Malgré le ralentissement de l'inflation, le climat des affaires se dégrade en Outre-mer

Activités toujours soutenues sur les quais du port de Degrad Des Cannes, en Guyane
L'Institut d'Émission d'Outre-Mer (IEDOM-IEOM) publie son rapport annuel sur la conjoncture économique ultramarine 2023 et les perspectives pour l'année 2024. Malgré un léger recul de l'inflation, les prix des matières premières restent toujours élevés. Le taux de chômage est, lui aussi, toujours haut dans les territoires ultramarins, même si les chiffres de l'emploi sont meilleurs qu'en 2022. L'institut s'attend néanmoins à une fragilisation des entreprises.

C'est un bilan en demi-teinte que présente l'Institut d'Émission d'Outre-mer (IEDOM-IEOM) mercredi 24 avril. Comme chaque année, l'établissement public présente son rapport annuel sur la conjoncture économique ultramarine de l'année dernière, et ses perspectives pour l'année en cours. Les différentes crises internationales de ces dernières années – Covid-19, guerre en Ukraine, conflit au Moyen-Orient – ont fortement bouleversé les économies ultramarines, très tournées vers l'importation et dépendantes du fret. En 2023, bonne nouvelle : ces effets négatifs se sont légèrement atténués.

C'est notamment le cas de l'inflation, qui a plus ralenti dans les DROM-COM que dans l'Hexagone, souligne Ivan Odonnat, le président et directeur général de l'IEDOM. De manière globale, sur l'ensemble des territoires d'Outre-mer, la hausse des prix est passée de 5 % en moyenne en décembre 2022 à près de 2,5 % un an plus tard. Mais cette inflexion est principalement portée par la baisse des prix de l'énergie. Les produits alimentaires, eux, restent chers, et n'ont pas vraiment entamé le chemin de la déflation.

Le prix des matières premières a été impacté par les différentes crises à travers le monde

Pourtant, bien que l'inflation ait globalement reflué dans les Outre-mer, le président de l'IEDOM attire l'attention sur la volatilité du phénomène de hausse des prix : "Sur la fin de l'année [2023], on a pu voir dans certains territoires un petit mouvement d'accélération de l'inflation à la faveur de la hausse des prix de l'électricité, indique-t-il. Comme dans l'Hexagone, si on veut revenir à un niveau d'inflation plus proche des 2 %, il y a encore quelques efforts à faire."

La lutte contre l'inflation a porté ses fruits.

Si les prix de consommation ont baissé, le coût du crédit s'est, lui, endurci. Les taux d'intérêts pour les prêts à la consommation se situaient dans une fourchette de 4 % à 5 % selon les territoires début 2023. À la fin de l'année, ils étaient entre 5,5 % et 6,5 %. Pour les prêts immobiliers, ils sont passés de 1,8 % - 2,2 % à 3,2 % - 4,2 % en l'espace d'un an. Cette hausse empêche bon nombre de ménages de contracter des emprunts, grévant la consommation locale.

Un marché du travail toujours aussi tendu

Du côté des affaires, malgré un contexte tendu, l’emploi dans le secteur privé a été relativement dynamique, souligne l'IEDOM. À La Réunion par exemple, le nombre de salariés a augmenté de 2337 entre 2022 et 2023. En Polynésie française, l'emploi salarié a augmenté de 1628. Il n'y a qu'en Martinique que la courbe s’est inversée : le département a compté 305 employés en moins au quatrième trimestre de 2023, comparé à l’année précédente.

Cependant, "les difficultés de recrutement se sont intensifiées et le taux de chômage est resté élevé", nuance l'Institut d'Émission d'Outre-mer. En Guadeloupe, par exemple, le taux de demandeurs d’emploi était de près de 17 % au troisième trimestre 2023. C’est bien au-dessus des chiffres nationaux qui oscillent autour de 7 %. La Martinique, la Guyane et La Réunion connaissent, eux aussi, des forts taux de chômage.

Pour ne rien arranger, les défaillances des entreprises sont en nette hausse, avec des secteurs durement touchés comme la construction ou le commerce, alerte l'IEDOM.

Les chiffres du chômage sont toujours aussi élevés dans les départements d'Outre-mer.

Dans trois territoires – Guyane, Mayotte et Nouvelle-Calédonie – les chefs d’entreprise anticipent déjà une baisse de leur activité au premier trimestre de 2024. En Nouvelle-Calédonie, la crise que connaissent actuellement les usines de nickel ébranle l’économie locale et a un impact direct sur les ressources et dépenses des foyers. Le secteur représente 20 % du PIB local et un quart des emplois, rappelle le PDG de l'IEDOM. 

La croissance durable pour sauver l’économie

Que faire pour sauver l’économie des territoires ultramarins et redonner du pouvoir d’achat à la société ? Plusieurs brides de solutions sont avancées par l’IEDOM, notamment celle visant à accélérer la transition énergétique qui doit être "une priorité d’investissement". Encore trop peu utilisées dans les DROM, les énergies renouvelables pourraient peser dans le coût de la vie dans ces territoires.

La transition énergétique, c'est un enjeu partout, et un vrai paradoxe en Outre-mer. On se dit qu'il y a des ressources qui paraissent atteignables et abondantes (...) en matière d'énergie renouvelable. Le constat, c'est que les émissions de gaz à effet de serre en Outre-mer, à Mayotte en particulier, progressent [alors qu']elles ont diminué dans l'Hexagone. Que l'électricité, c'est une petite composante du mix énergétique, et qu'elle est essentiellement fabriquée avec du thermique. Il y a une marge de progrès.

Ivan Odonnat, président et directeur de l'IEDOM

Enfin, l'organisation suggère une meilleure intégration des Outre-mer dans leur environnement régional. En effet, les pays voisins échangent en général plus avec l’Hexagone ou d’autres pays, qu'avec les territoires ultramarins. Alors que ces derniers représentent un marché potentiel non négligeable pour des économies en développement.