Cas, décès, renforts, vaccination… Parfois plus touchés, les Outre-mer aussi plus résistants au coronavirus

Un an de Covid-19 en cartes et en graphiques

Le 17 mars 2020 débutait un confinement national, décrété la veille par Emmanuel Macron, pour enrayer la propagation du coronavirus en France. Habitants de l'Hexagone et des Outre-mer étaient priés de s'isoler à domicile jusqu'au 11 mai suivant. 

Depuis un an, les territoires ont connu des situations sanitaires très variables, alternant pour la plupart pics épidémiques et stabilisations. Les Outre-mer ont pu tirer parti de leur situation démographique - des populations généralement plus jeunes, mais aussi plus sujettes aux facteurs de comorbidité. Les DROM-COM ont également souffert de la fragilité de leurs systèmes de soins. Nombre réduit de places en réanimation, absence d'équipements... L'État a dû répondre dans l'urgence à des carences matérielles et des manques de personnels. 

Malgré tous ces facteurs, le nombre de personnes décédées du Covid-19 est proportionnellement bien inférieur en Outre-mer que dans les territoires hexagonaux. Un an après le début de l'épidémie, les experts ne savent pas expliquer les raisons de ce phénomène.

Sur la carte ci-dessus, les chiffres sont issus des derniers bilans communiqués mi-mars 2021 par les ARS, les préfectures et les gouvernements locaux pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie. Certains sont quotidiens comme dans ces deux territoires du Pacifique, d'autres hebdomadaires.

Un an de pics et de plateaux en Outre-mer, quelques territoires épargnés

 

Les territoires ont connu des situations sanitaires parfois diamétralement opposées, selon qu'ils ont des frontières terrestres avec d'autres pays comme la Guyane, ou qu'ils ont suspendu rapidement les vols internationaux pour mettre en place une bulle sanitaire comme la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna. Dans la foulée de l'Hexagone, les contaminations augmentent à Mayotte (barre orange dans le graphique ci-dessous). Dès le mois de mai 2020, le nombre de cas dans l'archipel de l'océan Indien est supérieur à celui de la France, lorsqu'il est ramené à une population équivalente. 

Dans le graphique ci-dessous, nous avons choisi une proportion de 100 000 habitants pour permettre une comparaison entre les différents territoires. Les chiffres sont ceux des ARS ou des préfectures/Haut-commissariats pour les Outre-mer et de Santé Publique France pour l'Hexagone, au 1er jour de chaque mois. Cliquez sur le bouton "play" en bas à gauche pour lancer et interrompre l'animation. Cliquez sur la frise chronologique en bas du graphique pour atteindre directement la date qui vous intéresse.

Au début du mois de juin, Mayotte reste le territoire le plus touché, avant que l'épidémie ne décolle en Guyane telle une fusée (en vert). En juillet, le département d'Amérique du Sud voit le nombre total des contaminations augmenter rapidement, passant de 172 le 1er juin à 2 672 le 1er août. A ce stade, la Polynésie (en noir) est épargnée, mais un frémissement se fait sentir aux Antilles (en bleus et violets). En septembre, l'épidémie s'accélère en Guadeloupe, qui devient la deuxième région la plus touchée, à populations égales. Mais déjà, une vague se prépare à déferler sur la Polynésie, heurtée de plein fouet en novembre. En un peu plus d'un mois, les îles polynésiennes deviennent proportionnellement le territoire le plus contaminé, loin devant l'Hexagone et les autres DROM-COM. Autre exemple de flambée : Wallis et Futuna, où le premier cas autochtone est détecté le 6 mars 2021. Le 16 mars, 233 contaminations ont été recensées, soit 2026 cas cumulés pour 100 000 habitants en une dizaine de jours. En comparaison, la France entière compte presque 5 970 cas pour 100 000 habitants, alors que le virus y circule depuis plus d'un an. Tous territoires des Outre-mer confondus, ce chiffre atteint 3 302 pour 100 000 habitants. 

Ce constat ne surprend pas le Dr Christophe Longuet qui collabore au Conseil scientifique pour les avis qui concernent les Outre-mer : "On voit par exemple que la Polynésie qui avait pris dans un premier temps des mesures strictes de contrôle d’accès au territoire, a finalement levé partiellement ces restrictions pour des raisons économiques. C’est là que 'le loup est entré dans la bergerie' et que l’épidémie a pu flamber", commente le médecin qui fait référence à la reprise des liaisons aériennes avec l'Hexagone puis l'étranger au cours de la première quinzaine de juillet 2020. "Les populations étaient jusque-là protégées et n’appliquaient pas forcément les mesures barrières de manière très efficace. Cette courbe est également intéressante car elle permet d’établir une corrélation entre les mesures de protection souvent très différentes d’un territoire à l’autre et l’évolution du virus. On voit que là où les mesures ont été très strictes, le virus a été contenu." Ainsi, la Nouvelle-Calédonie - qui a opté pour des mesures plus drastiques menant à une mise sous cloche presque totale - n'a recensé qu'une poignée de contaminations, un an après le début de l'épidémie. 

La situation s'améliore progressivement avec un net ralentissement des nouvelles contaminations : un an après le début de l'épidémie, la Polynésie reste le territoire le plus touché, juste devant Mayotte qui connait une nouvelle explosion du nombre de ses cas en janvier-février 2021, alors que presque partout ailleurs, la situation semble se stabiliser, au moins provisoirement. La situation sanitaire se dégrade également à Saint-Barthélemy.

Le graphique ci-dessous confirme qu'à population égale, la Polynésie, Mayotte et Saint-Barthélemy sont les territoires les plus touchés, devant la Guyane puis la moyenne française. A l'inverse, l'explosion du nombre de cas en Polynésie à partir d'octobre est bien visible, de même que celle connue par Mayotte en février 2021. La Guyane connait elle deux fortes vagues au cours de l'année. La Réunion, la Martinique et, à un degré moindre, la Guadeloupe ont réussi à contenir les différentes vagues épidémiques à ce stade. Passez votre curseur sur les courbes pour faire apparaître plus d'informations.

Concernant le nombre de décès, les chiffres varient évidemment d'un territoire à l'autre. Au 1er mars 2021, la Guadeloupe enregistre 179 victimes du Covid-19, la Polynésie en dénombre 139, Mayotte 110. Ces trois territoires ont connu des pics de décès. Il débute en septembre en Guadeloupe, à partir d'octobre en Polynésie. Mayotte - qui essuie un nombre de victimes conséquent et régulier dès juin 2020 - connait une accélération en février 2021. 


La Guadeloupe enregistre un nombre de cas supérieur à la Martinique, l'autre DROM des Antilles françaises qui compte une population quasiment équivalente. La courbe des décès est bien plus haute en Guadeloupe, la différence entre les deux territoires est plus marquée que pour le nombre de contaminations. Au 1er mars 2021, la Guadeloupe dénombre 171 décès, la Martinique 46. Ce sont les courbes bleues, claire et foncée, dans le graphique de gauche ci-dessous. Plusieurs éléments peuvent expliquer ces situations. Contrairement à la Guadeloupe, la Martinique a opté pour deuxième confinement le 30 octobre, comme l'Hexagone. Par ailleurs, l'hôpital de Pointe-à-Pitre connait des difficultés, depuis l'incendie qui l'a, en partie, ravagé le 28 novembre 2017. 
Trois territoires n'ont répertorié aucun décès liés au Covid-19, à ce jour : Saint-Pierre et Miquelon, la Nouvelle-Calédonie ainsi que Wallis et Futuna.

La Réunion, la Martinique et Saint-Martin enregistrent le plus petit nombre de victimes. A populations égales, la Polynésie affiche un bilan légèrement supérieur à celui de la Guadeloupe. Rapporté à une population égale (graphique de droite), le nombre de décès dans les territoires d'Outre-mer est nettement inférieur à la moyenne française (courbe jaune). Le docteur Longuet, qui collabore au Conseil scientifique, n'explique pas ce phénomène à ce jour. "Si on compare ce qui est comparable, par exemple, en Polynésie, le nombre de cas pour 100 000 habitants est très proche de la moyenne nationale, et pourtant il y a proportionnellement trois fois moins de décès. Pourquoi ?, s'interroge Christophe Longuet. Il n’y a pas d’explication." 


"Dans certains territoires comme Mayotte et la Guyane, le nombre de décès plus faible que dans la moyenne nationale peut s’expliquer par l’âge de la population, plus jeune, poursuit le médecin. Mais cet argument n’est pas valable pour la Guadeloupe ou la Martinique, qui ont également enregistré moins de décès que sur l’ensemble de la France. Il serait très intéressant de mener une étude multicentrique (NDLR : avec des volontaires en provenance de plusieurs centres médicaux différents) et multi-territoire sur l’ensemble des Outre-mer pour comprendre ce nombre plus faible de décès. Y a-t-il un facteur génétique ? Ou des antécédents d’infections à coronavirus dans le passé qui auraient permis le développement d’anticorps protecteurs ? Ce sont des pistes qui méritent d’être étudiées."

Une campagne de vaccination plus tardive et plus lente en Outre-mer

 

Le 27 décembre 2020, une toute première dose de vaccin Pfizer - BioNTech était administrée en France, marquant le début de la campagne vaccinale. Un début plus lent que dans d'autres pays : après l'autorisation de mise sur le marché, ce sont les livraisons qui se font attendre, il faut ensuite organiser les centres de vaccination. 

En Outre-mer, les débuts de la campagne vaccinale sont plus tardifs. C'est la Martinique qui ouvre le bal le 7 janvier, juste avant la Guadeloupe, le lendemain. La Guyane administre sa première dose le 13 janvier, La Réunion le 15. La Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, toutes les deux compétentes dans le domaine de la santé, démarrent respectivement le 18 et le 20 janvier. A Mayotte, la première injection a lieu le 25 janvier. La campagne doit commencer le 22 mars à Saint-Pierre et Miquelon qui n'a plus recensé de cas de Covid-19 depuis janvier. Elle est imminente à Wallis et Futuna qui, à l'inverse, voit se multiplier les cas depuis le 6 mars dernier.

Les livraisons de vaccins vers les Outre-mer ont tardé, car les territoires n'étaient pas équipés pour conserver le seul vaccin alors disponible, le Pfizer-BioNTech. Des super congélateurs ont d'abord dû être acheminés pour en assurer la conservation. Des flacons d'AstraZeneca parviennent ensuite jusque dans les DOM mais ils sont minoritaires (premier graphique ci-dessous). En janvier, le ministère des Outre-mer annonce dans un communiqué que "pour des raisons logistiques, le vaccin Moderna, plus facile à conserver, [serait] privilégié" en Outre-mer. Les premières doses de ce vaccin américain seront livrées cette semaine à Wallis et Futuna. Ce sont également 9.600 doses de ce vaccin qui vont être livrées à Saint-Pierre et Miquelon le 19 mars. Aucune autre livraison n'a eu lieu à ce stade en Outre-mer, confirme le ministère. 

Passez votre curseur sur les barres (jaunes) dans les graphiques ci-dessous pour faire apparaître le nombre exact de doses acheminées (en haut) et administrées (en bas). 

Le 10 mars 2021, entre six et neuf semaines après le lancement de la vaccination selon les territoires, un faible pourcentage des populations des territoires des Outre-mer a reçu la première injection, en-dessous des régions hexagonales affirme le Conseil scientifique dans un avis daté du 28 février. C'est à Saint-Martin, aux Antilles, que le plus fort retard est constaté avec seulement 0,9% de la population vaccinée, alors que dans le Pacifique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, affichent un taux de 3,6%.

Dans un avis remis au gouvernement le 26 février, mis à jour le 8 mars et rendu public le 16 mars sur le site du ministère de la Santé, le Conseil scientifique estime qu'une accélération de la vaccination en Outre-mer est nécessaire. C'est l'un des trois scénarios qu'il a donné au gouvernement concernent les territoires d'Outre-mer, le plus pertinent selon lui, "compte tenu de leur vulnérabilité sanitaire, sociale et économique, et de la dynamique de pénétration des variants." Il conseille également "une attention particulière à Mayotte, La Réunion et en Guyane en raison des variants."  Si ce scénario est retenu, comme le souhaite le Conseil scientifique, il s'agira, "dans tous les départements et collectivités d’outre-mer, de laisser la possibilité de vacciner l’ensemble de la population adulte rapidement et sans phasage sur certaines zones difficiles d’accès pour tenir compte des contraintes logistique et de ressources humaines."

Des premières contaminations en mars 2020 aux mesures prises dans l'urgence

En Outre-mer, ce sont d'abord quatre territoires de l'océan Atlantique qui ont annoncé des cas de Covid-19 : Saint-Martin et Saint-Barthélemy le 1er mars, la Guyane le 4 mars, puis la Martinique le 5 mars. Une semaine plus tard, la présence de malades est confirmée à La Réunion dans l'océan Indien et en Polynésie dans le Pacifique. Le lendemain, c'est au tour de la Guadeloupe d'officialiser l'apparition de la maladie sur ses terres. Deux jours plus tard, elle est signalée à Mayotte. La Nouvelle-Calédonie n'y échappe pas non plus : les deux premières personnes atteintes arrivent sur cette île du Pacifique le 17 mars à bord d'un avion en provenance d'Australie. Elles sont détectées positives le lendemain.


Saint-Pierre et Miquelon est préservé jusqu'au 4 avril, quand le préfet annonce un premier test positif. Mais l'archipel de l'Atlantique Nord parviendra à éviter une propagation. Tout comme Wallis et Futuna, dans le Pacifique, en tout cas pendant un an. Car, le 6 mars 2021, un premier cas autochtone y a été détecté. Cinq jours plus tard les 11 mars 2021, 129 personnes ont été testées positives à Wallis et Futuna qui était jusque là l'un des derniers territoires au monde à avoir été épargné par le coronavirus. 
 

La fragilité des infrastructures sanitaires en Outre-mer, l'insularité et l'éloignement de l'Hexagone ont des conséquences rapides sur l'épidémie. L'État se voit contraint d'y envoyer des renforts humains et logistiques. Le 4 avril 2020, en plein confinement, le porte-hélicoptères Le Mistral arrive à Mayotte pour une mission d'aide à la population. Le navire sert également de transport maritime pour acheminer du fret depuis La Réunion. Cette arrivée s'inscrit dans le cadre de l'opération "Résilience". Lancée le 25 mars 2020, elle constitue la contribution des armées à l’engagement interministériel contre la propagation du Covid-19 sur le territoire français. Le 17 avril, c'est au tour du Dixmude d'accoster en Guadeloupe. Le porte-hélicoptères apporte un soutien logistique et du matériel pour lutter contre l'épidémie aux Antilles-Guyane.
Face à l'ampleur de l'épidémie en Guyane et aux difficultés rencontrées par le Centre Hospitalier de l'Ouest Guyanais, le ministère de la défense décide l'envoi d'un renfort de 22 militaires du Service de santé des armées (SSA) en Guyane. Il arrive sur place le 10 juillet 2020. Quatre équipes de prise en charge de patients COVID-19 viennent renforcer le service de réanimation.


Le 12 février 2021, toujours embourbée dans la crise sanitaire et reconfinée, Mayotte reçoit le soutien du patrouilleur Le Malin, habituellement basé à La Réunion. A bord du navire, 30 bouteilles d'oxygène et dix concentrateurs pour le centre hospitalier. L'île est alors le département avec le taux d’incidence le plus élevé de tous les territoires français : 818 cas pour 100.000 habitants. Le taux de positivité frôle les 30%. Le Malin a également pour mission de renforcer "quelques jours" le dispositif de contrôle aux frontières. 


Jeudi 4 mars 2021, quatre patients infectés par le coronavirus sont transférés en avion de La Réunion vers l’Hexagone. L'île de l'océan Indien - qui a alors accueilli 93 patients mahorais au cours de 12 mois précédents - craint de ne plus pouvoir faire face à l'afflux de patients dans ses services de réanimation. Quatre patients mahorais sont donc envoyés vers des hôpitaux de la région parisienne.