Les mauvais chiffres du logement outre-mer

Un an après l'annonce d'un plan logement Outre-mer par George Pau-Langevin, les chiffres ne sont pas bons. En 2015, le nombre de logements sociaux financés a chuté de 20%. Les professionnels dénoncent des blocages à Bercy.
George Pau-Langevin voulait construire au minimum 10 000 logements par an Outre-mer. En mars 2015, la ministre des Outre-mer présentait son plan-logement. Il prévoyait quelques 600 millions d'euros sur 5 ans pour relancer la construction dans un contexte de crise du BTP et alors qu'il manque près de 100 000 logements Outre-mer.  

 

Objectif 10 000 logements par an Outre-mer

Un an plus tard, début avril 2016, c'est en Martinique que la ministre des Outre-mer salue les premiers résultats de sa politique. Les constructions de logements sociaux ont grimpé de 34% l'an dernier dans l'ile. Mais la Martinique, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt avec seulement quelques centaines de logements construits chaque année. Sur l'ensemble des Outre-mer en revanche, on est assez loin de l'objectif minimal fixé à 10 000. Un peu plus de 8500 logements ont été construits ou réhabilités l'an dernier. "C'est un bon résultat pour une première année" fait valoir le ministère des Outre-mer.

"Le compte n'y est pas"

Le problème, c'est que ces chiffres risquent de ne pas franchement s'améliorer dans les années à venir. Si l'on regarde les chiffres des "logements sociaux financés", ceux qui seront livrés d'ici 2 ou 3 ans, le bilan 2015 affiche un recul de 17.2 %. Le repli est même de 34.8% par rapport à 2012.  "Le compte n'y est pas", constate Mahieddine Hedli, le directeur de l'Union social pour l'Habitat Outremer (USHOM). Si la Guyane et la Martinique améliorent le nombre de logements financés, la baisse est particulièrement forte dans les deux départements d'outre-mer où l'on construit habituellement le plus de logements : la Guadeloupe et surtout la Réunion, avec une baisse de 43.7 % pour le nombre de logements sociaux financés en 2015. Et à Mayotte, il n'y en a eu que 29...

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"Beaucoup d'opérations n'ont pas pu être financées en 2015 pour des raisons qui tiennent à l'instruction fiscales des opérations de logement social", explique Mahieddine Hedli. En clair, c'est Bercy qui bloque. Le ministère des finances doit valider les dossiers pour qu'ils puissent bénéficier des crédits de la défiscalisation, indispensables sur la plupart des chantiers. Mais les délais s'allongent et les procédures sont de plus en plus complexes. 

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Des procédures à simplifier 

En septembre 2015 déjà, George Pau-Langevin avait mis en place un groupe de travail interministériel pour fluidifier ce travail administratif. "Nous avons pu améliorer un peu le score avec près d'un milliers de dossiers bloqués qui ont finalement été financés fin 2015." Mais les difficultés persistent. A en croire les professionnels, les exigences des fonctionnaires de Bercy se sont même accrues ces derniers mois, frolant parfois les limites de la légalité. "Un certain nombre de pièces nous sont demandées alors qu'elles ne peuvent être produites au moment du dépot initial du dossier, des factures signées par les entreprises alors que les appels d'offre n'ont pas encore été lancées. Ce n'est pas possible!", regrette le directeur de l'USHOM. Dans d'autres cas, le ministère des finances demande que les fondations soient terminées pour donner un agrément, alors que le plan de financement doit être boucler avant le lancement des travaux. 

Les bailleurs sociaux demandent une simplification des procédures. Aujourd'hui pour lancer la construction d'un immeuble,  ils doivent obtenir un agrément auprès des préfectures pour bénéficier de la ligne budgétaire unique (LBU) - qui représente de 5 à 12 % du budget des opérations - un agrément fiscal auprès de Bercy pour bénéficier de la défiscalisation ou du crédit d'impots. Sans compter les démarches auprès des collectivités et de la caisse des dépots pour obtenir un prêt complémentaire. "L'agrément LBU devrait donner un agrément fiscal pour le crédit d'impôt" espère Mahieddine Hedli. 

Une nouvelle mission...


Face à des chiffres du logement Outre-mer décevants, début avril, c'est cette fois Matignon qui a diligenté une nouvelle mission de l'inspection des finances dans les différents DOM. Ses conclusions sont attendues d'ici quelques semaines. Mais alors que la plupart des dossiers de financement doivent être déposés avant le 31 mai, ses effets sur les dossiers 2016 risquent d'être limités. Et pas sûr que Bercy donne carte blanche aux préfectures ou au ministère des Outre-mer en matière de financements. Car chaque dossier bloqué, c'est autant de dépenses en moins pour l'Etat. Ainsi, l'an dernier, le déficit public a finalement été plus faible que prévu. En 2016, le ministre des finances, Michel Sapin, a déjà annoncé qu'il fallait trouver 7 à 8 milliards d'économies supplémentaires. Pas sûr que les crédits affectés au logement outre-mer soient épargnés.