Lutte contre la pauvreté : comment expliquer les écarts entre les DROM et l'Hexagone ?

Un citoyen en difficulté (image d'illustration).
La Première ministre a présenté aujourd'hui son pacte des Solidarités pour lutter contre la pauvreté. Dans les DROM, la pauvreté est en moyenne deux fois plus élevée que dans l'Hexagone. Familles monoparentales plus nombreuses, difficile accès à l'emploi et aux aides de l'État... Les facteurs d'explication sont multiples et varient d'un territoire à l'autre.

Le précédent plan de lutte contre la pauvreté, lancé en 2018 par le gouvernement, était doté de 8 milliards d’euros sur quatre ans. La Première ministre a annoncé ce lundi une augmentation des crédits de 50% dans les prochaines années.

La problématique touche tout particulièrement les territoires ultramarins. "On a un taux de pauvreté globalement dans les Outre-mer deux fois plus fort que celui de l’Hexagone, détaille Hervé Guéry, économiste et membre du Centre d'observation et de mesure des politiques sociales. On est à 14,5% dans l’Hexagone, à 45% en Guyane, 32% en Guadeloupe, 36% à La Réunion, presque à 27% en Martinique. On dit 75% à Mayotte, mais on n’est pas tout à fait sur le même mode de calcul parce qu’on n’a pas accès aux mêmes données."

Non seulement il y a plus de pauvres dans les DROM que dans l’Hexagone, mais la pauvreté y est aussi plus intense. Selon l’Insee, la grande pauvreté est "5 à 15 fois plus fréquente" dans les départements ultramarins que dans l’Hexagone. En 2018, près de 20% des personnes en situation de grande pauvreté vivaient dans les DROM, alors que ces territoires ne représentent que 3% de la population nationale.

Plusieurs facteurs expliquent ces écarts. "Les causes sont multiples et différentes d’un territoire à l’autre", estime Hervé Guéry.

Un accès à l'emploi plus difficile

L'emploi protège de la pauvreté, or les taux de chômage sont en moyenne plus élevés Outre-mer que dans l'Hexagone. L'accès à l'emploi y est rendu plus difficile par les problèmes d'accès à la formation et l'absence de transports en commun par exemple.

Par ailleurs, l'économie informelle, plus développée Outre-mer, minore les prestations sociales de nombreux Ultramarins. Cela concerne notamment les allocations chômage et les pensions de retraite. Selon l'Insee, 9% des retraités martiniquais et 15% des retraités guyanais sont en situation de grande pauvreté, contre moins de 1 % des retraités vivant dans l'Hexagone.

Des familles plus nombreuses et plus souvent monoparentales

La structure des ménages joue aussi. "Le taux de pauvreté des familles monoparentales est en moyenne le double de celui des couples avec enfants", explique l'économiste. Or les familles monoparentales sont plus nombreuses dans les Outre-mer.

On a beaucoup de familles monoparentales, notamment en Martinique et en Guadeloupe. Une grosse partie de la pauvreté peut s’expliquer par la situation de ces familles.

Hervé Guéry, économiste.

De même, plus un foyer compte d'enfants, plus il risque d'être précaire. "Ça, vous allez le retrouver essentiellement sur Mayotte et en Guyane, un peu à La Réunion. C’est une partie de ce qui pourrait expliquer les écarts entre La Réunion et les territoires des Antilles", détaille Hervé Guéry.

Difficulté pour recourir aux aides de l'État ou des proches

L'Insee avance une autre piste : parce que le niveau de vie est en moyenne plus faible dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone, les personnes en grande précarité peuvent moins s'appuyer sur leur entourage pour obtenir une aide financière.

Quel que soit le degré de pauvreté, la part des personnes ayant des proches pouvant les aider est plus faible dans les DOM. Ce constat pouvant notamment refléter les écarts de niveau de vie entre les DOM et la France métropolitaine.

Institut national de la statistique et des études économiques.

En Outre-mer comme dans l'Hexagone, de nombreuses personnes ne réclament pas les prestations sociales auxquelles elles ont droit. Par exemple, en 2018, près d'un tiers des personnes pouvant bénéficier du RSA ne demandaient pas leur aide. Selon Hervé Guéry, si la non-réclamation n'est pas forcément plus courante dans les Outre-mer que dans l'Hexagone, certaines problématiques (notamment les difficultés d'accès au numérique, l'illettrisme ou l'éloignement des services publics) rendent la réclamation des aides particulièrement difficile dans les territoires ultramarins. "J’ai été complètement stupéfait par la situation des territoires de l’intérieur de la Guyane, où on a un non-accès au droit phénoménal, raconte l'économiste. Avoir les bons papiers pour faire les bonnes demandes est extrêmement difficile quand vous êtes dans un environnement humide, où il est difficile de conserver des documents papiers parce que vous n’avez pas un espace fermé et isolé. Forcément, les papiers se détruisent, les papiers se perdent, les papiers s’abiment et on finit par ne plus avoir du tout de trace."

Hervé Guéry préconise d'investir dans les transports en commun et les logements, de soutenir le secteur associatif, et, plus largement, d'améliorer l'accès à la formation et à la mobilité des Ultramarins. Ne pas régler ces problèmes, c'est "entretenir la pauvreté" selon l'économiste.