Selon la fondation nationale de l'alopécie, basée en Californie, ce trouble capillaire touche 147 millions de personnes dans le monde. Il est lié à plusieurs facteurs, le stress, un dérèglement hormonal mais également les traitements que l’on peut faire subir à ses cheveux tout au long de la vie.
Dans son salon de coiffure du 13e arrondissement parisien, Aline Tacite, experte des cheveux bouclés et influenceuse explique : “On ne remarque pas tout de suite que l’on fait de l’alopécie. On observe d’abord une chute de cheveux. Cela peut être lié à des tresses trop lourdes ou de nombreux défrisages par exemple lorsqu’ils sont faits à l’arrache à la maison et de manière trop rapprochés. Cette méthode brûle le cuir chevelu.” Elle précise que cette perte de cheveux locale ou diffuse peut être permanente ou ponctuelle. “L’alopécie la plus courante de traction. Elle est liée aux tresses trop lourdes ou tressage serrée. Toutes les femmes ultramarines savent ce que c’est. Grâce aux réseaux sociaux on comprend de quoi il s’agit et les ultramarines sont informées.”
Pour Nsibentum, cheveutologue comme il se définit lui-même, le problème de perte de cheveux chez les ultramarines arrive plus tardivement. “J’ai pu observer que le soin du cheveu est très pris au sérieux en Outre-mer donc cette problématique de l’alopécie touche les femmes à partir de quarante ans, contrairement à celles de l’Hexagone qui sont touchées à partir de 25 ans.”
Selon l’expert cela vient aussi avec l’insularité des territoires. “Concernant la Guadeloupe et la Martinique, il est plus compliqué d’acheminer certains produits, des perruques ou des tissages. Il y a ainsi plus rapidement une autonomie dans le soin du cheveu et de la peau en lien avec la nature. Toutes les femmes ultramarines connaissent les recettes de grand-mères pour prendre soin d’elles. En revanche, lorsque le marché s'ouvre, il y a un plus grand accès à des produits moins adaptés. À cela s’ajoute le fait que la femme ultramarine a un rapport spécifique à son corps, à la beauté et lorsqu’elle arrive à l’alopécie, elle le sait, sent qu’elle perd ses cheveux.” Pour sensibiliser les femmes aux soins adaptés à leurs textures de cheveux, il organise de nombreuses masterclass dans le monde entier.
Aline Tacite, observe des changements de pratiques dans l’entretien des cheveux texturés : “Cela a pu être tabou à un moment mais aujourd’hui les femmes sont plus informées sur le soin à apporter à leur cuir chevelu. Ces tendances de tresses trop serrées, les défrisages sont en net recul car nous sommes de plus en plus éduquées et informées pour prendre soin de nos cheveux. Si ces méthodes s’arrêtent, de moins en moins de femmes seront confrontées à l’alopécie. Par exemple, lorsqu’une cliente vient au salon, on privilégie la santé et on lui propose quelque chose en lien avec ses cheveux pour favoriser sa santé.”
Un retour aux cheveux naturels
De son côté, Machéhi âgée de 40 ans, originaire de Mayotte, admet ne pas avoir été sensibilisée à cette problématique d’alopécie pendant sa jeunesse. “J’ai de la chance car je n’ai pas été défrisée petite et j’ai arrêté les défrisages récemment. Mes cheveux sont restés naturels toute ma jeunesse et je n’ai jamais eu de rajouts sur mes tresses ce qui n’a pas sensibilisé mes cheveux. En revanche, je fais très attention à ce que j’applique sur mon cuir chevelu. Mes sœurs sont défrisées et j’observe qu’elles ont moins de cheveux, donc je sensibilise mes nièces à ne pas utiliser ces produits chimiques.”
Quant à Orane, Guadeloupéenne, âgée 22 ans, évoque, elle aussi, un manque de sensibilisation à cette problématique : “C’est peut-être que parce que j’ai naturellement les cheveux lisses. Je pensais que l’alopécie était seulement liée au stress et non à des pratiques de tresses et défrisages par exemple. C’est bien que l’on en parle aujourd’hui.”
Le spécialiste du cheveu, Nsibentum, souligne : “Le monde semble découvrir cette problématique chez la femme noire aujourd’hui. Alors, que les femmes aux cheveux afro depuis des années ont dû adapter des stratagèmes pour cacher l’alopécie.” Machéhi, la Mahoraise, soulève une autre problématique : “Ce ne doit pas être une tare d’avoir nos cheveux naturels. Mais nous n’avons pas été éduquées à en prendre soin. Alors on défrise par facilité. C’est la seule solution qui nous a été proposée. Aujourd’hui, avec l’ère des réseaux sociaux cela change beaucoup. Mes nièces ont accès à des tutos, ils étaient inexistants à l’époque.”
Propos corroborés par Nsibentum, “ces femmes connaissent ce qu’il faut pour prendre soin d’elles mais elles sont noyées sous le flot d’informations. Il faut décoloniser le cheveu afro. Il faut allier les connaissances du passé à aujourd’hui, c’est ce que je propose. Particulièrement en arrêtant les détergents, et les remplacer par des huiles.”