🎧🎤"Ni chaînes, ni maîtres", grand film-hommage au marronnage

Simon Moutaïrou et Ibrahim Mbaye, invités de "L'Oreille est hardie" pour "Ni chaînes, ni maîtres"
Le podcast "L’Oreille est hardie" reçoit le réalisateur Simon Moutaïrou et Ibrahima Mbaye, l’acteur principal de "Ni chaînes, ni maîtres" (sortie mercredi prochain, 18 septembre 2024). Film fort autour de l’esclavage et du marronnage, qui honore la résistance des esclaves en fuite, avec un souci du détail et de la réalité historique. Rencontre et confidences sur le tournage d'un film qui fait déjà date…

Les dorures et les velours du grand hôtel parisien où L’Oreille est hardie rencontre le cinéaste Simon Moutaïrou et l’acteur Ibrahima Mbaye contrastent avec l’âpreté du sujet qui fait l’essence du film Ni chaînes ni maîtres. Qu’importe. La rencontre chaleureuse et les échanges éclairés avec les deux hommes sont bien tout ce qui ressortiront de ce paradoxe. Ce n’est pas tous les jours qu’un projet si délicat et ambitieux aboutit à un film puissant, bouleversant et instructif.

Et Ni chaînes, ni maîtres est tout cela, délivrant, malgré toute la noirceur du sujet de l’esclavage, un message de réconciliation et un hommage à toutes celles et ceux qui ont résisté pendant les trois siècles qu’a représenté cette traite inhumaine. Simon Moutaïrou et Ibrahima Mbaye évoquent chacun dans L’Oreille… l'itinéraire qui les a chacun conduit à la création de ce film :

Une histoire forte

Ni chaînes ni maîtres se déroule au milieu du 18ème siècle, dans cette île Maurice qui appartenait encore au Royaume de France. Massamba et Mati sont père et fille, esclaves dans une plantation de cannes à sucre, la plantation Larcenet. Une nuit, Mati décide de s’enfuir. Une traque, orchestrée par une célèbre chasseuse d’esclaves est alors menée pour la ramener, forçant Massamba à entrer lui aussi en marronnage pour tenter de sauver sa fille menacée.

Mati (Anna Diakhere Thiandoum) et Massamba (Ibrahima Mbaye)

Un film ambitieux

Bien sûr, il y a eu les films de Christian Lara (qui nous a quittés, il y a un an) ou encore ceux de Guy Deslauriers, abordant frontalement la traite négrière commise par la France dans les ex-colonies antillaises. Mais l’époque où ces films sont sortis, le peu d’éveil des consciences alors, une certaine cécité des mémoires ainsi que les affres de la production cinématographique en provenance des Outre-mer n’ont pas permis que ces œuvres soient suffisamment vues.

Le réalisateur de "Ni chaînes, ni maîtres", Simon Moutaïrou avec Camille Cottin

Et c’est l’un des premiers points soulignés par le réalisateur de ce Ni chaînes, ni maîtres qui débarque sur les écrans hexagonaux et ultramarins la semaine prochaine. Simon Moutaïrou adresse ce coup de chapeau aux cinéastes qui ont commencé à tracer le sillon, creusé cette fois-ci en profondeur par le réalisateur franco-béninois.
Car il n’est pas anodin de signaler l’importance de ses racines et du Bénin dans l’origine inconsciente de ce projet : enfant, Simon Moutaïrou voyait la grande "Porte du non-retour" dans la ville côtière de Ouidah. "Une grande porte rouge face à l'Atlantique qui commémore la déportation de familles entières alors arrachées à leur foyer", se rappelle-t-il. Une vision qui de son propre aveu éveillait déjà sans doute quelque chose chez lui.

"Ni chaînes, ni maîtres" de Simon Moutaïrou

Bien des années plus tard, en 2009, c’est un voyage personnel à l’Île Maurice qui lui donne le déclic de l’histoire qu’il veut raconter autour de la tragédie et de l’atrocité humaine que constitue la traite négrière. Pendant trois minutes, une vieille dame lui raconte ce qui fera la trame du film Ni chaînes, ni maîtres. Simon Moutaïrou mettra quinze ans (!) à porter le film sur les fonds baptismaux jusqu'à sa délivrance et sa livraison dans les salles obscures.

Des incarnations fortes

Massamba, le père qui entre en marronnage pour sauver sa fille, c’est l’acteur sénégalais Ibrahima Mbaye qui l’interprète et plus encore qui l’incarne. De l’aveu même de ce dernier, ce rôle et cette incarnation du personnage, d’un esclave apparemment soumis mais qui puisera dans l’amour de sa fille toute la puissance pour entrer en résistance, est un tournant dans sa carrière.
Personnage qu’il a nourri de sa propre trajectoire, des histoires issues de sa propre lignée et de toute la technique acquise au cours de son expérience professionnelle.

"Ni chaînes, ni maîtres" de Simon Moutaïrou

Le reste est le fruit de longs échanges avec le réalisateur et scénariste Simon Moutaïrou qui, après avoir trouvé son personnage principal, s'est appuyé sur l’ensemble de son casting pour asseoir son récit, drame intime et universel qui souhaitait rendre, en premier lieu, cet hommage aux marronnes et aux marrons.

Casting d'envergure

Le casting - parlons-en encore - pour souligner combien des noms d’acteurs “bankables” (pour assurer que le film malgré son sujet difficile pouvait être rentable) se sont révélés essentiels : Benoît Magimel en maître de plantation et Camille Cottin dans la peau d'une célèbre chasseuse d’esclaves (Madame la Victoire) assurent d’ores et déjà et indéniablement une visibilité accrue pour un film comme Ni chaînes, ni maîtres (aux côtés, donc, d'Ibrahima Mbaye qui joue Massamba et de Anna Diakhere Thiandoum qui joue Mati). 

Benoît Magimel et Ibrahima Mbaye

Les succès précédents de Simon Moutaïrou en tant que scénariste ( les films Boîte noire et Goliath, entre autres) lui ont permis de s'offrir ce casting mais aussi de passer à la réalisation de son premier film. Le cinéma est ainsi fait qu’un film autour de l’esclavage n’aurait pas pu autrement être monté et montré...
Ne boudons pas notre satisfaction à voir - enfin ! - un film d’envergure et de cette nature voir enfin le jour : il y avait une attente qui humainement, “sociétalement” et cinématographiquement est ici comblée avec Ni chaînes, ni maîtres et il n’y a qu’à entendre Simon Moutaïrou et Ibrahima Mbaye le raconter dans L’Oreille est hardie pour se convaincre que malheureusement et/ou heureusement, le temps fait parfois bien les choses même s’il faut patienter longtemps…

Le film "Ni chaînes, ni maîtres" de Simon Moutaïrou

Écoutez L’Oreille est hardie 

Et découvrez tout ce qui a conduit à ce film que L'Oreille... vous encourage à voir à sa sortie mercredi prochain. Découvrez comment le film a pu être produit avec, toujours en ligne de mire, un certain nombre d'exigences comme la véracité, voire la vérité historique, et combien la musique a été importante, traduction de ce qu'a voulu Simon Moutaïrou pour ce premier long métrage au sujet sensible : un souffle à la fois épique et intimiste pour relater le drame de l'esclavage et les valeurs du marronnage, de la résistance des esclaves.
Simon Moutaïrou croit dur comme fer que le cinéma a un rôle à jouer pour éveiller les consciences : un pari qu'il pourrait bien relever avec ce très réussi Ni chaînes, ni maîtres...

Retrouvez Ibrahima Mbaye et Simon Moutaïrou dans L'Oreille est hardie, c'est par ICI !

Ou par là :

Le film "Ni chaînes, ni maîtres" de Simon Moutaïrou avec Ibrahima Mbaye, Camille Cottin, Anna Diakhere Thiandoum, Benoït Magimel... sortie le mercredi 18 septembre 2024 sur tous les écrans dans l'Hexagone et les Outre-mer.