"Les nuits chaudes du Cap Français", un nouveau roman de la collection érotique de Caraïbeditions

Après « Une nuit d’orgie à Saint-Pierre Martinique », Caraïbeditions publie une nouvelle réédition d’un roman érotique ayant pour cadre les Antilles, « Les nuits chaudes du Cap Français », dans la collection dédiée. Compte rendu. 
« Les nuits chaudes du Cap Français » est un roman écrit par l’écrivain français Hughes Rebell, de son vrai nom Georges Grassal (1867 – 1905). L’ouvrage a été publié pour la première fois en 1902, et réédité à de nombreuses reprises. Héritier d’une riche famille de négociants nantais, Grassal était un dilettante, excentrique et noceur, qui dut avoir recours à l’écriture de romans érotiques pour subvenir à ses besoins après qu’il eut dilapidé tout son patrimoine, rappelle l’écrivain martiniquais Raphaël Confiant dans la préface du livre.
 
Fruit de l’imagination débordante de son auteur, l’action des « nuits chaudes du Cap Français » se déroule dans l’île de Saint-Domingue, qui deviendra plus tard Haïti (à la libération du pays, le Cap Français deviendra le Cap-Haïtien), où Grassal n’a jamais mis les pieds, de même que dans les autres îles des Antilles. Qu’à cela ne tienne, on doit reconnaître au romancier qu’il a su, avec force détails dus sans doute à une bonne documentation, reconstituer l’univers de la plantation et de l’esclavage. Il se pique même d’écrire parfois en créole, très sommaire certes, mais qui donne une touche d’authenticité à son récit.
 

Personnages hauts en couleurs

Le roman est beaucoup moins salace que le premier ouvrage de la collection érotique de Caraïbeditions, « Une nuit d’orgie à Saint-Pierre Martinique ». Les scènes coquines y sont plutôt rares, moins descriptives et détaillées. Par contre la trame de l’ouvrage est plus élaborée et l’écriture plus travaillée et maîtrisée. A travers quelques personnages hauts en couleurs, la plantureuse servante noire Zinga ; sa maîtresse, la "Dame créole" (la narratrice) ; la « fort belle négresse, grande et grasse, véritable pièce d’Inde » Kouma-Toulou, dite aussi Langue Joyeuse ou Dodue-Fleurie, entre autres, le romancier campe l’univers de l’habitation coloniale, avec ses multiples intrigues, sa violence et son racisme esclavagiste.
 
Omniprésente, la sexualité irrigue en filigrane les rapports sociaux et ceux de domination entre maîtres et esclaves. Sexualité refoulée ou fantasmée, quelquefois exhubérante et assumée. Georges Grassal rappelle, peut être inconsciemment, que des interactions sexuelles multiples, souvent violentes et non consenties, parfois libres sous toutes leurs formes (homosexualité, sadomasochisme, perversité) étaient au cœur de l’organisation du système colonial et esclavagiste. C’est aussi tout l’intérêt de ce roman de le souligner.
 

Hugues Rebell, « Les nuits chaudes du Cap Français » (préface de Raphaël Confiant) - Caraïbeditions, janvier 2016, 237 pages.

 

Extrait

 
« Je suis d’une meilleure race que tes faces à la crème. Vois donc si les blanches ont des nênets comme ceux-ci !
Elle ouvrait sa chemise et montrait ses seins, larges et rigides, puis, comme il avançait ses lèvres, elle évita son baiser en riant. Elle n’avait plus envie de partir. Vite elle laissa couler candale et jupe ; vite la toile fine dont elle était enveloppée se roula, se froissa autour de ses épaules et de ses hanches, tomba à ses pieds, et elle apparut comme une idole de bronze. Un instant elle jouit de l’admiration de Dubousquens qui devant cette superbe nudité avait abandonné ses airs d’orgueil et d’insouciance, et l’attirait, la bouche avide, les yeux brillants ; mais bientôt l’idole s’anima ; le corps s’échappait, se lançait en des jeux sveltes et gracieux. Dubousquens tendait les mains, ou le fermait sur le vide, il ne pouvait la saisir ; Zinga courait par la chambre, se glissait derrière les meubles, les jetait au-devant de lui avec des rires gutturaux pareils au cancanage des jeunes aras.
Et ses bonds, ses détours, ses glissades, semblaient n’être qu’une malice voluptueuse pour projeter, faire saillir davantage les magnificences du sexe, que la gracilité de son buste rendait plus apparentes : cette croupe vaste qui se tendait menaçante et narquoise, ces seins énormes qui semblaient écraser la poitrine. Enfin il l’étreignit, mais comme pour assurer sa défaite. Il l’avait prise à bras le corps sur le canapé, et elle semblait lutter avec lui, le fouler sous son ventre en rut, dans l’effort et sous la saccade de ses fesses majestueuses. »