La justice administrative a rendu lundi une décision symbolique en donnant raison aux habitants de Majicavo, qui contestent la destruction de leur quartier informel construit sur une colline abrupte de Koungou (nord), en raison de l'absence de propositions de relogement par la préfecture du département.
Juste avant la visite d'Olivier Klein dans l'île de l'Océan Indien, la note de présentation de son ministère réaffirmait : "Si la résorption des bidonvilles constitue un impératif de salubrité et de sécurité, elle doit s'accompagner de démarches structurantes".
Le ministre s'est rendu spécialement mardi dans le quartier Talus II de Koungou, où il était déjà venu "il y a quatre ans" (comme président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ndlr). "J'ai vu les changements parce qu'il y a une forte mobilisation", a-t-il dit. "On voit aussi tout ce qu'il reste à faire. Il faut sortir les habitants de cet habitat insalubre".
Mardi, le soleil frappe de toutes ses forces les pierres noires et les tôles de Talus II que le ministre observe de l'extérieur. Depuis plusieurs semaines, une vingtaine des quelque 500 habitants conteste l'arrêté préfectoral visant la démolition de leur quartier.
Installés ici depuis trente ans pour certains, l'idée de voir une partie de leur vie écrasée sous les bulldozers "alors même que l'on a fait toutes les démarches pour régulariser l'occupation" leur est insupportable, rappelle Fatima, une habitante préférant donner son nom d'usage.
Devant la justice pourtant, ce ne sont pas les efforts de régularisation qui ont convaincu, mais le manque de propositions de relogement, obligatoires selon les termes de la loi Élan sur laquelle repose l'arrêté préfectoral de destruction. C'est en tout cas ce que constate le juge des référés du tribunal administratif La Réunion-Mayotte qui a suspendu partiellement - seulement pour les habitants ayant attaqué en justice l'arrêté - le projet de démolition.
"Aucune proposition concrète"
"Malgré les affirmations et les écritures du préfet de Mayotte (...), aucune proposition concrète sur les offres d'hébergement n'a été régulièrement adressée aux requérants avant la notification de l'arrêté litigieux", a considéré le juge administratif. Et aucune pièce "ne permet de connaître la consistance des propositions d'hébergement dont se prévaut la défense", a-t-il considéré. "La loi, c'est la loi et il faut proposer des solutions de relogement", a affirmé Olivier Klein, questionné à ce sujet.
"En 20 ans de magistrature, je n'ai jamais eu le sentiment d'être aussi pris pour une nouille ! Je n'ai jamais vu la justice administrative aussi peu respectée ! On parle de la vie des gens tout de même !", avait même lancé le président du tribunal administratif, Gil Corneveaux, lors de l'audience en référé du dossier Talus II, à l'endroit des représentants de la préfecture qui tentaient de faire inscrire à l'instruction une dizaine de propositions de relogement - pour 22 requérants - établies la veille de l'audience.
Hormis dix logements en préfabriqué, aucune solution de relogement concrète ne leur a été proposée, et les habitants de Majicavo ne veulent pas en entendre parler. À proximité immédiate se trouve un site de relogement des familles concernées par une précédente destruction, quand des logements en durs avaient été édifiés en amont de l'évacuation.
Mardi, les occupants ont accueilli chaleureusement le ministre.
"Pourquoi ça ne se passe pas comme ça pour nous aussi ?", questionne Fatima.
"C'est triste de donner de faux espoirs aux habitants alors que leurs cases seront de toute façon détruites", glisse un membre local de la délégation, sous couvert d'anonymat.
"On a été un petit peu entendus, alors il y a encore un petit peu d'espoir", se console Fatima, au pied de Talus 2. "Et même si ça ne marche pas pour nous, il faut que tout le monde comprenne qu'on ne peut pas traiter les gens comme ça".