Outre-mer La 1ère : Pourquoi avoir voulu réécrire l’Evangile ?
Maryse Condé : C’est un désir que j’avais depuis longtemps car la religion a toujours occupé une place énorme dans ma vie. Ma mère était profondément chrétienne. Elle allait tous les jours à la messe, à 5 heures du matin. Mon père se disait athée et se moquait de la foi de sa femme. J’ai vécu entre eux, une dévotion profonde et une moquerie constante. Ceux qui m'ont donné le courage d'écrire sont Amélie Nothomb et J.M. Cotzee. Ma mère, quand j’avais sept ou huit ans m’a donné une bible. C’est l’un des premiers livres que j’ai lu et que j’ai adoré à cause des histoires compliquées, un peu fantaisistes qu’elle raconte. J’étais très partagée entre le désir d’être sérieuse et le désir de me moquer un peu. C’est avec ça qu’on fait un livre : la profondeur et la dérision.
Oure-mer La 1ère : Avec ce livre vous apportez votre vision d’un monde meilleur ?
Maryse Condé : Oui. Parce que l’Evangile du nouveau monde est mon dernier livre (même si elle travaille sur un abécédaire, ndlr). Je n’écrirais plus. C’est trop dur et trop compliqué. Je voulais résumer un peu mes luttes et mes échecs et mettre les deux en parallèle.
Outre-mer La 1ère : Ce livre, c’est votre testament littéraire ?
Maryse Condé : Oui. Mais ne donnez pas au mot testament un sérieux qu’il n’a pas. C’est un testament moqueur. J’ai voulu faire rire, amuser, choquer. Et provoquer autant qu’être grave, sérieuse et profonde. Les deux désirs se combattent en moi.
Outre-mer La 1ère : Donc, on n’est pas prêt de vous lire à nouveau ?
Maryse Condé : Maintenant, je vais me RE-PO-SER. La fin de vie c’est pour le repos et pour la détente, et je suis arrivée à ce stade.
Outre-mer La 1ère : Comment le vivez-vous ?
Maryse Condé : Pas très bien. J’aurais aimé être toujours active, toujours combattante. Hélas, il faut accepter la vieillesse, la maladie.
Outre-mer La 1ère : Le Nobel alternatif, le Prix mondial Cino del Duca, vous avez conscience de votre notoriété ?
Maryse Condé : Est-ce que je voulais ça ? Non. Un écrivain se contente du regard que lui-même porte sur son œuvre. Les récompenses, les prix c’est un peu extérieur. Quand je porte un regard sur moi, je suis un peu satisfaite avec ce que j’ai essayé de faire. J’aurais pu mieux faire. J’ai fait de mon mieux avec ma force, ma vigueur. En revanche, comme le dit Gabriel Garcia Marquez, il y a une notion que vous avez oubliée : j’aime qu’on m’aime à travers mes livres.
Regardez le reportage de L.Otvas / N.Bensmaïl