"Marmaille", un drame réunionnais en créole, fait son entrée dans les salles de l'Hexagone

"Marmaille" de Grégory Lucilly, film 100% réunionnais
En salles ce mercredi, le drame familial et social "Marmaille". Porté par des jeunes acteurs et un réalisateur nés sur l'île, ce film suit les aventures de deux frères et sœurs adolescents abandonnés par leur mère.

Ce premier long-métrage de Grégory Lucilly, 42 ans, suit deux frères et sœur adolescents, Thomas et Audrey, interprétés respectivement par Maxime Calicharane et Brillana Domitile Clain. Leur monde s'effondre du jour au lendemain lorsque leur mère les met à la rue. Ils se retrouvent placés chez leur père, qu'ils n'ont jamais connu. Le cadet, 15 ans, rêve de remporter un concours de breakdance qui lui permettra de rejoindre la métropole. L'aînée tente d'élever sa fille Sloane, 4 mois, en gérant à la fois ses rapports conflictuels avec le père du bébé et en veillant sur son frère, tourmenté par des crises de colère.

Réunion familale dans le film "Marmaille" (Vincent Vermignon, au centre)


Le réalisateur a été marqué par une rencontre avec une assistante sociale lui affirmant qu'un abandon d'enfant par sa mère était classé comme une "situation banale" dans son service à La Réunion. "Ça m'avait énormément choqué", a-t-il expliqué au public lors de la projection du film en avant-première du festival Cinébanlieue en région parisienne début novembre. "J'avais envie d'un film optimiste, qui parle de réconciliation familiale, (...) d'envoyer un message : restez combattif, vaillant, solidaire malgré les difficultés de la vie".


De nombreux acteurs du film étaient inexpérimentés, comme Maxime Calicharane, 20 ans, depuis deux ans à Paris pour des études en sciences politiques. "C'est quelque chose que je nourrissais en moi depuis longtemps", explique-t-il. "Ce qui est magique dans ce film, c'est qu'on a pu allier mes deux passions: la danse (il la pratique depuis six ans, NDLR) et +l'acting+. (...) C'était magnifique".

"Tienbo larg pa" 


"Tienbo larg pa" : ce dicton en créole réunionnais qui signifie "n'abandonne pas", Grégoire Lucilly en a fait son leitmotiv pour donner naissance à "Marmaille", "resté sur un disque dur pendant dix ans" et réunir un budget "plutôt costaud" de 3,4 millions d'euros. Volcan, plages, cirques naturels... La Réunion est un lieu de tournage très prisé, réputé pour la beauté de ses paysages, mais qui reste éloigné du secteur du cinéma, souligne le réalisateur, qui a dû faire construire des décors pour son film.

Thomas (Maxime Calicharane) et Audrey (Brillana Domitile Clain) dans "Marmaille"


À La Réunion, l'industrie est "récente" et il n'est pas évident de trouver des producteurs qui "y croient", notamment concernant l'usage du créole réunionnais parlé dans le film. "Je refusais catégoriquement les offres de producteurs qui me disaient: +OK mais tu délocalises le film en métropole; OK mais tu fais le film en français et pas en créole", détaille auprès de l'AFP Grégory Lucilly, assumant "un petit côté militant".


"Je ne pouvais pas filmer sur ce territoire-là en créant une fausse réalité. (...) Je ne pouvais pas me permettre de ne pas être authentique vis-à-vis des personnages et de la situation", insiste-t-il.
Outre la langue, "Marmaille" met aussi à l'honneur la culture réunionnaise, à travers le maloya, musique et danse traditionnelle, hérité des temps de l'esclavage et central tout au long du film.