Max Cilla : "J'ai passé mon enfance dans une rue Cases-Nègres en Martinique" [#MaParole]

Considéré comme le père de la flûte des mornes en Martinique, Max Cilla a œuvré toute sa vie pour valoriser cet instrument endémique de son île. Aujourd'hui le musicien souffre de cécité, mais il reste intarissable sur sa musique. Max Cilla nous transmet son savoir dans #MaParole.

Très mince, élégant et passionné, Max Cilla a choisi de traverser tout Paris malgré ses problèmes de vue pour nous retrouver chez une amie, Brigitte Costa-Leardée. C'est là, à Fontenay-sous-Bois, qu'il a choisi d’évoquer son long parcours de musicien.

 

#1 La toutoune bambou

Né en 1944 au Lamentin, Max Cilla a grandi dans l’habitation Rochelle à Ducos. La famille vivait dans une rue Cases-Nègres. Toutefois ce n’était pas la misère, au contraire. Les parents s’occupaient bien de leurs enfants qui ne manquaient de rien. "Mes parents étaient écologistes avant l’heure" raconte Max Cilla dans #MaParole. Ils maitrisaient "l’art du recyclage", ajoute-t-il.

C’est ainsi que très tôt Max Cilla a aimé fabriquer des choses de ses dix doigts. Au début, il s'agissait de jouets plus ou moins sophistiqués. Et puis à force d’entendre des flûtistes à l’habitation puis chez sa grand-mère, il a eu envie de fabriquer sa propre flûte. Il se souvient en particulier d'un coupeur de canne baptisé Missié Bondié qui, adossé au manguier, passait beaucoup de temps à jouer de la flûte, la toutoune bambou, comme on disait en Martinique. Il l’avait lui-même fabriquée. Ce qui fascinait Max Cilla. Enfant, il allait chercher des bambous en forêt, les taillait et essayait tant bien que mal de faire un instrument. A l’école, Max Cilla aimait bien les mathématiques et le sport, mais pas l’histoire qu'il fallait apprendre par coeur.

 

#2 De fraiseur à flûtiste

A 19 ans, le Martiniquais est parti dans l’Hexagone par l’intermédiaire du Bumidom. On l’attendait pour une formation de fraiseur dans le Nord, à Liévin. Max Cilla a travaillé pendant trois ans comme ouvrier spécialisé. Et puis en 1966, il est arrivé à Paris. Son envie d’apprendre à jouer de la flûte était plus forte que tout. Il se souvient avoir acheté une flûte en ébène boulevard du Montparnasse près de la Coupole. Le Martiniquais avait sympathisé avec deux musiciens cubains.

Ensuite, il est allé trouver un professeur au conservatoire international de musique à Paris. Mais celui-ci ne s’est pas montré très encourageant. Il n’enseignait que la flûte traversière classique, en métal. La seule info qu’il lui a transmise, c’est le nom d’un  facteur de flûte, monsieur Jardé. Max Cilla est allé le trouver car il avait autant envie d’apprendre à jouer que de savoir fabriquer une flûte en bois. Et c’est ainsi que tous les samedis, avec la régularité d’une horloge suisse, Max Cilla venait dans son atelier pour l’observer. Quant aux cours, il a fini par trouver son bonheur à l’association philotechnique de Paris qui délivre jusqu'à aujourd'hui un enseignement gratuit.

A peine savait-il jouer qu’un jour dans le quartier de Saint-Michel, il croisait un célèbre saxophoniste nord-américain. Il s’agissait d’Archie Shepp, le créateur du free jazz. Le jazzman a apercu Max Cilla avec ses boites à flûtes et lui a demandé de venir faire de la musique avec lui dans un caveau de jazz au drôle de nom : Le chat qui pêche. Max Cilla s’est retrouvé dans une salle pleine à craquer. Grâce à sa prestation, la patronne du club Mme Ricard "qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Edith Piaf" l’a embauché pour jouer tous les dimanches. Il a recruté des musiciens dont le Martiniquais Henri Guédon. 

 

#3 La flûte des Mornes

En 1970, Max Cilla a décidé de rentrer en Martinique. Lors d’un concert avec La Perfecta, il a fait la connaissance d’Eugène Mona, un jeune flutiste à qui il a donné des conseils. Par la suite, Eugène Mona a connu un énorme succès en Martinique au point qu’un collège a été baptisé à son nom en 2013. Le musicien a toujours rappelé qu’il devait son apprentissage de la flûte à Max Cilla. Remarqué par Aimé Césaire, député-maire de Fort-de-France, Max Cilla a été embauché pour transmettre son savoir sur la flûte. Il apprenait aux élèves du SERMAC (le service municipal d’action culturelle) de Fort-de-France à jouer mais aussi à fabriquer leur instrument. En 1980, le musicien a enregistré son album phare : La flûte des mornes en deux volumes.

Avec sa flûte, Max Cilla a quasiment fait le tour du monde, il a exporté la toutoune bambou aux quatre coins de la planète. Aujourd’hui, à 77 ans, Max Cilla parle toujours avec enthousiasme de musique. Il est atteint de cécité en raison d’un glaucome, mais il n’a pas renoncé à se produire sur scène. La flûte l’a emmené loin et lui transmet aujourd'hui une force et une joie de vivre inestimables.

A la prise de son : Anatole Debeaumont.

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♦♦ Max Cilla en 5 dates ♦♦♦

25 février 1944

Naissance au Lamentin

►Décembre 1963

Départ pour l’Hexagone dans le cadre du Bumidom

►Décembre 1967

Rencontre avec Archie Shepp

►1970

Rencontre avec Eugène Mona

►1980

Enregistrement des deux volumes de La flûte des mornes