Mémoire de l'esclavage à Bordeaux : à peine inaugurées, les plaques explicatives de la rue Colbert vandalisées

Inaugurées le 13 mai rue Colbert (photo de droite) par l'association "Mémoires et Partages" et la ville de Bordeaux, deux plaques explicatives ont été dégradées.
Deux panneaux pédagogiques affichés dans la rue Colbert de Bordeaux ont été dégradés ce week-end. Karfa Diallo a annoncé déposer plainte au nom de l'association "Mémoires et Partages" et en tant que conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine.

À Bordeaux, les "journées de la Mémoire" - organisées du 10 au 23 mai afin de commémorer les mémoires de la traite, de l'esclavage et de ses abolitions - se terminent sur une note amère. Elles avaient vu l'inauguration le 13 mai par la Ville de deux plaques pédagogiques apposées dans la rue Colbert au cœur du quartier historique de Saint-Seurin. Des panneaux évoquant le rôle joué par Colbert, ministre de Louis XIV à l'origine du "Code noir", dans la légalisation de l'esclavage.

"Attaque contre un crime contre l'humanité"

Une semaine plus tard, dans la nuit de samedi 21 à dimanche 22 mai, les deux plaques ont été vandalisées, les textes pédagogiques effacés à la bombe de peinture noire. Pour Karfa Diallo, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine et fondateur de l'association "Mémoires et Partages", "c'est une attaque inadmissible contre une action anti-raciste modérée, pédagogique et citoyenne pour transmettre la mémoire du crime contre l’humanité." Il a annoncé qu'il allait déposer plainte. Il invite la mairie de Bordeaux à s'associer à la procédure. 

L'auteur "a effacé toutes les mentions du crime contre l'humanité, de la traite des noirs et l'esclavage, explique le militant anti-raciste dans un vidéo postée sur Facebook. Il a juste laissé le fait que Colbert était un ministre majeur de Louis XIV, contrôleur général des finances et secrétaire général de la maison du roi."

Expliquer le passé esclavagiste plutôt que l'effacer

Pendant un siècle et demi, Bordeaux a prospéré sur la traite d'esclaves, avec plus de 500 expéditions négrières. De 1672 à 1837, 120 000 à 150 000 esclaves africains ont été déportés vers les Amériques par des armateurs bordelais. 

Longtemps accusée de passer sous silence ce pan de son histoire, la ville a entamé un travail de mémoire au cœur de ses rues avec, notamment, des statues comme celles de Toussaint Louverture ou de Modeste Testas érigées sur les bords de la Garonne, mais aussi ces panneaux explicatifs apposés aux plaques de rues portant le nom de personnes qui ont encouragé et/ou prospéré grâce à la traite et l'esclavage.

La mairie de Bordeaux et l'association "Mémoires et Partages" ont également lancé le 10 mai une mission visant à créer un "centre de ressources contre les esclavages et pour l'égalité" dans cette ville symbole de la traite négrière et du commerce triangulaire, afin de "réconcilier l'histoire et la mémoire".