher, vice-président de la communauté d’agglomération Espace Sud Martinique. On est ensemble, on se parle, on échange et on essaie de mener des actions communes." La concertation, les élus en sont sûrs, c’est la clé de la réussite des politiques de logement dans l’Outre-Mer. Petelo Sao, président du conseil d'administration de la société immobilière de Nouvelle-Calédonie, entend "partager avec les autres collectivités comment elles font face. Et au-delà des différences et des spécificités culturelles que nous avons, poursuit le calédonien, on peut retrouver les mêmes problématiques et voir comment les autres ont trouvé des solutions à ces problématiques de logement qui pourraient nous éclairer et permettre de partager l’expérience qu’on a en matière d’habitat."
De l’expérience, les collectivités n’en manquent pas. Depuis 2015, les Plans Logement Outre-Mer se succèdent, mais la situation reste plus que fragile. "L’objectif, c'est de se questionner sur ce qui ne fonctionne pas, invite Sabrina Mathiot, la directrice de l’USHOM. La bonne volonté existe de toute part, maintenant, il faut peut-être un peu plus de coordination, de dialogue" poursuit-elle.
Des spécificités locales
Durant une longue après-midi, autour de cinq tables rondes, les élus locaux sont venus présenter ce qui fonctionne localement et les manquements qui existent encore. Du côté des Antilles, Eugène Larcher insiste sur le manque de moyens : "Ce n’est pas suffisant et ce ne sera pas suffisant tant qu’on n’a pas les moyens nécessaires de mener à bien une vraie politique de logement."
Dans le Pacifique, le constat est assez différent. "La situation est très compliquée, explique Petelo Sao pour la Nouvelle-Calédonie. Aujourd’hui, 10% du parc n’est pas attribué. On a trop de logements vides du fait d’une mauvaise adaptation de ces logements aux spécificités des populations." Moétaï Brotherson, député polynésien, complète : "Le logement, ce n’est pas simplement habiter un espace, c’est une manière de vivre, et cette manière de vivre varie d’un territoire à un autre. Quand vous êtes un ilien, quand vous avez l’habitude d’aller pêcher et qu’on vous propose d’habiter dans un HLM en montagne, ça ne correspond pas à votre manière d’être et de vivre", se désole-t-il.
À Mayotte, Madi Souf, président de l’Association des maires, évoque les habitations illégales qui fleurissent sur son territoire : "On a les plus gros bidonvilles de l’Europe à Mayotte. Tous ces bidonvilles doivent disparaitre avec l’immigration clandestine, avec la violence. Tout cela fait que cette violence aussi vient des gens qui ne sont pas bien logés."
Le logement : un problème de société
"Il faut trouver des solutions, pas seulement au problème de l’habitat, ajoute Jean-Hugues Ratenon, député de la Réunion, c’est un problème plus large de société qui se pose autour de la problématique du logement." Le député poursuit en évoquant les publics les plus touchées par les problèmes de logement à la Réunion : les jeunes et les personnes âgées. "Les logements se transforment en prison pour nos personnes âgées. Ils vivent dans des logements surpeuplés et si on y ajoute un handicap, ils ne peuvent plus se déplacer. C’est une bombe à retardement, on est déjà presque dedans. Il faut absolument régler ce problème pour améliorer leurs conditions de vie", conclue-t-il.
Même constat en Martinique, pour les jeunes : "Il faut insérer les jeunes par le travail, mais aussi par le logement, soutient Eugène Larcher, vice-président de la communauté d’agglomération Espace Sud Martinique. Le plus souvent, on voit une fuite des jeunes, pas uniquement à cause du logement, mais c’est aussi une des raisons."
"On peut considérer qu’actuellement, c’est encore un sujet très centralisé dans lequel les collectivités ont très peu voix au chapitre, explique Georges Patient, sénateur de Guyane, parrain du colloque. Ce qui explique l’échec que l’on connait actuellement. Les financements existent, poursuit le sénateur, mais la concertation n’existant pas, on arrive à ce résultat.. à l’objectif d’atteindre 150 000 logements alors qu’on réussit à peine à en construire 10 000 chaque année."