Mayotte : des ondes sismiques "mystérieuses" pourraient révéler une poche magmatique sous-marine

Depuis le mois de mai, Mayotte subit un "essaim sismique" dont le point culminant a été atteint le 15 mai avec un tremblement de terre de magnitude 5,8. En novembre, des ondes mystérieuses ont été détectées mais pas ressenties. Elles pourraient expliquer la crise sismique qui touche la région.
Des ondes sismiques puissantes mais aucun tremblement ressenti par la population… Étrange, mais pourtant bien réel. Le 11 novembre dernier, aux alentours de 9h30 (heure universelle), des sismographes du monde entier ont relevé des ondes dites "de surface". "Quand on voit ce type d’onde, on se dit qu’il y a un gros séisme : alors où est-il ?", explique Didier Bertil, ingénieur sismologue au Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM). Problème : aucun gros séisme n’a été détecté à ce moment-là. "Après recherches, nous nous sommes aperçus que c’était parti de Mayotte et que ça provient bien de cette crise sismique."
 

Essaim sismique


Or, à Mayotte, personne n’a rien senti. Pourtant, depuis le mois de mai, Mayotte est en effet secouée par un "essaim sismique" avec des tremblements de terre réguliers, dont le plus puissant a atteint la magnitude 5,8 sur l’échelle de Richter le 15 mai dernier. "7 mois de crise, c’est un peu long et on ne sait pas quand ça s’arrêtera", commente Didier Bertil.
 
Une telle activité sismique n’est pas anormale dans la région, selon l’ingénieur, mais il y a des changements : "Il y a quelques mois, des séismes de magnitude 5.6, 5.8, cela semblait peu vraisemblable. Mais aujourd'hui, c’est arrivé. Donc ça montre qu’on connaît mal la région."
 

Poche magmatique sous-marine


Les ondes mystérieuses détectées le 11 novembre pourraient donc permettre de mieux comprendre pourquoi l’activité sismique de la zone. Selon Didier Bertil, qui cite d’autres chercheurs comme Pierre Briole, géophysicien au CNRS, l’hypothèse la plus sûre est celle d’une poche magmatique sous-marine, à 4000 m de profondeur et environ 30 km des côtes Est mahoraises. Cette poche se viderait et il y aurait alors un phénomène de résonance provoquant des ondes de surface qui ne sont pas forcément ressenties. "Il y aurait des remontées de lave provenant de "dykes" (sorte de fissures dans la roche, ndlr) mais on ne sait pas si elles ont atteint la surface du plancher océanique. La difficulté est qu’on ne sait pas qu’est-ce qui est à l’origine de quoi."
 

Signaux GPS


Un autre phénomène a intrigué les chercheurs après que les ondes du 11 novembre aient été relayées par des internautes passionnés de sismologie : l’île de Mayotte se déplace. "Il y a une dérive constante liée à la dérive des plaques mais d’un coup, il y a eu un fort déplacement", explique Didier Bertil. Résultat, Mayotte s’est décalée de 6 cm vers l’Est et de 7 cm vers le Sud. Là aussi, les chercheurs mettent en relation ces changements repérés par les signaux GPS avec l’hypothèse d’une poche magmatique sous-marine.
 

Curiosité scientifique sans danger


Alors, quel impact pour les îles de Mayotte ou des Comores, situées tout près de cette hypothétique poche ? Rien de bien grave, selon Didier Bertil. "Il ne faut pas s’attendre à voir une île apparaître !", prévient-il. "Ce n’est rien de catastrophique, juste une curiosité scientifique. Il faut replacer ça dans le contexte régional. On est en plein milieu de la plaque africaine qui se déchire en deux. On ne sait pas très bien ce qu’il se passe à ces latitudes. On aurait tendance à dire qu’il y aurait une frontière de plaque en formation."
 

Recherches


Seules certitudes aujourd'hui, les chercheurs en sont au stade des hypothèses et des croisements de données. Un moment passionnant pour Didier Bertil : "C’est intriguant mais frustrant, on aimerait que tout se mette en place !" Le CNRS a lancé un appel d’offre pour installer des stations sismiques supplémentaires dans la région dès début 2019 et il y a une demande pour des capteurs sous-marins. "Ça prend un peu plus de temps que l’on voudrait mais c’est en cours."

Aucun autre signal similaire à celui détecté le 11 novembre dernier n’a été repéré depuis. Mais désormais, les yeux des chercheurs et les capteurs des sismographes sont rivés vers Mayotte, où de nouvelles découvertes pourraient être faites sur l’activité géologique, volcanique et sismologique de la région.