[Municipales 2020] Hyper-proximité, éloignement, dotations : les maires d'Outre-mer racontent

Du fait de l'éloignement physique du reste du pays, les maires d'Outre-mer sont confrontés à des problématiques particulières propres aux territoires ultramarins. Outre-mer la 1ère a recueilli leurs témoignages, ils racontent les spécificités de leurs mandats.
Sur le papier, les maires ultramarins ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que leurs homologues dans l'Hexagone. Dans la réalité, ils sont souvent confrontés à des problématiques particulières qui peuvent rendre difficile l'exercice de leur mandat. Un constat partagé par des nombreux édiles d'Outre-mer lors du congrès des maires, organisé en novembre 2019 à Paris. 
  

Entre hyper-proximité et éloignement

Pour cette raison, le maire d'Ouangani à Mayotte ne se représentera pas en 2020. "Être maire à Mayotte, c'est trouver une solution à tout même quand vous n'avez pas de réponses", explique Ali Ahmed-Combo en riant. "Tous les problèmes vous retombent sur la tête. On est sollicité chaque matin pour tout et rien, même pour les responsabilités d'autres collectivités".
 
Ali Ahmed-Combo, maire d'Ouangani à Mayotte.

Chaque semaine, il consacre deux heures aux administrés de la ville, unique commune mahoraise à ne pas toucher le littoral. Mais dans sa permanence, il n'est pas juste question de vie scolaire, d'urbanisme ou de logement. "Parfois on me parle de problèmes familiaux et je dois quand même trouver une solution, même petite", raconte Ali Ahmed-Combo. "Ça, on ne l'a pas dans tous les départements et dans les villes qui sont en métropole."
 
 À 18 000 kilomètres de là, dans la commune de Hiva Oa où ont vécu Paul Gauguin et Jacques Brel, Teiiheiataata Étienne Tehaamoana fait par ailleurs face à l'incompréhension de ses administrés :
 

Dans nos îles très lointaines, ils ne comprennent pas qu'il faut payer l'eau qui, pour eux, a été donnée par le bon Dieu, alors qu'il faut bien amener l'eau dans les logements.


Nichée dans l'archipel des Marquises, l'île est à plus de 15 000 km de Paris mais aussi à 1 600 km de Papeete, la capitale de la collectivité d'Outre-mer. "C'est encore plus difficile pour nous de réaliser certains projets", concède Teiiheiataata Étienne Tehaamoana.
 
Etienne Tehaamoana, maire de Hiva Oa en Polynésie française.
 

Dotations budgétaires "inégales"

Pas découragé et avec l'envie d'aller "jusqu'au bout" de ses projets, le maire de Hiva Oa se représente cette année pour administer la commune de 2 300 habitants sur la liste Te Avatina Katahi, face à Hiva-Oa A Tu. Mais si lui dit avoir "encore un peu de force", il regrette le découragement de ses confrères. 
 
Jean-Claude Madeleine, maire de Sinnamary en Guyane.

"Avec les moyens d'aujourd'hui, les maires ne veulent plus se représenter", soupire l'un d'eux, Jean-Claude Madeleine, maire de Sinnamary en Guyane. La commune industrielle repose sur deux sites majeurs pour l'économie guyanaise : le barrage de Petit-Saut qui fournit en électricité deux-tiers du territoire et l'ensemble de lancement de la fusée Soyouz du centre spatial guyanais. 
 
 "Aujourd’hui, par rapport aux moyens que nous avons et par rapport à la distance qu’il y a entre nous et l'État, nous sommes obligés de faire du lobbying sur la France", explique Jean-Claude Madeleine qui se représente tout de même, face à Michel-Ange Jérémie et Andrey André. Résultat, des procédures longues, également pointées du doigt par Ali Ahmed Combo : "Si vous avez trouvé des fonds pour construire des écoles, ne serait-ce qu'avec les procédures pour arriver jusqu'à la construction de ce bâtiment, vous en avez pour 4 à 5 ans."

Le budget des communes fonctionne notamment grâce aux impôts et aux taxes, à des emprunts mais également à la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les compétences transférées par l'État. En 2020, elle doit s'élever à 26,8 milliards d'euros, un peu moins qu'en 2019.

Sa répartition entre les communes dépend notamment du nombre d'habitants et de leur potentiel financier. "Notre DGF est tellement basse que nous n'arrivons même pas à répondre aux besoin des administrés", explique Ali Ahmed-Combo avec amertume. Si lui a jeté l'éponge, il demande que soit mieux prise en compte la situation sociale et financière des citoyens de la ville. "Il faudrait beaucoup de choses pour que l'on soit équitable, que l'on partage la même chose.