Lisette Malidor : "Joséphine Baker est arrivée entre les deux-guerres et moi, à la révolution de mai 68" #MaParole

Écoutez Lisette Malidor dans #MaParole
Dans les années 70, c’était une star Lisette Malidor. Meneuse de revue au Casino de Paris sous l’œil de Roland Petit, puis au Moulin rouge et aux Folies bergères, l’artiste martiniquaise a mené ensuite une carrière d’actrice au théâtre et au cinéma. Un parcours hors normes dans #MaParole.

Il y a 50 ans, on la surnommait "La nouvelle Joséphine Baker". La Martiniquaise Lisette Malidor a été meneuse de revue au Casino de Paris, au Moulin rouge et aux Folies bergères dans les années 70 et 80. La presse l’a surnommée ainsi, mais elle n’était pas à l’aise avec cette comparaison. Quand elle a eu la chance de rencontrer Joséphine Baker lors d’un gala pour les artistes en difficulté, elle a tenu à "s’en excuser". Lisette Malidor raconte dans #MaParole cette rencontre qui l'a marquée. Comme Joséphine Baker, elle a commencé à travailler très jeune et comme elle, dans une moindre mesure, elle a été confrontée au racisme.

#1 Monsieur Jacques

Quand elle évoque son enfance en Martinique, Lisette Malidor se rappelle de Saint-Joseph, de ses huit frères et sœurs (quatre filles, quatre garçons) et de ses parents. Pour aller à l’école, il y avait un long chemin à emprunter sous le soleil à pied "avec les chaussures à la main". "C’était agréable, mais j’avais peur de l’école. J’avais peur de mon enfance (…) c’était dur d’être une fille à cette époque-là", raconte Lisette Malidor dans #MaParole.

Il en fallait du courage pour partir à 14 ou 16 ans de la Martinique. Quitter sa famille, son île pour aller tenter l’aventure à Paris. Lisette Malidor en rêvait. Sa tante Dalyse lui avait donné de l’espoir en lui parlant de "ce doigt qui indiquait le chemin". Mais en arrivant, la réalité était un peu rude. L’adolescente était logée et nourrie dans une famille de notaires pour laquelle elle travaillait à Pontoise. Pas une minute de répit, il faisait froid, la solitude se faisait terriblement sentir. L’adolescente a même fait une tentative de suicide. Son oncle, alors son tuteur, a rapidement pris chez lui l’adolescente. Mais la jeune fille ne pouvait pas rester inactive. Grâce aux bonnes sœurs, elle a retrouvé du travail dans une famille dont le père était médecin. Dans ce foyer, Lisette Malidor se sentait bien. La mère de famille qui sortait souvent lui demandait de la coiffer.

L’adolescente s’est dit qu’elle pourrait devenir coiffeuse. Après une formation sur les Champs Elysées, elle a cherché du travail. Mais là pendant très longtemps, l’agence de placement n’arrivait pas à lui trouver de place. Première confrontation avec le racisme. Et puis un jour, un certain Jacques Vallet a débarqué. Il cherchait une shampooineuse. Son employée était en arrêt maladie. Lisette Malidor était là, toujours en attente d’une place. Le chef de l’agence désespéré a dit au fameux monsieur Jacques qui tenait un salon très chic dans le 16e qu’il y avait cette jeune femme "dont personne ne voulait" et qu’il fallait la faire travailler. C’est ainsi que Lisette Malidor a commencé enfin à travailler dans la coiffure. "Il était tellement autoritaire monsieur Jacques que les clientes bourgeoises n’osaient rien dire sur ma couleur de peau", se souvient-elle dans #MaParole.

 

#2 La nouvelle Joséphine Baker

L’employée en arrêt maladie est revenue et Lisette Malidor a dû chercher à nouveau du travail. Après une saison à Deauville comme coiffeuse, Lisette Malidor a été embauchée dans un salon de coiffure extraordinaire. Il était tenu par "un juif pied noir militant communiste qui vendait l’Humanité aux clients". "Dans ce salon, il y avait toujours des débats politiques, c’était passionnant" raconte Lisette Malidor. La future meneuse de revue a vécu Mai 68 à l’intérieur de la boutique. Grâce à un client du salon, elle s’est fait embaucher au Casino de Paris où elle vendait les programmes. Elle cumulait deux boulots et ça lui plaisait énormément. Au Casino de Paris, elle était habillée en Yves Saint-Laurent.

Un jour, Roland Petit qui dirigeait le cabaret, lui a proposé de remplacer au pied levé l’une des filles. Lisette Malidor, qui avait grandi dans une famille très catholique, a eu bien du mal à se dévêtir pour faire partie du show. Finalement, elle a fini par beaucoup aimer ce métier au point de devenir meneuse de revue et de remplacer Zizi Jeanmaire en 1973. On l’a surnommée "la nouvelle Joséphine Baker". Un jour, elle a pu en parler avec Joséphine. C'était quelques mois avant sa mort, en 1975. Elle tenait à lui faire ses excuses, car elle ne trouvait "pas bien de faire cette comparaison avec elle". Joséphine Baker avait répondu : "On fait toujours la comparaison entre deux noirs".

Lisette Malidor a vécu les dernières grandes heures du music-hall. L’époque où les meneuses de revues chantaient du Serge Gainsbourg et défilaient en Yves Saint-Laurent. La Martiniquaise se souvient dans #MaParole de ce jour où ses parents sont venus la voir. Elle était tétanisée.

 

#3 L’appel des planches

En 1975, le Casino de Paris dirigé par Roland Petit a dû mettre la clé sous la porte. Lisette Malidor a alors travaillé au Moulin rouge puis aux Folies bergères. Progressivement, elle a quitté le monde du music-hall pour faire du théâtre. Sa première pièce : La ville de Paul Claudel. Un texte très exigeant. La danseuse a joué des classiques : Racine, Molière puis elle s’est aventurée du côté du théâtre populaire. Avec succès. Dans Ladies night, elle a joué le rôle d’une professeur de danse qui vient en aide à un groupe d’homme au chômage décidés à se lancer dans le strip-tease pour sortir de la galère. La pièce a reçu en 2001 le Molière du meilleur spectacle comique. Lisette Malidor a aussi joué aux côtés de nombreuses actrices telles que Bernadette Laffont ou Marie-Christine Barrault dans Les monologues du vagin. En 2008, deux enfants adoptifs de Joséphine Baker sont venus trouver la comédienne pour lui proposer de monter un spectacle sur leur mère. Lisette Malidor s’est lancée dans l’aventure. Elle a imaginé un spectacle en chansons qui retraçait la vie de Joséphine. Aujourd’hui l’ex-meneuse de revue vit paisiblement dans un village situé à une heure trente de route de Paris. Elle voudrait monter un spectacle sur sa propre vie qu’elle aimerait jouer pour ses 80 ans.

Lisette Malidor rend hommage à Moune de Rivel

A la prise de son : Denis Deygout

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♦♦ Lisette Malidor en 5 dates ♦♦♦

14 mai 1944

Naissance en Martinique

1973

Meneuse de revue au Casino de Paris

1982

La truite de Joseph Losey

2001

Molière pour Ladies night

2005

Les monologues du vagin