Marseille : l’avenue où le jeune comorien Ibrahim Ali a été tué par des colleurs d’affiches du FN portera désormais son nom

L'avenue des Aygalades à Marseille va être rebaptisée avenue Ibrahim Ali, du nom de ce jeune Franco-Comorien de 17 ans tué par un colleur d'affiches du Front national, en 1995. La décision a été votée lors d'un conseil municipal.

Après un quart de siècle de combat, c’est désormais officiel. L'avenue des Aygalades à Marseille va être rebaptisée avenue Ibrahim Ali, du nom de ce jeune de 17 ans, originaire des Comores, tué par un colleur d'affiches du Front national, le 21 février 1995. Le Conseil municipal a adopté cette mesure. Jusqu'à présent, seule une simple plaque figurait sur cette avenue. 

L'émotion

Au terme de 10 heures de conseil municipal auquel a assisté Saïd Ahamada, le député LREM de Marseille, originaire des Comores et de La Réunion a exprimé son soulagement et sa profonde satisfaction de voir enfin la mémoire du jeune homme honorée. "Après 26 ans de combat, c'est avec une grande émotion que j'accueille le vote du Conseil municipal de Marseille en faveur de la dénomination d'une avenue au nom d'Ibrahim Ali", a indiqué dans un tweet Saïd Ahamada. 

Le député n’a jamais oublié ce drame qui l’a même poussé à s’engager en politique, comme il le confiait en 2013 à Outre-mer la1ère. "J’avais 23 ans à l’époque. Aujourd’hui, avec le recul, je ne suis pas sûr que je pourrais calmer les jeunes comme je l’avais fait à l’époque. Je me souviens que Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille avait promis de baptiser un collège ou un lycée, Ibrahim Ali, il ne l’a jamais fait."

 

Le drame 

Le 21 février 1995, dans le 15e arrondissement de Marseille, Ibrahim Ali et ses amis rentrent chez eux après une répétition de Rap. C’est la nuit. Ils tombent sur trois colleurs d’affiche du Front national. Ils courent pour ne pas rater leur bus et là deux des militants du FN tirent, l'un des jeunes, Ibrahim Ali s'effondre. Ce jeune comorien de 17 ans meurt une demi-heure plus tard.

Le procès

Le procès des trois colleurs d’affiches s’est déroulé du 9 au 22 juin 1998 devant la cour d’Assises d’Aix-en-Provence. Le Front national avait alors apporté son soutien aux accusés et plaidé la légitime défense. Bruno Mégret, alors numéro deux du FN, est même allé jusqu’à apporter son soutien à la barre rapporte franceinfo"Je me suis rendu volontairement à la convocation du tribunal pour exprimer ma compassion à l’égard de la famille de la victime et pour apporter mon soutien aux militants du Front national qui n’ont pas voulu tuer ou blesser."  

Les trois accusés ont été respectivement condamnés à deux, dix et quinze ans de prison. : "Le jury populaire, le jury de la France a condamné les accusés et de ce fait même, condamné les déclarations de Bruno Mégret", s’était alors félicité l’avocat des victimes, Me Gilbert Collard, devenu député apparenté FN en 2012, puis député européen depuis 2019, toujours parmi la liste du RN.

Le souvenir 

Depuis, ce 21 février 1995, les proches, amis ou simples citoyens ont pris l'habitude de se rassembler pour honorer la mémoire d'Ibrahim Ali à l’endroit où s'est déroulé le drame. "Même 22 ans après, on n'oublie pas", avait notamment affirmé il y a quatre ans le chanteur Soprano, originaire des Comores, dans une vidéo postée sur la page Facebook de l'événement.

La politique 

Ce drame à pris au fil des années une dimension très politique. "Jean-Claude Gaudin [maire de Marseille de 1995 à 2020 ndlr] ne s’est jamais déplacé. C’est très éprouvant pendant 26 ans de ne pas avoir eu d’interlocuteur compatissant à la mairie", a indiqué Mohamed "Soly" Mbaé, ami de Ibrahim Ali et médiateur social et culturel, à nos confrères de France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.  

Ce long combat a abouti en 2020 à l’inauguration d’un rond-point en bas du quartier de la Savine à Marseille, mais il n’a jamais vraiment satisfait les proches d’Ibrahim Ali qui ont toujours revendiqué un lieu de mémoire à l’endroit même où s’est déroulé le drame.

Ils auront dû attendre vingt-six ans et le changement de majorité lors des dernières élections municipales pour obtenir enfin cette reconnaissance. A peine installée dans son éphémère fauteuil de maire, Michèle Rubirola, a donné un signe en annonçant que la commission des noms de rue de la municipalité avait le dossier en main et Samia Ghali, la troisième adjointe au maire de Marseille et ancienne maire de ce secteur a annoncé le 2 février sur Twitter que "la mémoire et l’histoire d’Ibrahim Ali seront enfin reconnues le 8 février lors du conseil municipal de Marseille"

La validation ce 8 février 2021 par le Conseil municipal marque une étape décisive, mais pour nombre d’amis de la victime ce long combat n’est pas terminé. "Je combats contre le FN. C’est incroyable que dans une ville comme Marseille ces idées gagnent du terrain, affirme Mohamed "Soly".