"Mes droits ont été respectés" : l'indépendantiste kanak Yewa Waetheane satisfait de ses conditions d'incarcération à Nevers

L'indépendantiste kanak Yewa Waetheane a reçu ce lundi 29 juillet la visite de la sénatrice du Rhône Raymonde Poncet Monge.
Après avoir rendu visite aux militants indépendantistes Frédérique Muliava et Dimitri Qenegei, la sénatrice écologiste Raymonde Poncet Monge est allée à Nevers pour évaluer les conditions de détention de Yewa Waetheane, autre membre de la CCAT détenu dans l'Hexagone. Reportage.

Dans l'embrasure de la porte de sa cellule, sa tête frôle le plafond. Les deux mètres de sa silhouette longiligne occupent toute la hauteur de la pièce, cachant aux yeux indiscrets l'espace de neuf mètres carrés dans lequel il passe toutes ses journées. À ses pieds, des claquettes bleues striées de bandes blanches. Au-dessus d'un short noir, son polo orange fait ressortir sa peau foncée et le tatouage du drapeau kanak dessiné sur sa gorge.

Dans le cadre d'une visite parlementaire, la sénatrice est autorisée à discuter avec les détenus de leurs conditions d'incarcération depuis la porte de leur cellule.

 

"Moi, ça va très bien", lâche, dans un sourire, Yewa Waetheane. À l'écouter, on oublierait presque que le militant indépendantiste kanak vit derrière les barreaux. Seul le vacarme du chariot de cantine trouble le calme de cette fin d'après-midi.

Sur le pas de la porte de la cellule, la sénatrice écologiste Raymonde Poncet Monge tente avec quelques questions d'évaluer les conditions de détention, "mais aussi les conditions morales, psychologiques" du détenu, comme c'est autorisé lors d'une visite parlementaire, cadre dans lequel La 1ère a réalisé ce reportage ce lundi 29 juillet. Lors de cette visite, interdiction d'évoquer l'affaire en cours. 

Placement dans "l'aile des vulnérables"

"Nous avons une personne qui a été fragilisée, puisqu'elle vit un éloignement géographique de 17 000 kilomètres", précise la sénatrice du Rhône. Après l'arrestation de onze membres de la CCAT le 19 juin dernier, soupçonnés d'être les "commanditaires présumés" des émeutes, sept d'entre eux ont été transférés directement vers l'Hexagone, pour être incarcérés dans diverses régions. Une méthode "d'un esprit colonial" selon la sénatrice. Yewa Waetheane, originaire de la tribu d'Eni dans le sud de Maré, l'une des îles Loyauté, faisait partie des sept. Il est arrivé à la maison d'arrêt de Nevers le 24 juin au matin, à 6h15 précisément. 

Comme tous les détenus, Yewa Waetheane a passé quelques jours au quartier des arrivants.

Comme tous les détenus, il a passé quelques jours au quartier des arrivants. "Pour ma part, les droits ont été respectés", déclare le prévenu, qui s'attendait à un traitement particulier. À son arrivée, Yewa Waetheane n'a pas fait de requête pour être seul en cellule, ni pour être placé à l'isolement. Après les cinq à sept jours réglementaires au quartier des arrivants, le militant de la CCAT a rejoint sa cellule, située dans "l'aile des vulnérables".

Au deuxième étage de l'établissement pénitentiaire, le silence règne dans cet espace éclairé par de grandes fenêtres. "On y met les gens qui veulent être tranquilles", ajoute Bruno Evrard, chef d'établissement de la maison d'arrêt de Nevers, présent tout le long de la visite de la sénatrice. 

À son arrivée, le détenu a pu recevoir une boîte remplie d'affaires essentielles tel que de la literie, des enveloppes, un kit d'hygiène.

 

C'est un détenu comme les autres, et non pas un détenu particulier, du fait qu'on pourrait le considérer comme un prisonnier politique. Il est satisfait d'être traité comme les autres, c'est un luxe que n'ont pas eu tous les détenus venant de Nouvelle-Calédonie.

Raymonde Poncet Monge

Avant sa sortie de prison pour être assignée à résidence, Frédérique Muliava était à l'isolement au centre pénitentiaire de Riom. Incarcéré à Mulhouse, Christian Tein, leader de la CCAT, est aussi placé à l'isolement. "Il est mis en quartier d'isolement pour des raisons politiques, des raisons médiatiques qui n'ont aucun trait à son comportement", a dénoncé l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint lors d'une visite le 17 juillet dernier.

Un compagnon de cellule "compatible"

Après étude des profils, l'administration trouve "une personne compatible" au profil de Yewa Waetheane pour partager son quotidien. 24h sur 24,7 jours sur 7, dans 9 mètres carrés. "Ça se passe bien", avance le colocataire de détention. "On échange beaucoup", complète Yewa Waetheane, qui occupe ses journées avec les activités de sport, les moments dans la grande cour avec les autres détenus et la bibliothèque.

Étudiant en sociologie, le trentenaire est satisfait de l'offre de livres proposée dans l'établissement : "Je ne m'y attendais pas, ici, il y a énormément d'ouvrages et c'est très diversifié. C'est une activité que je fais souvent."

Aux alentours de dix-huit heures, le repas est servi dans la prison.

 

Le détenu le confie, un temps d'adaptation était tout de même nécessaire. "En Nouvelle-Calédonie, on a certains codes culinaires, vestimentaires, dans notre façon de parler, qui ne sont pas les mêmes qu'ici. Mais l'environnement était propice pour que je puisse m'adapter." Les meilleures conditions de détention n'effacent pas les milliers de kilomètres qui le séparent de ses proches. "L'éloignement, c'est pas évident, c'est vraiment pas évident", confie Yewa Waetheane. Par chance, sa sœur jumelle vit non loin de là, dans l'Allier. Il y a quelques jours, elle a pu lui apporter un sac de vêtements. Et tous les vendredis, Yewa Waetheane décroche le combiné de sa cellule pour discuter avec sa sœur jumelle.

 "Pourquoi est-ce que vous l'appelez seulement le vendredi ?", s'étonne la sénatrice. "Parce que c'est l'organisation que j'ai décidé", répond le Kanak, imperturbable. Lorsque sa demande de visite sera autorisée, Yewa Waetheane pourra ajouter dans son planning les visites en personne de sa sœur jumelle. Pour l'instant, le détenu ne peut toujours pas appeler les autres membres de sa famille qui vivent en Nouvelle-Calédonie. "C'est un peu plus dur comme ils ne sont pas en France, ajoute-t-il. Je sais que certains membres de ma famille ont demandé à être dans les numéros autorisés, donc j'attends que la procédure se fasse." 

"Je vais être père"

Le décalage horaire et l'éloignement géographique compliquent également les relations avec les avocats. Si son avocat principal se trouve en Nouvelle-Calédonie, Yewa Waetheane est accompagné par deux confrères qui ont pris le relais localement. L'un d'entre eux a déjà pu lui rendre visite au mois de juillet.

Dans cette salle, le détenu pourra participer aux échanges par visio dans le cadre de l'enquête.

Au sous-sol de la maison d'arrêt, Yewa Waetheane pourra profiter d'une salle fraîchement rénovée pour participer aux entretiens en visio, nécessaire pour l'enquête puisque le dossier se trouve toujours à Nouméa. Selon Le Parisien, les avocats auraient demandé à ce que le dossier soit dépaysé dans l'Hexagone, une requête restée sans réponse pour le moment. 

Attendre reste le maître mot. En plus de l'enquête, une nouvelle perspective occupe les pensées de Yewa Waetheane depuis quelques jours. "Je vais être père", annonce sobrement le trentenaire. La nouvelle, il l'a apprise il y a une semaine, dans sa cellule.