Certains des films comme "Akiyo Jenez", "Timoun Aw" ou "Hé chabine" se sont fait remarquer dans le monde entier. Leur fabrication, 100 % guadeloupéenne, découle d'associations entre le Guadeloupéen Yannick Rosine et ses amis, confrères ou partenaires. Militant du cinéma antillais, ce percussionniste participe activement aux carnavals et n'hésite pas à utiliser sa palette de compétences, tant dans la réalisation que dans le montage, pour défendre sa vision du cinéma.
Un cinéma qui répond aux problématiques locales
Que cela soit pour "Timoun Aw" ou pour "Hé Chabine", Yannick Rosine et ses équipes veulent "raconter les choses de la réalité", "montrer sans tricher". Voilà le combat artistique du Guadeloupéen. C'est la raison pour laquelle ses films sont tournés en créole et mettent en relief les problèmatiques locales en lien avec celles du monde. "Faire des films en français pour qu’ils soient acceptés dans des festivals, j’ai dit non. Ce n'est pas ça qui va faire la différence" nous raconte le jeune homme.
Si je devais définir mes créations, je dirais qu'elles sont sociales, engagées et ambitieuses. Pourquoi ? Car on veut montrer sans tricher, on va plutôt dénoncer plutôt que de divertir et nous n'avons pas de limite. Pour un archipel situé dans les Caraïbes, on a accès à tous les pays.
Yannick Rosine
Partageant aujourd'hui la direction d'une boîte de production en Guadeloupe avec Sévrine Guims, cet ex-monteur est parti du constat en 2014 que malgré l'engouement et la portée du groupe Akiyo, aucune œuvre ne retraçait les origines de ce groupe mythique du carnaval en Guadeloupe. Il décide donc avec un ami, Stéphane Fahrasmane de revenir sur les origines d'Akiyo fondé en 1979.
Au départ très politisé, Akiyo a rapidement pris une tournure culturelle et artistique fortement marquée. Mais transmettre "l'esprit Akiyo", dans un film, a pris plus de temps que prévu. Après une première diffusion du documentaire en 2014, Yannick Rosine est finalement reparti en montage après l'apport d'autres membres fondateurs, qui ont fourni de nouvelles "archives indispensables" pour les deux réalisateurs. La version définitive, sortie en 2017, se présente donc à la fois comme un hommage et un documentaire historique de référence, qui a trouvé son public dans l'Hexagone ainsi qu'aux Antilles.
Et c'est une fois les différentes diffusions achevées que Yannick Rosine décide de structurer ses œuvres avec la société de production ZayanFim, une entreprise 100 % guadeloupéenne.
Bien que la reconnaissance est progressive dans le milieu, elle se matérialise une fois les premières diffusions de "Timoun Aw", un film conçu avec Nelson Foix répondant à un appel à projet. Présenté par la région Guadeloupe et Canal+, le court-métrage atteint la présélection des Césars en 2022. Une cinquantaine de sélections dans le monde plus tard, Yannick Rosine et ses équipes font partie de la délégation cannoise de la Guadeloupe, une véritable reconnaissance, qui ouvre de nombreuses portes : "En allant au festival de Cannes, j’ai fait beaucoup de rencontres. Je me suis fait un nouveau type de réseau. Tout cela m’a permis de revenir au Festival cette année".
Son autre court-métrage "Hé Chabine !" a été présenté en avant-première en février 2022 au CinéMartinique Festival en présence des comédiens Enzo Pierre-Justin et N'loana Tami.
Et l'œuvre à l'équipe technique 100 % féminine enchaine les sélections, "Hé, Chabine!" remporte le Prix du Public au Festival Nouveaux Regards puis le prix coup de cœur de la ville des Abymes au Cinéstar Film Festival. Le film poursuit son parcours au "Festival Court derrière" de la Réunion et au "LA Femme Film Festival" de Beverly Hills.
Une industrie qui peine malgré tout à décoller
Yannick Rosine le reconnait, "il y a de très beaux films qui sortent, mais le domaine du cinéma n’est pas encore assez développé". À travers ces mots, le producteur passe un message aux partenaires qui financent les films," ils n'ont pas encore compris les enjeux de notre cinéma" déclare-t-il.
Et à cela s'ajoute un problème de structuration, entre les différents statuts d'intermittence qui s'avèrent être un écueil supplémentaire. Pour lui, "toutes ces petites choses participent à faire obstacle à la pérennisation du cinéma".
Pour tenter de contrer cela, le monteur de formation a co-créé une association regroupant plusieurs métiers : auteurs, techniciens spécialisés dans les effets spéciaux, le son ou le mixage, qui permettent d'unir les productions et de gagner en coût et en productivité.
Une singularité artistique aux Antilles ?
À la question de la singularité, le réalisateur ne tranche pas, "une singularité ? Oui et non". Selon lui, au départ un film, "c'est juste un écrit qui défend des idées, nous, on essaie de les raconter". En revanche, ce qui diffère pour lui est l'histoire du territoire, le rapport à la nature, mais également à la colonisation.
Notre histoire est différente, celle coloniale aussi. Cela a créé des particularités dans chaque territoire ultramarin. Par exemple, en Guadeloupe, on est sur un archipel où tout prend de grandes proportions, si par exemple un axe routier est bloqué, c'est toute l’île qui est paralysée. Tout ce fonctionnement participe à une certaine forme de particularité. De plus, on utilise les mêmes codes que tout le monde. Néanmoins, les histoires que l’on raconte sont justes différentes parce que nous n'avons pas la même vie sociale.
Yannick Rosine
Quel avenir pour le cinéma antillais ?
Au-delà de la mise à disposition de matériel sur place, c'est tout un écosystème qui est en train de se développer dans les Caraïbes.
En Guadeloupe, on a du talent, j’invite tous les investisseurs à venir le constater. Et malheureusement, on souffre de cette reconnaissance. S'il y a une continuité territoriale, il faudrait qu’elle soit complète. La structuration doit passer par cette confiance et cet investissement de tous les partenaires envers le cinéma guadeloupéen.
Yannick Rosine
Désormais, les caméras et le matériel se trouvent sur place. Tout comme les studios et les équipes de scénaristes et d'auteurs, les acteurs des productions cinématographiques sont, eux aussi, présents sur les îles. Pour Yannick Rosine, l'approche et la vision locale participent à faire du cinéma caribéen , un cinéma qui reflète les travers de la société qui l'entoure, les conflits sociaux, le chômage ou la distance avec l'Hexagone.