Mariage pour tous : malgré la "violence", "je le referais mille fois", témoigne la Guyanaise Christiane Taubira

Il y a 10 ans, le 23 avril 2013, l'Assemblée nationale adoptait le mariage pour tous, après des débats houleux et des manifestations d'une partie de la société. C'est la Guyanaise Christiane Taubira qui a défendu ce texte.
Il y a 10 ans, le 23 avril 2013, le Parlement adoptait l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples du même sexe. Un texte défendu à l'époque par l'ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira.

"Je le referais mille fois, même si on me disait à l'avance qu'il y aurait cette violence-là", témoigne la Guyanaise Christiane Taubira.

Interrogée ce dimanche 23 avril sur France Inter pour les 10 ans de l'adoption du mariage pour tous, l'ancienne ministre de la Justice "n'éprouve pas vraiment de la fierté", "parce que c'était un combat tout à fait juste et qu'il y avait des antécédents, avec les luttes militantes des personnes homosexuelles et les différents processus législatifs : dépénalisation de l'homosexualité en 1982 ou encore le Pacs en 1999".

L'ex-garde des Sceaux dit "s'inscrire" dans une lignée, marquée par de nombreux autres élus : "Je suis heureuse d'avoir eu l'occasion de porter une loi de liberté, d'égalité et d'élargir le champ des droits", résume la Guyanaise.  

La bataille "la plus rude"

Si elle n'en était pas à sa première bataille, elle confesse cependant à la 1ère que c'était sans doute "la plus rude à ce jour". Christiane Taubira a d'ailleurs été visée par l'opposition à cette loi alors que les débats ont été très virulents à l'époque. "J'ai été attaquée avec beaucoup de virulence, témoigne-t-elle à France Inter. J'ai dû me soumettre à une protection renforcée, même si malgré cela, des personnes ont réussi à m'atteindre ou à me toucher."

"Mais le pire pour moi c'était les agressions homophobes, se souvient-elle. "Cette hystérie homophobe, j'avoue qu'au début, j'étais surprise", renchérit-elle auprès de la 1ère.

"Qu'ils se débrouillent avec leurs remords"

10 ans plus tard, certains élus et actuels ministres (Jean-François Copé, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, celui de la transition écologique Christophe Béchu) assurent qu'ils se sont trompés et qu'ils voteraient pour cette loi aujourd'hui.

"On aurait envie de répliquer 'tout ça pour ça !', lance Christiane Taubira. Sauf que je pense que c'est aux personnes qui ont été meurtries par ces propos injurieux et leurs effets galvanisants sur les plus agressifs de La Manif pour tous de dire ce qu'elles en éprouvent."

Personnellement, je ne suis pas disposée à faire comme si c'était banal. Que ces gens-là se débrouillent avec leurs remords.

Christiane Taubira, ex-garde des Sceaux

Libertés toujours susceptibles d'être menacées

Le 23 avril 2013, Christiane Taubira terminait son discours en s'adressant directement aux adolescents LGBT. "À l'époque et encore aujourd'hui", elle se dit "extrêmement tourmentée par ce que les adolescents avaient entendu dans l'hémicycle" et au sein de La Manif pour tous : "Il y avait des réactionnaires qui nous fatiguaient avec leurs horreurs, leurs cauchemars sur le changement de civilisation et la fin de l'humanité avec la reproduction. C'est pour ça que je leur ai réservé les derniers mots de cette bataille."  

"Nos libertés sont toujours susceptibles d'être menacées", met en garde Christiane Taubira, même si elle n'envisage pas de retour en arrière sur le mariage pour tous : "Je crois que c'est fini. Les personnalités politiques qui, pour la présidentielle de 2017 par exemple, promettaient l'abrogation de la loi en ont fini avec ça. Pas par esprit progressiste mais parce qu'ils ont compris qu'il y a plus d'écho dans la société."  

Au total en Outre-mer, 40 mariages homosexuels ont été célébrés en 2013, année de la promulgation, et 70 en 2021. En 10 ans, 520 couples gays et lesbiens se sont mariés dans les départements d'Outre-mer. Outre-mer la 1ère revient sur ces 10 années dans ce reportage :