Mois des fiertés : "Va, vis et vogue" - Un souffle de voguing à La Réunion

Extrait du documentaire : "Va, vis et vogue" - Un souffle de voguing à La Réunion ©Babel Doc
Le voguing – qui imite les poses des mannequins du célèbre magazine de mode américain Vogue – est bien plus qu'un style de danse : c’est aussi une manière de résister à l’exclusion pour les communautés LGBTQI+. La scène ballroom fait désormais son apparition à La Réunion, une île où les questions d’homosexualité et de genre sont encore un sujet tabou dans la plupart des familles. Ce documentaire invite à découvrir les témoignages bouleversants de Luna, Sarraffinnaa et Sunny, mis en lumière par les sublimes images de Christophe Astruc.

C'est dans les années 1920, en réponse aux préjugés envers les communautés LGBTQ+, que les jeunes queer noirs et latinos créent des réseaux de soutien et leurs propres structures familiales (les houses), des espaces sûrs où ils peuvent assumer et expérimenter leur identité lors de performances. Dans les années 1960, le mouvement s'étend et prend progressivement les contours de concours de beauté, où chaque candidat défile devant un parterre d'invités et de juges qui notent les artistes selon la présentation de la tenue, la performance sur un défi à thème ou le défilé sur podium. Le voguing est créé dans les années 1970 à New York par la communauté gay, trans afro et latino-américaine. De nombreuses performances incluent du "voguing", célèbre pour ses poses et mouvements de mains théâtraux, inspirés des mannequins.

Regardez le documentaire Va, vis et vogue - Un souffle de voguing à La Réunion d'Anouk Burel et Nejma Bentrad  dans son intégralité.

Johan Piemont, alias Luna Ninja

Johan Piemont, alias Luna Ninja : "J'aime la danse plus que tout au monde" 

Chorégraphe et danseur, à 25 ans, Johan Piemont, alias Luna Ninja, est le pionnier de ce mouvement à La Réunion. Pour le jeune homme, le voguing est une révélation. Luna a importé ce souffle de liberté sur son île en 2020, après avoir découvert cette scène à Paris, auprès de la légendaire Lasseindra et la House of Ninja. Cette figure de proue de la culture ballroom en France a changé sa vie en l'aidant à se révéler. Luna est "elle" sur scène, l'extravertie, une créature de la nuit et "il" dans la vie, personne timide et casanière. Cette partie féminine lui a permis de s'ouvrir au monde. L’artiste a pour ambition que son île devienne la destination queer de l’océan Indien. Pour ce faire, il a fondé la première house réunionnaise, autrement dit la première famille de vogueurs réunionnais. Sous cette impulsion, une nouvelle génération s'emploie à donner une visibilité aux minorités sexuelles et de genre.

Luna dormait au fond de moi et c'est grâce au voguing que cet alter ego a pu connaitre le jour.

 Luna Ninja

Nicolas alias Sarraffinnaa

Nicolas alias Sarraffinnaa : "le voguing c'est ma liberté d'expression"

Nicolas a trouvé son personnage de scène, Sarraffinnaa, à qui tout est permis. Pour lui, le voguing est le symbole de la liberté, qui lui permet d'exprimer ses émotions. Sarraffinnaa est une personne forte qui sait où elle va, qui n'a pas peur de donner son opinion et qui sait qu'elle mérite d'être entendue. Nicolas ne se considère pas comme non-binaire car à l'aise avec son identité d'" homme féminisé" : "Je suis un garçon qui aime se maquiller, j'aime être un homme efféminé".

Je pense qu’à La Réunion les gens préfèrent dire “mon enfant est en prison“, plutôt que “mon enfant est gay“. Même si on est sur la bonne voie, (…) on travaille dur pour faire évoluer les choses.

Nicolas alias Sarraffinnaa

Willy alias Sunny

Willy alias Sunny : "le voguing te permet de créer un personnage en fonction de qui tu es"

À 24 ans, Willy est, de son côté, en quête de Sunny, son alter ego sur scène, et n’a plus peur d’être dans la lumière. Danseur, il a participé aux premiers cours de voguing de Luna, qui lui ont permis de mener une introspection et un travail en profondeur sur ses peurs.

Ball organisé en mai à La Réunion

 

Le voguing célébré à travers un Ball inédit à La Réunion

Le 28 mai 2023, à Saint-Denis, Luna a organisé un ball historique, le premier sur l'île. Une compétition pleine de surprises entre les meilleurs danseurs réunionnais. Ce ball est le symbole d’une voix qui émerge peu à peu dans le département. Celle de la communauté LGBT+, invisibilisée depuis des décennies. En 2021 seulement, l’île accueillait sa première gay pride, gommant ainsi le retard sur l'Hexagone qui en organise depuis 1977.

Ce soir là c'est la nuit qu'on attendait toutes et tous, le fait de voir toutes ces personnes s'exprimer, montrer qui elles sont sans avoir peur de quoi que ce soit, c'est ça la beauté de cette soirée. 

Luna

Désormais, la révolution est en marche. Dans ce concours LGBT+, alliant beauté, danse et mode, les participants s’affrontent en arborant un look pailleté, une attitude de diva et un maquillage extravagant. Cet événement a été pour elles et eux un moyen de se découvrir, se libérer, danser et être enfin eux-mêmes au grand jour, sans se cacher, sur une scène. Le film les suit pendant toute l'organisation jusqu'au jour J. Face caméra, nos protagonistes nous livreront leurs joies, leurs craintes et leurs histoires exceptionnelles.

 ♦ Pour aller plus loin : 

Un film de Anouk Burel et Nejma Bentrad
Images : Christophe Astruc 
Production : Babel Doc
Sébastien Daguerressar
Durée 52 minutes - © 2023