On aurait pu l'imaginer abattue. Démobilisée. Ce serait mal connaître Leslie Ardon. L'ex-championne de basket reconvertie dans l'événementiel, a un moral à toute épreuve. Et une philosophie de vie qui peut surprendre : "Les galères sont nécessaires. Les déconvenues m'ont construite." Et la Martiniquaise d'enfoncer le clou : "On ne fait pas assez l'apologie de l'échec dans notre pays. C'est dommage." Car après chaque défaite, Leslie se relève encore plus forte. "Quand je jouais au basket, j'avais un esprit de guerrière. C'est toujours pareil aujourd'hui. Je ne lâche rien. Jamais."
Des Summer Games 2022 reportés
Le concept a fait ses preuves : convier de grands champions en Martinique durant quelques jours. Les mettre au contact des jeunes dans des ateliers sport découverte. Organiser des master class. Lancer des Olympiades intergénérationnelles… Les trois premières éditions des Summer Games ont rimé avec succès populaire. Mais en 2022, une certaine léthargie empêche la tenue d'une quatrième édition. "Les sportifs devaient arriver sur place, le 22 juin. Or, je n'ai toujours pas de retours écrits de certains partenaires publics importants. Donc pas tout le budget. D'où ma décision de reporter. Tout le monde attend des décisions politiques après les élections. Alors… attendons."
Leslie Ardon attend. Mais pas les bras croisés. La Martiniquaise travaille. Réfléchit. Avance. Ce report des Summer Games pourrait être de courte durée. "J'aimerais vraiment qu'il y ait une édition en 2022. D'où mon idée d'un nouveau format, fin août. Les jeunes se retrouveraient ainsi juste avant la rentrée. Peut-être un moyen de leur redonner envie de faire du sport ? Tout en leur transmettant une valeur essentielle : le dépassement. Je veux montrer aux jeunes Martiniquais qu'ils peuvent devenir ce qu'ils veulent."
Le sport martiniquais en déshérence
Un peu plus de deux ans après le début de la pandémie mondiale de Covid-19, le sport en Martinique a le plus grand mal à relever la tête. "Toutes les ligues ont perdu énormément de licenciés. On doit motiver nos jeunes à reprendre. Mais la situation est tendue." Tendue car après pratiquement dix-huit mois de confinement ou couvre-feu, le climat social du département demeure orageux. "Nous avons un petit répit en ce moment mais les gens ont peur. Peur que la rentrée soit compliquée. Comment se projeter sur l'avenir dans ces conditions ?"
Et comme souvent en période de crise, le sport est relégué au second plan. De quoi révolter Leslie Ardon. "Dans notre pays, le sport est sous-coté. Alors qu'il peut répondre à tellement de problématiques. L'insertion par le sport, ça existe. Transmettre les valeurs du sport dans les écoles, c'est payant. Développer l'audace, la croyance en soi, la volonté… Le sport permet tout ça. Malheureusement, on le mésestime."
Un seul choix : s'adapter
Face à tous ces éléments déchaînés, la Martiniquaise sait rester calme. "D'extérieur en tout cas." Calme et en mode : je m'adapte. "Je n'ai fait que ça toute ma vie. Lorsque j'ai quitté la Martinique à 16 ans pour le froid de l'Hexagone, j'ai dû m'adapter. Direction les États-Unis alors que la langue était différente ? Je me suis adaptée. L'Espagne et ses systèmes de jeu atypiques ? Adaptation. Mes débuts dans l'entreprenariat ? Pareil. J'ai bossé. Afin de me prouver à moi mais aussi aux autres que je pouvais y arriver. L'adaptation. Encore et toujours."
À bientôt 43 ans, Leslie Ardon fourmille de projets. Elle bûche. Beaucoup. Pas le temps de s'ennuyer. Ses journées sont à l'image de sa conduite. Sportive. Un seul petit regret : celle qui promeut le sport en Martinique… n'a plus le temps de pratiquer. "J'essaie de m'y remettre mais je ne trouve pas le temps. Impossible de faire du basket car mon dos est en carafe. J'ai carrément des sciatiques qui démarrent toutes seules. Je vais parfois marcher le dimanche avec des copines. Marcher… C'est terrible. Marcher… Je réalise alors que je vieillis !"