Monique Blérald : "Il faut montrer que ce carnaval n’est pas seulement vécu en Guyane, mais aussi à Paris, Montpellier ou Toulouse" #MaParole

Monique Blérald au centre, présidente de l'observatoire régional du carnaval guyanais
Professeure de littérature à l’Université de Guyane et infatigable présidente de l’Observatoire régional du carnaval guyanais, Monique Blérald plaide pour son inscription à l’Unesco. Sa bannière ? Le touloulou, symbole du carnaval de Guyane.

Qu’elle soit à l’Université de Guyane, devant des étudiants ou des journalistes ou dans un groupe carnavalesque, Monique Blérald mène son combat avec un enthousiasme invariable. La présidente de l’Observatoire régional du carnaval guyanais plaide depuis 2014 pour l’inscription du touloulou et du carnaval guyanais au patrimoine immatériel de l’Unesco.

1 A pa mo ki di

Native de Cayenne, elle grandit enfant auprès de ses grands-parents maternels. Elle se souvient de sa grand-mère originaire des Anses d’Arlet en Martinique qui avait accepté de suivre son mari en Guyane. Ils avaient monté ensemble un négoce d’or et vivaient confortablement à Cayenne. Monique Blérald se rappelle que chacun des grands-parents vivait dans une aile de la maison. La grand-mère se rendait chaque dimanche à la messe. Ce qui fascinait le plus Monique Blérald, c’étaient les conversations entre femmes après la cérémonie. Elle se souvient aussi de son parrain, un homme à forte personnalité qui dirigeait la maison d’arrêt de Cayenne après avoir été surveillant pénitentiaire au bagne.

À l’adolescence, pendant plusieurs années, elle part vivre à Paris, près de Bastille avec ses parents qui avaient le goût du voyage, comme elle. En Guyane, Monique Blérald se rappelle aussi de l’influence déterminante de sa mère qui aimait beaucoup le carnaval. Rosange Blérald a écrit une dizaine de pièces de théâtre dont la fameuse A pa mo ki di qui a marqué la Guyane. "C’est un voyage à travers les années 50 à Cayenne, raconte Monique Blérald, cela parle des incompréhensions entre hommes et femmes, entre voisins. Il y a aussi des clins d’œil à l’orpaillage ou à l’éducation religieuse. Ma mère, rebelle par nature et avant-gardiste, se moquait des médisances".

L’actuelle professeure d’université se souvient aussi des répétitions de musique dans les différents groupes fréquentés par sa mère. "Elle avait la volonté de nous inculquer la connaissance de la musique créole".

2 Maryse Condé et la Louisiane

Après le baccalauréat, Monique Blérald étudie à l'école normale pour devenir institutrice. Elle se voyait magistrate pour enfants, mais son parrain trouvait qu’au moment du rapt du baron Empain en 1979, il était trop dangereux d’aller en Europe. Alors, elle devient maitresse d’école à Iracoubo. Avec sa directrice, l’entente n’est pas cordiale et Monique Blérald décide de se mettre en disponibilité et de partir étudier les lettres à Montpellier puis à Bordeaux.

Elle termine ses études par une thèse consacrée à l’œuvre de Maryse Condé qu’elle rencontre à plusieurs reprises. L’écrivaine guadeloupéenne lui conseille d’aller enseigner aux Etats-Unis. Après plusieurs années en Guyane, du collège à l'université en passant par le lycée, Monique Blérald se décide à partir en Louisiane. La professeure vit à Lafayette et apprécie l’ambiance universitaire. Elle découvre le carnaval de la Nouvelle-Orléans qu’elle apprécie. Elle fait venir l'écrivain guyanais Serge Patient et dans la foulée devient membre du conseil international des études francophones dont elle deviendra la première présidente créole en 2007.

Mais en aout 2005, le cyclone Katrina s’abat sur la Louisiane et dévaste tout. C’est l’un des ouragans les plus puissants qu’ait jamais connu les États-Unis. Le nombre de victimes se monte à plus de 1800 personnes, dont la majorité à la Nouvelle-Orléans. Les trois quarts de la ville sont inondés. Monique Blérald se souvient de sa peur pendant le cyclone et des jours d’après durant lesquels grâce au kwak amené par Serge Patient, elle a pu nourrir sa famille et des amis qu'elle avait hébergés.

Après cette catastrophe, la professeure décide de rentrer. Difficile d’oublier la perte d’amis et d’étudiants provoquée par le cyclone. Difficile aussi de vivre avec la peur de la violence qui a succédé à la catastrophe.

Monique Blérald présidente de l'observatoire régional du Carnaval, co-auteur

3 Touloulou et carnaval en Guyane

En Guyane, Monique Blérald fonde, en 2014, l’Observatoire régional du carnaval guyanais. Elle parvient à faire inscrire en 2017 le carnaval guyanais et la figure du touloulou au patrimoine français, première étape obligatoire pour l'inscription à l'Unesco. Mais depuis 2017, le dossier stagne un peu. Et pourtant Monique Blérald semble se démener. En 2019, l’Observatoire régional emmène une délégation du carnaval au Festival des rituels et danses masquées du Bénin. En 2020, après le premier confinement, elle participe au festival des cultures du monde de Gannat en Auvergne pour montrer le carnaval guyanais et ses touloulous.

Aujourd’hui, la militante du carnaval travaille avec des techniciens du ministère de la Culture pour mettre au point le dossier. "Il faut montrer que la population soutient le projet, il faut des appuis politiques et montrer aussi que ce carnaval n’est pas seulement vécu en Guyane, mais aussi à Paris, à Montpellier ou à Toulouse".

♦♦ Monique Blérald en 5 dates ♦♦♦

►1985

Etudes de lettres à Montpellier

►2000

Thèse de doctorat sur Maryse Condé

►Aout 2005

Cyclone Katrina en Louisiane

2014

Création de l’Observatoire régional du carnaval guyanais

26 octobre 2017

Inscription du touloulou et du carnaval guyanais au patrimoine français