L'opération Wuambushu 2, annoncée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin en février, doit débuter prochainement à Mayotte. La date du lundi 15 avril avait été annoncée dans un premier temps aux élus. Pour le moment, le gouvernement et la préfecture n'ont pas présenté les détails ni annoncé d'objectifs chiffrés pour cette deuxième opération d'ampleur contre l'insécurité et l'immigration clandestine.
Mêmes priorités, mais un nom et des modalités différentes
Comme la première opération Wuambushu, ce deuxième volet aura trois objectifs : la lutte contre l'insécurité, contre l'immigration clandestine et le décasage des habitations illégales insalubres. Les modes d'actions vont en revanche évoluer : cette opération reposera cette fois sur des interventions ciblées. "Il y a un travail très fin qui a été effectué pour collecter des informations et faire en sorte que des quartiers soient précisément ciblés car ils abritent des trafics, des délinquants", expliquait la ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux, lors de sa visite à Mayotte les 3 et 4 avril. "On m'a présenté un plan avec des quartiers ciblés, avec des dates fixées sur plusieurs semaines."
Après une réunion de préparation de l'opération, le commandant de la gendarmerie de Mayotte annonçait un renforcement des capacités, notamment dans le domaine judiciaire. "On va faire évoluer les modes d'action par rapport à ce qui a été fait sur la première opération Wuambushu. Comme nous l'avons fait suite aux troubles à l'ordre public en fin d'année dernier, on a questionné nos modes d'action et on les a adaptés", précisait le général Lucien Barth. La priorité est claire : interpeller et judiciariser ceux qui sont identifiés comme étant des fauteurs de troubles ou des chefs de bande. Autre différence par rapport au premier Wuambushu : le nom. Si le gouvernement a fini par reprendre ce terme, cette nouvelle opération aura bien un nouvel intitulé selon le ministère des Outre-mer.
Pas de renforts supplémentaires de forces de l'ordre
Il ne devrait pas y avoir cette fois de renforts exceptionnels de forces de l'ordre selon le ministère des Outre-mer. Actuellement 1.150 policiers et gendarmes sont présents sur le territoire, deux fois plus qu'en 2017. "Aucun effectif de police ou de gendarmerie ne manquera pour mener ces opérations", a assuré la ministre Marie Guévenoux qui a annoncé également "des moyens supplémentaires aériens, maritimes et terrestres." Certains élus ont en revanche fait savoir leur inquiétude face au maintien de ces effectifs sur le territoire. Les forces de l'ordre seront particulièrement sollicitées avec début juin le 70e anniversaire du débarquement suivi surtout des jeux olympiques qui mobiliseront 30.000 policiers et gendarmes quotidiennement.
Une relation "apaisée mais exigeante" avec les Comores
Des élus comme le sénateur Saïd Omar Oili ont fait savoir leur inquiétude face au risque de voir à nouveau les Comores refuser le retour de ses ressortissants, comme ce fut le cas durant la première opération Wuambushu. Un différent qui s'était réglé avec la menace de la France de couper les aides au développement versées à l'archipel. "Nous mettons tout en œuvre pour avoir une relation apaisée mais exigeante avec les Comores, on est à ce stade satisfait", affirmait la ministre déléguée aux Outre-mer.
Mais depuis un an, la situation a évolué. Les demandeurs d'asile originaires de l'est de l'Afrique sont de plus en plus nombreux. La ministre Marie Guévenoux évoque depuis la fin du mois de février, le projet de réaliser avec le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin une tournée diplomatique dans la région des Grands Lacs pour avoir un dialogue "sur la question de l'aide au développement, sur les questions de collaboration, sur l'établissement de laissez-passer consulaires, sur les questions d'examen des demandes d'asile."
"Un rideau de fer maritime" dans un contexte d'épidémie de choléra
Outre l'expulsion d'étrangers en situation irrégulière, cette opération sera l'occasion pour l'État de prouver qu'il maîtrise le contrôle de ses frontières à Mayotte. Le rideau de fer maritime, promis par Gérald Darmanin en février, n'a pas encore été présenté. On ne connaît pas les détails de ce dispositif si ce n'est qu'il consistera en un renforcement des moyens d'intervention et le déploiement de nouveaux radars pour intercepter les kwassas en mer.
Un enjeu d'autant plus crucial que l'est de l'Afrique et les Comores sont frappés par des épidémies de choléra. Sur les six cas de choléra détectés à Mayotte, cinq concernent des personnes entrées clandestinement sur le territoire. Parmi elles, quatre ont notamment été interpellées en mer par les services de la police aux frontières.
Des tensions déjà présentes
Cette opération est en tout cas très attendue par les élus et la population, dans un contexte où les violences reprennent avec la fin du mois du ramadan. Le mercredi 10 avril, 18 bus ont par exemple été caillassés en une matinée, notamment à Tsoundzou. Comme ce fut le cas durant la première opération Wuambushu, cette nouvelle opération risque en revanche d'exacerber ces tensions et d'inciter les jeunes à l'affrontement avec les forces de l'ordre.
Ce fut le cas ce vendredi soir, des jeunes ont incendié des voitures et abattu des arbres à Doujani 2 pour protester contre une opération de décasage prévue ce lundi 15 avril. Dans la même soirée, des barrages sauvages ont été érigés à Mstapéré et des automobilistes caillassés, en rétorsion après une opération de police menée dans le secteur durant la journée.
Le moment de faire ses preuves
Cette deuxième opération Wuambushu sera en tout cas une forme de test pour le gouvernement. La première opération avait laissé un goût d'inachevé aux Mahorais. 700 cases détruites en une année, pour un objectif annoncé d'un millier, 25.000 reconduites à la frontière en 2023 soit autant que l'année précédente et 60 chefs de bandes interpellés et une insécurité qui perdure. L'État est attendu au tournant, alors que certains membres des forces vives menacent de reprendre les barrages à partir de 22 avril.
En attendant ce lundi, les forces de l'ordre multiplient depuis plus d'un mois les opérations de contrôles et les interpellations dans plusieurs secteurs. Des bilans régulièrement communiqués sur les réseaux sociaux. Une manière de prouver, selon les mots de la ministre des Outre-mer, que "Wuambushu, c'est tous les jours."