Madagascar : le président conteste sa destitution par les députés

Le président Rajaonarimampianina
Le président malgache a contesté ce mercredi la régularité d'un vote des députés appelant à sa destitution. Hery Rajaonarimampianina assure qu'il est "toujours là", et estime que le pays a besoin de stabilité pour enfin sortir de la crise.
Dans une allocution à la télévision nationale, le président malgache a contesté sa destitution par les députés. "Je me pose des questions sur le respect des  procédures légales, sur le respect de la transparence. Il y a eu des suspicions de corruption", a dénoncé, ce mercredi, Hery Rajaonarimampianina.

J'ai toujours refusé (...) d'accorder des avantages que les députés ne méritent pas (...)







"J'ai toujours refusé (...) d'accorder des avantages que les députés ne méritent pas suivant le contexte, notamment de leur accorder gratuitement des véhicules 4x4", a même lâché le président malgache, un brin désabusé.

"Il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées qui ne semblent pas respecter la régularité et la légalité", a insisté le président Rajaonarimampianina, qui relève que 125 députés (sur 151) ont officiellement pris part au vote pour demander son départ, alors qu'il n'y avait selon lui que 80 députés en séance.

Les députés accusent le président d’incompétence

Une très large majorité de 121 députés malgaches avaient voté mardi soir (selon les résultats officiels) la destitution du président démocratiquement élu en 2013, alors qu'une majorité des deux tiers de 101 voix était nécessaire. Ils accusent notamment le président, isolé politiquement, d'avoir violé la Constitution du pays, et plus généralement d'incompétence.

La députée Christine Razanamahasoa a cité plusieurs cas de violation de la Constitution par le président : non-respect de la séparation du pouvoir entre exécutif et législatif, non-respect du délai de promulgation des lois, retard dans l'installation de la Haute Cour de justice, ingérence dans les affaires de l'Assemblée nationale, menace de dissolution de l'Assemblée nationale, et obstacle à l'instauration d'une commission électorale indépendante.

Attente de la décision de la Haute Cour constitutionnelle

La Haute Cour constitutionnelle doit désormais se prononcer sur la pertinence de la déchéance votée par les députés, mais aussi le respect de la procédure.

C'est inacceptable qu'une décision d'une telle ampleur qui aura un impact énorme sur la stabilité du pays, de son économie, de la vie de sa population, ait été prise sans une totale transparence !










"La déchéance d'un président de la République élu est une affaire sérieuse qu'on ne devrait pas prendre à la légère. On a besoin d'analyse, d'approfondissement, de discussion", a plaidé l'intéressé mercredi dans son allocuation.

"Malheureusement hier on a bousculé toutes les procédures, pour qu'en une demi-journée, cette déchéance ait été réalisée. C'est inacceptable qu'une décision d'une telle ampleur qui aura un impact énorme sur la stabilité du pays, de son économie, de la vie de sa population, ait été prise sans une totale transparence !", a-t-il poursuivit.

Certains de ses partisans avaient dénoncé des irrégularités dès mardi soir, le vote ayant été particulièrement précipité.

"Je tiens à dire au peuple que je suis toujours là, les dirigeants travaillent encore pour vous", a déclaré ce mercredi le président malgache.

Des élections anticipées ?

La Haute Cour constitutionnelle pourrait mettre plusieurs semaines pour prendre sa décision et Hery Rajaonarimampianina restera en fonction jusque là. "Je tiens à dire au peuple que je suis toujours là, les dirigeants travaillent encore pour vous", a-t-il d'ailleurs souligné. Et en cas d'échec de l'action des députés, il pourrait choisir de dissoudre l'Assemblée.

Je tiens à dire au peuple que je suis toujours là, les dirigeants travaillent encore pour vous.







La rivalité Ravalomanana-Rajoelina

Mais si la Cour confirme sa destitution, des élections anticipées pourraient voir s'affronter Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, les deux hommes forts de Madagascar dont la rivalité empoisonne la vie politique depuis que le second a renversé le premier en 2009.

Des défis énormes pour le pays

L'élection démocratique d'Hery Rajaonarimampianina en décembre 2013 avait laissé croire que la Grande Ile pourrait enfin sortir de la profonde crise politique et économique dans laquelle elle était plongée depuis cinq ans.

D'autant que ce technocrate - un expert-comptable - avait promis d'agir vite. "Il faut reconnaître que les défis sont énormes aujourd'hui pour développer ce pays", a rappelé Hery Rajaonarimampianina mercredi.

Pendant dix-huit mois, je n'ai cessé de travailler d'arrache-pied, pour sortir le pays du trou où il était (...)







"Pendant dix-huit mois, je n'ai cessé de travailler d'arrache-pied, pour sortir le pays du trou où il était, du trou qu'on a creusé pendant cinq ans, et je dirais même pendant cinquante ans", a-t-il argumenté, alors que neuf Malgaches sur dix vivent avec moins de 2 dollars par jour.

Un président isolé ?

"On a besoin de la communauté internationale et d'une certaine stabilité pour soutenir les efforts que nous avons déployés depuis. Les bailleurs de fonds sont là, ils ont répondu présents. Le Fonds monétaire (international) est dans nos murs," a expliqué le président malgache.

C'est grâce à l'actif soutien d'Andry Rajoelina, dont il était le ministre des Finances, que Hery Rajaonarimampianina avait battu Robinson Jean-Louis, le candidat de Marc Ravalomanana. Mais il a rapidement pris ses distances avec son mentor, se retrouvant de plus en plus isolé, et sans aucune base électorale personnelle.