Les jeunes Ultramarins convoités pour pallier la pénurie de main d’œuvre dans les hôtels de l’Hexagone

Entrée d'un hôtel à Ouvéa
Didier Chenet, président du groupement national des indépendants en hôtellerie et restauration (GNI-HPR) plaide pour la venue de jeunes Ultramarins sur le territoire métropolitain. Il croit à un “gisement de main d’œuvre” qui pourrait atténuer le manque de bras dans ce secteur, ce qui n’est pas de l’avis des acteurs locaux.

L’appel a été lancé le 10 juin dernier par Didier Chenet, le président du groupement national des indépendants en hôtellerie et restauration (GNI-HPR). L’organisation professionnelle part du constat que les jeunes Ultramarins pourrait être intégrés par le travail dans l’Hexagone, ce qui permettrait de combler la pénurie de main d’œuvre dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Ce métier a toujours été un métier dit “en tension”, c’est-à-dire lorsque l’employeur peine à recruter une main d’œuvre qualifiée. D’après les derniers chiffres publiés par la DARES (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), en septembre 2021, il manquait plus de 237 000 collaborateurs dans les métiers de l’hôtellerie-restauration, tous métiers confondus. Selon Didier Chenet, il s’agirait de 300 000 personnes à ce jour.

Alors, pourquoi ne pas se tourner vers une main œuvre extérieure ? Lors de son déplacement en Outre-mer, le vice-président du GNI-HPR, Laurent Barthélémy, a pu faire un état des lieux : “J’ai noté qu’à Mayotte et en Guyane, la jeune population a une forte volonté d’apprentissage et de venir bosser”, décrit-il. “Les intégrer par le travail serait bénéfique, il y a en effet un terrain propice dans l’ensemble des Outre-mer. On cherche une solution en France et les Outre-mer en font partie intégrante. C’est une réponse de plus.” 

L’organisation d’hôtellerie et de restauration regrette que les territoires ultramarins soient oubliés, notamment par le gouvernement qui est en passe de signer une convention avec la Tunisie pour faciliter la venue de jeunes du pays en tant que saisonniers. Alors que pour le GNI-HPR, la solution réside davantage dans le “gisement de main d’œuvre en France” : “Plutôt que d’avoir des étrangers, donnons une chance à ces jeunes pour les sortir de ses situations économiques compliquées et leur offrir des débouchés ici. Ils sont d’autant plus désireux d'être en métropole”, estime Didier Chenet. 

“Un gros volant de main d’œuvre” 

Olivier Sudrie, économiste spécialiste des Outre-mer, est plus nuancé. L’économiste souligne avant tout la différence entre l’Hexagone et les Outre-mer, où les indicateurs ne sont pas au même niveau : “En Outre-mer, le chômage et l’inflation sont des taux bien mesurés, et ils sont actuellement préoccupants. On risque de basculer dans une récession”, affirme l’économiste. 

Outre l’augmentation de la pauvreté, la vie chère et le risque de tension sociale qui en découle, le chômage pose aussi problème en Outre-mer : “Le taux de chômage est en moyenne deux fois supérieur qu’en métropole. Le problème, c’est que l’employabilité est faible et que la productivité est basse. Il y a en effet un gros volant de main d’œuvre, mais elle est difficilement employable en raison de la faible productivité. Ce n’est pas parce que vous avez des bras que vous allez tous les employer, il peut y avoir des bras cassés”, résume Oliver Sudrie.  

"C’est la première fois de ma vie que l’on me pique des salariés !" 

Patrick Vial-Collet, Président de la Chambre de commerce et de l’industrie (CCI) de Guadeloupe, mais aussi grand patron hôtelier sur l’île, constate lui aussi la pénurie de main d’œuvre à son échelle. "En Martinique et en Guadeloupe, elle est criante", révèle-t-il. Comme l’expliquait Oliver Sudrie, le même problème de manque de main d’œuvre qualifiée se pose : "J’ai besoin de personnel avec de l’expérience. C’est extrêmement difficile d’en trouver", affirme le Président de la CCI. 

En trente ans d’expérience dans le métier, Patrick Vial-Collet comprend la démarche de la GNI-HPR. Lui-même avoue avoir recours à ses techniques pour attirer les métropolitains. "C’est de bonne guerre, c’est le marché !". Mais il compte bien lutter pour garder ses "meilleurs éléments". 

Désormais, ce sont les salariés qui ont le choix, plus les employeurs. La roue a tourné, maintenant, c'est à nous, employeurs, de savoir comment attirer, faire rêver et les séduire pour qu'ils restent ou bien viennent en Guadeloupe

Patrick Vial-Collet

Le patron de 800 salariés reste tout de même persuadé qu’il est plus facile pour lui de trouver un métropolitain, "car le bassin [de l’emploi, ndlr] est plus grand". "C’est la première fois de ma vie que l’on me pique des salariés ! Mais il faudrait déjà qu’il y arrive sur le long terme", finit Patrick Vial-Collet. 

En effet, plus simple à dire qu’à réaliser pour l’organisation nationale d’hôtellerie et de restauration, puisque pour le moment, seulement des pistes sont envisagées : “Le problème est le financement de l’aller-retour sur le territoire” pose Laurent Barthélemy. “Il existe déjà un dispositif avec le ministère des Outre-mer, mais il n’est pas assez développé. Il nous reste à savoir où nous les longeons, comment on les accueille au-delà du billet.” 

Selon les chiffres du Président de la CCI de Guadeloupe, un milliard d’euros aurait été perdu en deux ans dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, à cause de la crise sanitaire, mais aussi du manque de personnel qualifié. "Pour la saison à venir, il va manquer ne serait-ce que 500 emplois dans le secteur en Guadeloupe", termine Patrick Vial Collet.