Malentendu à l’Assemblée autour du dégel du corps électoral calédonien

L'hémicycle de l'Assemblée nationale à Paris (image d'illustration).
Deux députés calédoniens, un indépendantiste et un non-indépendantiste, ont profité des questions au gouvernement pour éclaircir la position du nouveau gouvernement sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Michel Barnier souhaite "prendre le temps" de "retravailler la question" du corps électoral.

"Hier, lors de votre déclaration de politique générale, les Calédoniens se sont sentis humiliés. (…) Ils se sont sentis humiliés parce que vous les avez abandonnés en abandonnant le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie", s’est emporté Nicolas Metzdorf, député non-indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, lors des questions au gouvernement du mercredi 2 octobre.

L’annonce de Michel Barnier, qui a expliqué lors de sa déclaration de politique générale qu’il ne présentera pas la réforme du dégel du corps électoral devant le congrès, ne passe pas pour Nicolas Metzdorf. Le député, qui siège pourtant au sein du groupe Ensemble pour la République, l’ex-majorité présidentielle, a même menacé sur X de voter "la censure du gouvernement".

"Est-ce que vous considérez que le dégel du corps électoral doit bien avoir lieu et que la démocratie doit être rétablie ?", a-t-il questionné, visiblement agacé.

Nouveau travail sur la question du corps électoral

"Le Premier ministre s’est exprimé très clairement sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie et sur l’avenir de tous les Calédoniens. Je dis bien de tous les Calédoniens, sans exception", a réagi le ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, comme pour répondre au "Pas un mot pour les Kanak !" outré qui a fusé des bancs de l’Assemblée lors de l’intervention de Nicolas Metzdorf.

L’expression "très claire" du Premier ministre laisse pourtant la place au doute. Si Nicolas Metzdorf dénonce "l’abandon" du dégel du corps électoral, Michel Barnier évoque-lui un nouveau travail sur la question.

Dégel total ? Dégel partiel ? Statu quo ? Le nouveau report des élections provinciales doit servir à trouver un compromis. "Nous prendrons le temps de retravailler la question du corps électoral, c’est ce temps-là que je voudrais qu’on utilise ensemble pour retrouver le chemin de l’apaisement et d’une solution institutionnelle et politique en Nouvelle-Calédonie, a déclaré le Premier ministre. Je souhaite que l’on retrouve le chemin de l’apaisement."

"Une démarche constructive"

Loin de la colère de Nicolas Metzdorf, le député indépendantiste Emmanuel Tjibaou a remercié le Premier ministre pour ses "mots de solidarité" lors de son discours de politique générale. "Les annonces d’hier amorcent certainement une démarche constructive. Les annonces portent aussi, je l’espère, le deuil d’une méthode", s’est félicité l’élu. Ces derniers mois, le camp indépendantiste n’a cessé de dénoncer la démarche du gouvernement, perçue comme un passage en force.

Nous voulons être partenaires de la décolonisation plutôt que sujets soumis à la mère patrie, comme l’ont été nos grands-pères, il y a deux générations. 

Emmanuel Tjibaou, député.

Si indépendantiste et non indépendantiste se déchirent sur l’institutionnel, ils peuvent se rejoindre sur l’économie. Nicolas Metzdorf et Emmanuel Tjibaou ont tous les deux évoqué le sauvetage de l’économie calédonienne, à genoux depuis les émeutes du printemps. Sur ce volet, Nicolas Metzdorf juge la réponse du ministre des Outre-mer "décevante", car aucune "somme concrète" n’a été annoncée par le gouvernement. De l’autre côté de l’échiquier politique, Emmanuel Tjibaou n’a pas reçu de réponse du Premier ministre lorsqu’il a demandé si le plan de relance proposé par le Congrès calédonien serait pris en compte. En août dernier, dans un rare moment de concorde entre indépendantistes et non-indépendantistes, le Congrès a réclamé 4 milliards d’euros à l’État pour la reconstruction du territoire.