Les Guyanais perçoivent moins de prestations sociales liées au handicap, selon une étude

Handicap
D'après le Creai, le centre régional d'études, d'actions et d'informations en faveur des personnes vulnérables, la population guyanaise a moins recours aux aides pour le handicap que le reste de la population française, alors que le département manque d'établissements médico-sociaux. Sophie Bourgarel qui a dirigé l'étude explique les raisons de ce paradoxe.

Actualisée en août dernier, une étude du centre régional d'actions et d'informations en faveur des personnes vulnérables (Creai) pointe le manque de demandes de prestations sociales pour les personnes en situation de handicap en Guyane. Par rapport au reste de la France, les Guyanais demandent deux fois moins ces allocations, alors que la population est plus encline à la pauvreté et que le territoire manque de structures médico-sociales.

"C'est complètement paradoxal parce que je pense qu'en Guyane, on a certainement une population en situation de handicap plus nombreuse qu'ailleurs", relate Sophie Bourgarel, membre du Creai Guyane qui a dirigé l'étude. 

Pourquoi un aussi faible recours ?

Selon la spécialiste, plusieurs facteurs viennent expliquer ce paradoxe. En premier lieu, "les Guyanais sont un peu plus jeunes que la population française, la moitié de la population a moins de 25 ans. Donc leurs taux seront toujours plus faibles, sauf pour l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé où il ne devrait pas y avoir de différence", analyse-t-elle.

En 2022, 20 personnes sur 1.000 entre 20 et 64 ans ont perçu l'allocation adulte handicapé (AAH), contre 34 personnes sur 1.000 en France hexagonale. Pour l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), seulement 21 enfants de moins de 20 ans sur 1.000 en ont bénéficié, alors que "dans l'Hexagone, c'est 27", indique la membre du Creai.

Par ailleurs, un certain nombre de personnes vivent en Guyane avec un titre de séjour temporaire, ce qui joue dans les statistiques de l'étude. "Les gens issus de l'immigration ont souvent des problèmes avec le français, ce qui diminue le nombre de dossiers inscrit à la MDPH [maison départementale des personnes handicapées, ndlr]. Il y a aussi des gens qui ont un titre de séjour pour un an, lorsqu'ils déposent le dossier, leur titre est valide, mais lorsqu'ils reçoivent la réponse six mois après, ce n'est plus le cas, donc ils n'en sont plus bénéficiaires. C'est le serpent qui se mord la queue...", regrette Sophie Bourgarel.

S'ajoute à ces deux paramètres le Covid-19, qui a engendré des retards dans le traitement des dossiers, et les délais très longs de réponse qui n'incitent pas à déposer une candidature pour percevoir une prestation. Pour la spécialiste, "il y a aussi une question d'éloignement pour les personnes vivant le long des fleuves par exemple".

Pendant longtemps, les adultes qui pouvaient percevoir l'AAH ne le savaient pas pour les populations les plus reculées. Des groupes de missions sont en train d'être créés pour trouver ces personnes en situation de handicap.

Sophie Bourgarel, membre du Creai

Ailleurs, dans les autres départements d'Outre-mer (hors Mayotte), le taux de personnes qui perçoivent les allocations handicap n'est pas aussi faible qu'en Guyane. "Il est même équivalent à celui de l'Hexagone pour l'AAH. Je pense qu'il y a vraiment un problème d'accessibilité aux droits ici et peut-être une question d'habitude de ne pas avoir accès à cela", déplore-t-elle.

Pourquoi est-il plus probable qu'il y ait plus de personnes en situation de handicap en Guyane ?

Pour la membre du Creai, des facteurs de risques s'ajoutent aux conditions de vie des Guyanais, ce qui pourrait créer "une population en situation de handicap plus nombreuse qu'ailleurs". D'abord avec le taux de prématurité, "qui est le double de celui observé dans l'Hexagone. Il y a un taux d'intoxication au plomb très élevé, 20% des enfants de un à six ans peuvent être intoxiqués", révèle la spécialiste, chiffres de Santé publique France à l'appui.

L'intoxication liée au mercure à cause de l'orpaillage est aussi à prendre en compte. "Tout cela peut créer des légères sections neurologiques qui font que les enfants sont moins habiles avec leurs mains, leur motricité peut être impactée aussi", détaille-t-elle.

Selon les derniers chiffres du Creai, 700 enfants guyanais sont dans l'attente d'une place dans un établissement médico-social. "Même s'il y a peu de personnes repérées, il n'y a déjà pas beaucoup de places dans ces structures, ce qui est dommage", s'indigne Sophie Bourgarel.